Le centre-ville commence à se garnir de magasins et d’une légion d’optimistes invétérés.
Le cœur de Beyrouth revient au monde du commerce. Lentement, mais sûrement.

Ce chantier d’une superficie de 158 hectares qui a démarré en 1994 après la création de Solidere est aujourd’hui presque dans sa phase finale.
Quelque 250 immeubles d’intérêt historique, ceux des rues Allenby, Foch… datant du mandat français ou de l’époque ottomane qui ont été gardés et restaurés ainsi que les rues piétonnes en pavé de basalte contribuent à redonner un cachet particulier au centre-ville. Celui-ci recommence à vivre avec «plus d’une trentaine de magasins qui ont déjà ouvert leurs portes, éparpillés dans les différentes rues», raconte le responsable d’une boutique d’habillement à la rue Allenby.
C’est depuis octobre 1999 que les premiers magasins ont ouvert, le marché est donc encore difficilement évaluable. Pourtant, Anthony Maalouf, propriétaire de Casper & Gambini’s, fait preuve d’optimisme : «Dès le début, nous affichions presque complet, nous avons cru alors que c’est la nouveauté des lieux qui attirait la curiosité des Libanais. Mais après trois mois, nous avons toujours les tables prises midi et soir». Pour d’autres, le travail est “satisfaisant”, sans plus.
Locataire pour
500 $ le m2

En majorité, les investisseurs sont locataires. Pour eux, «le centre-ville rénové et modernisé sera un des plus beaux quartiers du pays et, par conséquent, sera à nouveau le centre commercial de Beyrouth et le siège principal de sociétés comme c’était le cas autrefois». Certains ont loué leurs magasins des Wakfs des différentes communautés, d’autres de familles beyrouthines (Farra, Estephan, Mokbel…) et d’autres encore de Solidere. Le prix de la location varie selon le contrat et la superficie du magasin. Elle se situe généralement autour de 500 $ le mètre carré. Le prix du mètre carré pour l’achat est fixé par Solidere entre 6 000 et 7 000 $.
Pour le propriétaire d’un artisanat, inauguré en mars dernier, «le marché reste essentiellement touristique, il faut dès lors organiser des événements de tout genre pour faire connaître le nouveau centre-ville». Pour d’autres propriétaires, «il est aussi nécessaire de faire une promotion du centre-ville pour pousser les Libanais à venir redécouvrir la capitale».
En redécouvrant la capitale, on remarque que le haut de gamme et le prestige l’emportent largement. En voilà 2 exemples, les 2 dernières installations en date.

B&O : le 5e espace régional

En février dernier a été inaugurée la boutique Bang & Olufsen Beyrouth au croisement des rues Riad el-Solh et Weygand. B&O est le haut de gamme de l’audio-vidéo dans le monde (un téléviseur coûte en moyenne 2 000 $ et une chaîne hi-fi à partir de 1 100 $), depuis l’association des deux ingénieurs danois Peter Bang & Svend Olufsen en 1925 dans une petite ville du Danemark. César A. Debbas, directeur marketing du partenaire libanais, a exprimé sa joie pour le retour de Debbas au centre-ville où son grand-père avait fondé à Souk el-Jamil en 1910 l’entreprise qui porte toujours son nom : «Nous sommes fiers d’inaugurer cette boutique dédiée exclusivement à la marque B&O, que nous représentons au Liban depuis 1973».
Peter Sommer, directeur régional de B&O au Moyen-Orient et en Afrique, qui s’est déplacé pour l’occasion, a précisé : «Nous avons décidé d’ouvrir une boutique B&O à Beyrouth. Depuis 1993, nous avons établi une nouvelle stratégie en misant sur la qualité de nos produits et non sur la quantité. Et le centre-ville de Beyrouth nous donne précisément cette image de prestige qui se marie bien avec nos produits».
Au Moyen-Orient, à part le Liban, B&O compte des espaces de vente aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Égypte et au Maroc.
Cercle Hitti : investissement pour l’avenir

Autre installation récente, la dernière en date au centre-ville, le Cercle Hitti avec Roche Bobois. Pour le PDG Dany Hitti, la rentabilité de cet investissement est un projet à long terme. Mais le résultat, après un mois d’ouverture, commence à se faire sentir. Ceci est dû à plusieurs facteurs : tout d’abord «la fidélité de nos clients (particuliers, hôtels, restaurants), majoritairement libanais, mais aussi étrangers, l’image de marque des produits proposés (Roche Bobois et Ligne Roset) et aussi le fait que l’accès à cet emplacement (à la rue Maarad) est plus facile».
Quant aux conditions de cette nouvelle installation, M. Hitti explique : «Notre emplacement est stratégique, au croisement le plus cher de Beyrouth et la superficie du magasin est de 1 500 m2». M. Hitti n’a pas voulu donner un prix précis pour l’investissement immobilier, mais il a précisé que la société a acheté l’espace d’un particulier. Or, les particuliers justement ont créé un marché immobilier parallèle au centre-ville. Les “prix fixes” de Solidere ne sont plus de mise. Les fluctuations peuvent aller actuellement de 4 000 à 10 000 $ le m2 (pour les magasins en rez-de-chaussée).
En ce qui concerne les avantages de l’emplacement, M. Hitti considère que partout dans le monde un grand nom doit être au centre-ville, sinon il perd de sa valeur. Le centre-ville de Beyrouth est au cœur du pays où l’on peut rejoindre Achrafieh ou Hamra en 2 minutes, dit-il. «Actuellement, il n’y a pas encore de projet de promotion collective pour les boutiques du centre-ville. Mais, le Cercle Hitti accorde une grande importance à sa propre stratégie marketing». Pour un investissement de 10 à 15 millions $, M. Hitti se montre donc plutôt optimiste quant à l’avenir du centre-ville et du pays.