Depuis plusieurs années, les restaurateurs libanais ont compris qu’il ne suffit plus d’avoir pignon sur rue pour se faire connaître : il faut aussi être présent en ligne. Entre autopromotion et développement de services numériques spécifiques, les
professionnels du secteur font évoluer leurs habitudes.
Tour d’horizon des dernières tendances du secteur.

Le numérique s’est taillé une place de choix en salle. La majorité des restaurants propose aujourd’hui une connexion Wi-Fi gratuite et certains utilisent des tablettes numériques à la place des menus papier ou pour recueillir l’avis des clients à la fin du repas. Mais pour tout restaurateur, la première étape de la numérisation est la création d’une identité virtuelle. C’est-à-dire figurer dans les résultats d’un moteur de recherches lorsque le client tape le nom de l’établissement soit sous forme de site Web dédié, de page sur les réseaux sociaux ou d’un référencement sur des plates-formes comme Zomato ou Trip Advisor. La présence virtuelle est indispensable, car elle fournit des informations de base comme l’adresse du restaurant, le numéro de téléphone, le menu ou encore les horaires d’ouvertures.

Image promotionnelle : le boom d’Instagram

Au-delà de la diffusion d’informations pratiques, les restaurants, cafés et bars utilisent de plus en plus les réseaux sociaux à des fins publicitaires. Si cela peut se faire de manière organique lorsque la marque ne fait que gérer un compte et une communauté d’abonnés, certains établissements n’hésitent pas à intégrer pleinement les réseaux sociaux dans leurs stratégies de communication en souscrivant à des services payants.
Pour le client, le résultat est souvent le même en apparence. Un restaurant a une page Facebook ou un compte Instagram, où il annonce ses nouveautés, invite à des événements particuliers mais surtout publie des photos. La déco, la carte, les clients, les plats, tous les éléments visuels sont mis en avant. « Il y a cinq ans, les restaurateurs n’aimaient pas qu’on prenne en photo leur menu ou leurs plats, mais maintenant c’est l’inverse. Instagram a joué un rôle fondamental et aujourd’hui, les marques encouragent leurs clients à prendre des photos et à les diffuser sur les réseaux sociaux avec le “hashtag” du restaurant, c’est une arme publicitaire redoutable », dit Anthony Rahayel, créateur du blog No Garlic No Onions lors d’une table ronde sur les nouvelles technologies appliquées au secteur de la restauration, organisée lors de la conférence BDL Accelerate de la Banque centrale.

Commande et réservation en ligne

L’importance du numérique ne se résume pas à une question d’image, il offre aussi une palette de nouveaux services. Chez les restaurants qui réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires grâce aux livraisons, les commandes en ligne sont un véritable atout. Directement à partir du site ou via une application dédiée, le client se crée un profil et choisit ses plats sans passer par un opérateur téléphonique. Le paiement peut s’effectuer en ligne par carte bancaire ou en numéraire à la réception de la commande. Des restaurants comme Burger King ou McDonald’s proposent de tels services à partir de leur site Internet, tandis que d’autres comme Zaatar w Zeit, Roadster, BtoB ou le japonais Osaka ont en outre développé leur propre application smartphone.
Les commandes en ligne peuvent aussi passer par des plates-formes qui centralisent l’offre de plusieurs restaurants comme Onlivery.com. Ces innovations sont reçues positivement par les professionnels du secteur. « Aujourd’hui, les plates-formes de commande en ligne représentent 4 % de notre activité, mais cette part pourrait être de 50 % », dit Donald Battal, de Classic Burger Joint, selon qui il faut qu’elles soient adossées à un vrai réseau de livraisons.
Autre service qui a le vent en poupe : la réservation. Plus besoin de passer par un réceptionniste pour s’assurer d’avoir une table, tout peut se faire en quelques clics directement sur le site, l’application et les réseaux sociaux du restaurant, ou bien via des plates-formes dédiées comme ReserveOut. Lancée en 2012, l’entreprise aujourd’hui leader sur le marché au Moyen-Orient a su attirer 4 millions de dollars d’investissement en mai dernier. En passant par ReserveOut, le client peut avoir accès à des réductions ou à des tarifs préférentiels uniquement applicables aux réservations en ligne.

Des adresses géolocalisées

Autre vecteur d’innovation, les adresses. Alors que le Liban dispose de peu de noms de rues et de numéros d’immeubles, les entrepreneurs utilisent la technologie pour repenser la façon de cartographier la ville.
C’est par exemple le cas de Ronny Shibley et de ses associés qui ont lancé Eddress, une application qui remplace les adresses postales par un service de géolocalisation.
D’autres professionnels ont trouvé dans la géolocalisation un moyen de donner de la visibilité à un produit peu distribué. C’est le cas par exemple des concepteurs de la bière artisanale 961 qui ont lancé une application mobile permettant de localiser les établissements où elle est vendue.

Les principes de Airbnb et Uber appliqués au F&B

Les innovations numériques permettent enfin de rapprocher professionnels et particuliers. C’est notamment le créneau sur lequel surfe la plate-forme ChefXChange en permettant à ses utilisateurs de faire venir un grand chef pour cuisiner à la maison (voir page suivante). « Nous avons appliqué les principes d’Airbnb à la restauration à domicile », explique Karl Naïm, cofondateur de la start-up.
D’autres initiatives prennent plutôt exemple sur Uber, comme Mama’s Apron, une toute jeune entreprise libanaise, qui propose de connecter des femmes au foyer avec des personnes qui souhaitent manger un bon plat du jour.
Quatre profils d’entreprises libanaises

Le cuisinier − ChefXChange
Lancée en 2014 par Karl Naïm et Marc Washington, ChefXChange donne la possibilité à n’importe quelle personne de réserver un chef professionnel et de le faire venir cuisiner à la maison pour un ticket moyen autour de 50 dollars par personne. Les chefs affichent leurs tarifs et leurs menus sur le site, puis les clients choisissent et réservent en ligne. Lancée grâce à un apport sur fonds propres de 40 000 dollars, l’entreprise a depuis attiré deux millions de dollars d’investissements. ChefXChange se rémunère grâce à une commission de 15 % prélevée sur chaque transaction. Ce Airbnb de la cuisine basé à Beyrouth regroupe plus de 500 chefs entre Beyrouth, Dubaï, Londres et Washington.

Le livreur − Onlivery
Lancé en 2013, Onlivery s’apparente à une aire de restauration virtuelle. Dès que le client se connecte, il est  géolocalisé et Onlivery lui propose les menus des restaurants à proximité. Avec plus de 1 000 commandes par jour, 400 restaurants et 250 000 utilisateurs, la plate-forme génère environ trois millions et demi de dollars de transactions par an et tire ses revenus d’une commission appliquée à chacune d’entre elles. Pour bien commencer 2017, Onlivery se dote de son propre service de livraison avec environ 250 scooters dédiés. « Nous proposons aux restaurants d’externaliser la logistique », explique Daniel Kofdrali, cofondateur de la start-up. L’entreprise, qui totalise actuellement un investissement de 500 000 dollars, espère lever prochainement 750 000 dollars supplémentaires.

La plat du jour – Mama’s Apron
Qui de mieux qu’une maman pour préparer un repas ? C’est ce constat qui a motivé la création de Mama’s Apron, l’un des derniers-nés de la restauration numérique au Liban. « Grâce à notre site Web et prochainement notre application, les utilisateurs peuvent choisir entre plusieurs “mamans” qui mettent en ligne le menu la semaine. Une fois la commande passée, nous nous chargeons de la livraison », explique Emad Gharzuddin, cofondateur de la start-up. Débutée avec 6 000 dollars, l’entreprise cherche aujourd’hui à lever des fonds pour développer notamment une application. Le ticket moyen est fixé à 20 000 livres libanaises pour un plat et une salade. Mama’s Apron prélève une commission de 30 %.

L’adresse – Eddress
Cette application remplace les adresses postales par un code à six chiffres associé à des coordonnées GPS. Applicable à tous les secteurs, Eddress s’est fait une place dans le monde de la restauration grâce à un partenariat avec Zomato. « C’est une façon d’appliquer l’expérience Uber à la livraison », dit Ronny Shibley. Moyennant un forfait d’environ 200 dollars par mois par établissement, Eddress propose à ses clients de faciliter leurs services de livraison, en optimisant les bases de données et en proposant au client de pouvoir suivre sa commande en ligne. L’entreprise lancée en 2015 avec un investissement initial de 200 000 dollars a récemment lancé une expansion à Dubaï avec 200 000 dollars supplémentaires.