Difficile de joindre l’austérité à la largesse. Pourtant, ces objets estampillés restent incontournables : de l’argenterie ou – signe des temps – de l’humidificateur de cigares aux petits cadeaux symboliques, les habitudes évoluent dans la continuité.
Les fêtes de fin d’année approchent. Chacun de nous peut s’attendre à recevoir des vœux sous forme de cartes ou même de cadeaux. Votre assureur ou votre banquier ou quelque autre entreprise avec laquelle vous traitez ne manquera pas de marquer l’occasion. Des moins chers aux plus chers, les cadeaux varient : traditionnel agenda, parfum, stylos, montres, argenterie, cendrier, cravate… Les fournisseurs expliquent quels secteurs et quels budgets ont plus la cote.
Un responsable chez Romance SAL, distributeur de produits de luxe, parfums, cosmétiques et accessoires, explique que généralement les entreprises préfèrent offrir des parfums qui sont connus. Elles s’adressent aux parfumeries agréées auxquelles la société Romance vend directement. Pour quel genre de cadeaux optent les entreprises ? «Elles font varier leur budget par unité en fonction du niveau de la clientèle». Un très bon client aura, par exemple, droit à un coffret qui coûte dans les 150 $, comme les parfums Boucheron. Selon Romance, du groupe Fattal, les parfums les plus vendus actuellement sont les Yves Saint Laurent, Thierry Mugler, Paco Rabane, Davidoff et Gucci.
Quel type d’entreprise offre le plus de cadeaux. Il n’y a pas de règle générale, observe Jimmy Bassil, des Établissements Georges Abou Adal : «Tout va dépendre du budget général et du type du client auquel on va offrir le cadeau». Les banques ont l’habitude de commander des stylos. Mais, par exemple, Mc Donald’s a commandé un lot de stylos Dupont pour les marquer de son enseigne. «Notre clientèle n’est pas formée essentiellement de banques, note M. Bassil. Ce sont surtout des médias ou des sociétés comme Meatel, Sohat, Mc Donald’s, DHL, des compagnies d’assurances et des compagnies pharmaceutiques comme Novartis».
Chez les Éts E.L. Manasseh et Cie, les entreprises choisissent chaque année entre le cristal, la porcelaine, l’orfèvrerie, tout dépend de ce qu’elles veulent offrir, affirme Loutfallah Manasseh, directeur général de cette société centenaire. Les cadeaux d’entreprise sont souvent personnalisés et il arrive souvent que l’on grave un logo ou un slogan dessus. Les objets en cristal sont devenus assez prisés depuis que l’entreprise a commencé, il y a 3 ans au Liban, à graver sur le cristal. Les pendulettes en cristal ou en argent, les porte-clés, en passant par un vase en argent avec deux poissons entrelacés (qui a eu un énorme succès, 1 200 vases commandés par 2 entreprises) et divers autres objets sont assez prisés par les banques, les hôtels et d’autres grandes sociétés. «En fin d’année, nous-mêmes nous faisons plus de 300 cadeaux d’entreprise afin de fidéliser nos clients et nos relations d’affaires», explique M. Manasseh. Diverses marques sont proposées chez Manasseh comme Baccarat, Christofle et bien d’autres.
Le prix de la fidélité
Combien ces entreprises sont-elles prêtes à payer pour satisfaire ou fidéliser leur clientèle ? Les prix varient en général entre 30 et 120 $, déclare le responsable de Romance. «Les grandes sociétés commandent normalement dans les 40 à 50 parfums et achètent en plus une ou deux montres haut de gamme». De plus, ce sont les banques et les assurances qui offrent surtout des cadeaux à leurs clients.
Il est clair, pour Jimmy Bassil, que les entreprises tentent de limiter le budget cadeaux tout en perpétuant cette tradition. Un des objets les plus prisés est une montre de table à 25 $. Les autres articles souvent demandés chez Abou Adal relèvent des gammes suivantes : la petite maroquinerie Lancel (100-120 $ en moyenne) ou S.T. Dupont (100-150 $ en moyenne), les cravates (80-85 $), les briquets (200 $ en moyenne), les stylos S.T. Dupont (150-180 $) et Cross (35-50 $). Quant aux humidificateurs de cigares (300-350 $), on en achète «pour suivre la tendance», mais plus rarement, explique un autre responsable de la société.
Exemple concret de cadeaux d’entreprise : le groupe Choueiry a commandé l’année dernière quelques cadeaux à 800-1 000 $.
Par ailleurs, chez Manasseh plus de 200 références existent avec des prix qui varient de 20 à 500 $ l’unité.
Quant à Nicolas Garzouzi, conseiller du PDG chez Tamer Frères, agent exclusif de plus de 120 sociétés internationales, il constate que les entreprises achètent toujours en grande quantité mais se dirigent plutôt vers des prix inférieurs à 50 $. «Elles classent les cadeaux de fin d’année par catégories. Certaines ont des cadeaux destinés à des VIP, d’où des budgets plus importants qui se situent largement au-dessus de 50 $, voire 100 $ par cadeau». Ce sont surtout les stylos Montblanc qui sont prisés. Cependant, en termes de volume, le gros du marché des cadeaux d’entreprise se situe à bien moins que 50 $.
L’embarras du choix
En général, les sociétés vont elles-mêmes consulter les brochures et choisir les cadeaux, sans passer par un intermédiaire (agence de pub). Quant aux montres vendues chez les détaillants de Romance, elles sont sélectionnées sur place. Les catalogues, quant à eux, sont constamment mis à jour. Par exemple, les entreprises clientes de Tamer Frères choisissent elles-mêmes les cadeaux sans consulter un avis extérieur, remarque M. Garzouzi. Les responsables viennent examiner le produit ou le commandent sur catalogue. Celui-ci change d’année en année.
Pour être sûres de trouver un produit donné en quantités suffisantes, les entreprises doivent passer leurs commandes 3 mois à l’avance. Mais souvent elles s’y prennent sur le tard. M. Bassil déplore le fait que les sociétés attendent parfois la dernière minute et ne font pas de planning : «Il est préférable de commander en septembre-octobre pour Noël».
Marché en dents de scie
La tendance du marché est à la baisse, explique le responsable de Romance. Le monde des entreprises essaie d’économiser sur ce budget, ajoute-t-il. De plus, «les taxes sur les parfums sont de 55 %, alors qu’elles étaient de 34 % en 1999, ce qui encourage le flux des importations parallèles. Nous en sommes à 25 % plus chers que l’Europe et Dubaï».
Une source commerciale, qui a désiré garder l’anonymat, observe que «les taxes ont un impact néfaste sur les ventes qui sont à moins de 15-20 % des ventes normales». M. Bassil corrobore ces dires : «Celui qui offrait des cadeaux à 150 $ cherche maintenant à trouver des objets à 50 $. D’autres se contentent d’offrir un cadeau symbolique, par son prix, mais essaient de se rattraper sur l’originalité du produit. Dans ce cas, c’est juste un «marché complémentaire qui ne compte pas beaucoup dans notre chiffre d’affaires». La société Tamer, par contre, semble tirer son épingle du jeu. Ses responsables estiment que la tendance est à la hausse : «Le marché a un très grand potentiel. Nous comptons beaucoup là-dessus».
En fin de compte, entre la transparence des uns et la réticence, peut-être compréhensible des autres, sur le chiffre d’affaires des cadeaux d’entreprise, on remarque que ces cadeaux, devenus une tradition, restent incontournables. Mais en période d’austérité, on tente, autant que possible, de miser sur l’esthétique, la touche personnelle ou l’utilitaire pour compenser les contraintes financières d’un budget limité.