Passez donc prendre un café, disent tous les jours un million de Libanais adultes à l’autre million. Du coup, un gros business noir se profile, avec un leader, Najjar.

C’est par le truchement des machines à café espresso dont il assurait la gestion dans les années 50 que Michel Najjar a pris goût au commerce du café. Le tournant décisif a eu lieu en 1967, lorsqu’il entreprit de se lancer dans la torréfaction du café vert acheté sur le marché local. Première production : inauguration du comptoir de vente, acquisition d’une voiture de distribution. Les développements depuis ce moment n’ont plus cessé de se succéder.
Converti à 95 % à la production du café turc et à 5 % à celle de l’espresso, Najjar estime aujourd’hui qu’il est leader du marché, avec une part de 35 %. D’après eux, le second producteur au classement ne détiendrait que 11 %. Les produits Najjar sont exportés vers les cinq continents, notamment aux États-Unis, en Australie, au Brésil, dans les capitales européennes, bref là où se trouvent des colonies d’émigrés libanais et arabes.
Pour Georges Michel Najjar, président de la société, le moteur de la production est l’amélioration continuelle des normes de production. Dernière acquisition en date, une machine unique en son genre au Moyen-Orient qui fait suite à l’investissement, il y a 4 ans, de 8 millions $ pour l’achat de nouvelles machines.
Grâce à cet investissement, la capacité de production des usines Najjar est de 45 tonnes par jour. «Il est vrai que nous ne fonctionnons pas actuellement de manière à donner notre plein rendement. Mais notre capacité de production relève d’une décision stratégique, celle d’une région pacifiée et de frontières ouvertes, notamment avec l’Irak et la Syrie», précise M. Najjar. En attendant l’exploitation des 6 000 m2 d’usine et grâce au labeur des 210 employés, le concept du café Najjar continue de grandir. Deux franchises, l’une en Arabie saoudite et l’autre à Bahrein, ont été vendues. En effet, grâce à l’ouverture des cafés situés l’un à Zalka et l’autre à Achrafieh, Najjar a promu la pause-café traditionnelle libanaise en concept moderne et qui s’exporte. «Celui-ci est d’ailleurs adapté au rythme de la vie d’aujourd’hui, puisque nous avons pu mettre au point une machine à café turc, pour les bureaux, qui permet de préparer la tasse en 36 secondes. Mais je continue à croire, confie M. Najjar, que boire son café debout en circulant est une hérésie. Par contre, il n’y a rien comme la pause-café pour se ressourcer».

Torréfier le grain du café, c’est en raccourci, le noircir. Plutôt que d’être soumis au contact direct de la flamme, les grains subissent le souffle d’induction de l’air chaud. Grâce à cette technique révolutionnaire adoptée par Najjar, les grains reçoivent une chaleur homogène qui passe graduellement de 30 à environ 200º. D’autres paramètres comme le contrôle de la vitesse de l’air et de son volume se greffent sur cette technologie.

Les grains sont torréfiés par lots de 300 kg à la manière moderne entièrement automatique et informatisée. Cette méthode permet d’obtenir la régularité dans la saveur. Avec la torréfaction, la haute température permet l’évaporation de l’eau contenue dans le grain et qui représente entre 11 et 14,8 % du poids. La seconde phase élève la température encore une fois et fait subir au grain une pression telle qu’il “craque”. Enfin, la majoration de la température permet la cristallisation du sucre contenu dans le grain à 8 % et la libération des acides. Pour obtenir un café turc, on élimine sa teneur en acide, alors qu’on le garde pour la fabrication de l’espresso.

C’est en tablant sur les variantes du dosage du sucre, des acides et de l’amertume dans le grain qu’on peut obtenir une variété innombrable d’arômes. L’équilibre ainsi obtenu est stabilisé grâce au processus de refroidissement qui se fait par étapes… en réduisant la température à 110ºC puis à 70ºC. À partir de ce seuil, l’arôme, au départ précaire, est définitivement stabilisé autour de 34º environ.

C’est en partie grâce à son laboratoire, avec des outils de mesure et d’analyse, que Najjar préserve sa position de leader sur le marché. Des tests répétitifs sont menés sur le corps gustatif du café et de ses composantes. Lectures de la couleur, de la teneur en eau, en crème viennent orienter au quotidien les options de la production.