Les chiffres (monde) des maisons de ventes aux enchères sont sans appel : -37 % pour Christie’s par rapport à 2015 au premier semestre 2016 et -24 % pour Sotheby’s sur la même période. « Le marché international était largement surévalué : il s’agit d’une correction “normale”, pas d’une crise », analyse Abraham Karabajakian, cofondateur de la collection Ka. Dans pareil contexte, l’art régional s’en sort plutôt bien. « Le marché se maintient. À sa décharge, il faut aussi rappeler qu’il est encore “jeune”, n’ayant démarré pleinement qu’il y a dix ans environ », ajoute la commissaire-priseur Nada Boulos-Assad, fondatrice de la maison libanaise At Auction. « Il n’y a pas de chiffre officiel quant à son périmètre exact. Toutefois, différents experts s’accordent à considérer que la région, pays du Golfe compris, tourne autour de 100 millions de dollars annuels, soit quelque 0,6 % des montants globaux en jeu estimés à 16 milliards de dollars en 2015, par Artprice, leader de l’information sur le marché de l’art. « Au final, cela représente le prix d’une toile de Picasso ! » ajoute Abraham Karabajakian.
Malgré une ambition encore réduite, la région a connu plusieurs enchères exceptionnelles, portées notamment par le boom de l’art iranien, qui se manifeste depuis plusieurs années.
Côté libanais, on note le grand retour de Chafic Abboud, dont les œuvres, mises en vente en 2015, avaient largement été boudées des collectionneurs. Le maestro libanais a ainsi explosé son record de 2012 (387 750 dollars chez Christie’s) avec la vente, fin 2016, d’une toile baptisée “Les années de l’oiseau”, partie à un peu moins de 400 000 dollars. « Lorsque vous proposez des chefs-d’œuvre, les acheteurs suivent et achètent bien même au-delà des estimations initiales. » Parmi les tendances, on note l’intérêt croissant pour le travail des artistes femmes. « Les grands modernes sont désormais extrêmement difficiles à trouver. Du coup, certains collectionneurs reportent leur intérêt sur des niches, comme celle des peintres femmes, dont l’indéniable talent tardait encore à être valorisé », assure Abraham Karabajakian. Au-delà d’Huguette Caland ou d’Etel Adnan, exposées en ce moment à Paris, on voit désormais émerger des artistes comme Bibi Zogbi, dont les toiles se vendent autour de 20 000 dollars désormais (contre 5 000 dollars il y a moins de cinq ans) ou encore Hélène Khal. « Il y a une évolution certaine du public avec davantage de collectionneurs et d’amateurs qui suivent le marché de l’art et de l’art libanais. Peintures et sculptures au Liban sont davantage perçues comme une valeur – peut-être même comme une valeur sûre – et non plus seulement sous le seul aspect d’éléments de décoration de murs », précise Nada Boulos-Assad.