Deuxième producteur mondial de logiciels, l’Inde voudrait bien partager sa réussite technologique avec le Liban. Mais nos entreprises traînent les pieds.
L’Inde est un pays plutôt délaissé par la communauté des affaires au Liban, bien qu’elle représente un très fort potentiel d’échanges encore inexploités. Depuis quelques années, la “voie de développement indienne” a permis au pays de renforcer ses échanges commerciaux avec des pays très différents. Les grandes puissances industrielles ont décelé un climat propice aux affaires en Inde et s’y sont implantées. Ce pays, à grande diversité culturelle, religieuse, offre un choix important au niveau de son industrie, de ses services et de sa technologie. Aujourd’hui, l’Inde est, par exemple, le deuxième producteur mondial de logiciels informatiques. De nombreuses entreprises fabriquent aussi une partie de leurs produits : Philips, Mercedes, Alcatel, Siemens…
Le Liban est pourtant encore timide dans ses relations commerciales avec l’Inde. Les importations concernent quelques produits spécifiques, surtout le textile (37 % de l’ensemble) et les produits “ethniques”. L’Inde ne fait pas partie des 20 premiers pays fournisseurs du Liban. En 2000, les importations ont représenté à peine 1 % du total des importations. En termes de valeur, il s’agit d’environ 60 millions de dollars (en 2000), en progression constante (34 millions en 1998).
En ce qui concerne les exportations libanaises, il s’agit essentiellement de produits chimiques (acide sulfurique) et pharmaceutiques, ou de métaux comme le fer, l’acier et l’aluminium. Pour l’année 2000, les exportations ont atteint 13,858 millions $.
Une dizaine d’entreprises
spécialisées
La plupart des entreprises libanaises qui traitent avec l’Inde importent et commercialisent donc des produits artisanaux : pièces d’art, meubles, articles de décoration... Il existe environ une dizaine d’entreprises de ce genre, avec souvent des noms exotiques : Krishna, présente sur le marché depuis 9 ans, al-Diwan, depuis 18 ans, ou encore Ornina Arts & Crafts. Pour Ahmed Fakih, directeur d’al-Diwan, le marché des produits typiquement indiens tend à se tasser. Même constat, mais plus nuancé chez Aouni Abdul-Rahim (Ornina), pour qui «la qualité des produits manufacturiers indiens est mondialement connue et, malgré ses hauts et ses bas, elle aura toujours sa clientèle».
Si l’on passe aux choses plus sérieuses, on retrouve le constructeur national des automobiles. Tata c’est un peu la Peugeot des Indiens. D’ailleurs, au Liban depuis environ trois ans, les véhicules Tata font partie de l’offre de la société Sidia (Peugeot, Citroën et Kia). Le directeur de vente des voitures Tata, Toni Nehmé, décrit cette voiture comme étant «résistante et destinée surtout aux entreprises, particulièrement celles du secteur agricole». En effet, il existe plusieurs modèles, des petites camionnettes (diesel, turbo, double cabine) aux 4x4 en passant au “typer”. Les prix sont très abordables variant de 7 700 à 13 900 $ avec des facilités de paiement sur 4 ans, et «un service Sidia».
La voiture la plus vendue chez Tata est la 207 (petite camionnette). En 1998, 107 voitures Tata ont été vendues, 72 en 1999 et 81 en 2000.
Une visite s’impose
La réussite de l’économie indienne est cependant due à une panoplie de produits beaucoup plus diversifiés : nouvelle technologie, agriculture, industrie textile mais également parapharmaceutique. Ce résultat est l’aboutissement d’une collaboration étroite entre les secteurs privé et public. La stratégie était d’attirer les investissements étrangers directs. Toutes les mesures servant cet objectif ont été mises en œuvre : formation généralisée de la population, encouragement fiscal, développement de zones technologiques semblables à Silicon Valley, joint-ventures…
L’Inde a choisi de faire connaître son industrie en organisant des expositions régulières itinérantes. Toutes les destinations sont visées, des petits aux grands pays. Mais également l’Inde a de très nombreux joint-ventures dans ces pays et vice versa. Les ingénieurs indiens sont d’ailleurs très demandés dans le monde. Le second secrétaire commercial à l’ambassade de l’Inde, Virendra K. Srivastava, lance un appel dans ce sens : «Nous pouvons investir dans plusieurs secteurs au Liban, par exemple dans le secteur pharmaceutique, où nous sommes en tête de liste, mondialement, et qui est très promoteur au Liban. Beaucoup de sociétés indiennes ont déjà contacté l’ambassade et attendent une réponse. Cependant, il semblerait que le Liban ne voit pas les choses de la même manière». En effet, la FCCI, la Chambre de commerce et d’industrie fédérale de l’Inde, a déjà invité à plusieurs reprises des représentants libanais «qui sont toujours trop occupés», se désole M. Srivastava. Mais il conclut que «le Liban peut encore profiter de l’expérience indienne dans plusieurs domaines, dont les secteurs informatique et industriel, où le rapport qualité/pix des produits et services est très intéressant». Taïwan Un label qui gagne du terrain Les relations économiques et commerciales entre le Liban et Taïwan – ou faudrait-il dire entre Libanais et Taïwanais – se situent uniquement au niveau du secteur privé. Pas de représentation diplomatique ou consulaire, puisque le Liban, comme de nombreux pays, ne reconnaît pas l’existence de Taïwan, et en conséquence il n’existe pas d’accords bilatéraux qui régissent les relations économiques entre les deux pays. Le commerçant libanais doit toujours passer par Chypre ou Dubaï pour obtenir son visa. Il se voit même obligé de payer une pénalité de non-certification des produits importés pour absence d’autorité libanaise “certifiante” à Taïwan. Mais, malgré toutes ces tracasseries, on trouve actuellement de nombreux produits taïwanais sur le marché libanais. Et la plupart d’entre eux ont l’avantage de combiner qualité et compétitivité au niveau des prix.
Si les produits taïwanais bénéficient aujourd’hui d’une image de marque alliant la technicité et la sécurité à un bon rapport qualité/prix, cela est loin d’avoir été toujours le cas. Deux décennies plus tôt, l’expression “made in Taiwan” désignait péjorativement – aux yeux de la population – tout un bric-à-brac de produits bas de gamme, imitations de ce qui se faisait au Japon, en Europe ou aux États-Unis. Bref, c’était l’antithèse de l’arrogant “made in USA”.
Progressivement, à l’instar des autres tigres et dragons, Taïwan a su devenir un exportateur de produits high-tech très fiables faisant une dure compétition à leurs équivalents européens, japonais ou américains. À un moment donné, ces produits ont cependant failli perdre leur principal atout, le bon rapport qualité/prix : au fur et à mesure qu’ils gagnaient en technicité, leur prix s’élevait et alors plus rien ne les différenciait des autres produits de qualité. La crise financière asiatique de 1997 a cependant modifié la donne et la tendance ascendante des prix s’est quelque peu infléchie.
Remonter la filière
Au Liban, ils sont un peu moins de trente à importer partiellement leurs produits de Taïwan, essentiellement dans le domaine de l’informatique, de l’électroménager et des outillages. Dans la plupart des cas, ils sont entrés en contact avec les entreprises taïwanaises à travers les foires organisées en Europe, aux États-Unis, à Dubaï, où les Taïwanais ont l’habitude d’exposer leurs produits. Souvent, c’est en cherchant la source des produits exportés par les Européens et les Américains et originellement manufacturés à Taïwan qu’ils ont pu trouver les bons contacts. Il fallait donc remonter la chaîne des intermédiaires pour trouver l’entreprise qui fabrique ces produits. En y ajoutant la crédibilité dont jouit leur propre entreprise auprès du consommateur libanais, ils ont pu fidéliser leurs clients à ces marques taïwanaises sans vraiment chercher à étendre horizontalement la gamme de produits “made in Taiwan” et sans rompre avec leurs partenaires italiens, américains, allemands…
En principe, les entreprises taïwanaises ne commercialisent pas elles-mêmes leur production au Liban, puisque le marché libanais est assez étroit. Les rares fois où elles ont participé à des foires au Liban, les résultats n’ont pas été vraiment fructueux, puisque ces sociétés n’étaient pas vraiment introduites auprès du public libanais qui maintenait une confiance indéfectible dans les marques européennes, américaines et japonaises plus connues.
De manière sommaire, les relations économiques entre le Liban et Taïwan se résumeraient donc à l’importation de produits taïwanais au Liban à travers un commerçant libanais, l’inverse étant presque impossible.
Sur un autre plan, on note l’absence de sociétés taïwanaises pourtant hautement qualifiées dans les grands projets d’infrastructure et de télécommunications. Cette absence serait due encore une fois à la précarité des relations entre les deux pays.
High-tech compétitif
Pour de nombreux Libanais qui traitent avec Taïwan, le principal atout des Taïwanais réside dans leur sérieux et leur professionnalisme. Pascal Karam, directeur général de Computer Technology & Services (CTS), est de cet avis. «Contrairement à d’autres, les Taïwanais sont sérieux, honnêtes et très professionnels. Ils sont minutieux et ont le sens du détail, affirme-t-il. Bien sûr, leur partenaire doit aussi avoir ces qualités s’il entend maintenir sa coopération avec eux ; au moindre engagement non tenu, à la moindre malversation, ils sont en effet capables d’arrêter toute affaire». La CTS, qui fournit en hardware et software de nombreux hôpitaux, banques et commerces, traite avec Taïwan depuis 1985. Ses principaux fournisseurs sont des entreprises américaines, chypriotes et taïwanaises. Ces dernières assurent, à elles seules, près de 60 % de ses produits : PC portables (Altima), équipements informatiques (D-Link) et lecteurs de codes-barres (Tysso).
Les établissements Pharaon Homeline sont, eux, plus récents sur ce marché. Walid Nasser, responsable marketing, explique : «Nous importons des air conditionnés et des réfrigérateurs taïwanais depuis presque cinq ans. Ces importations sont en perpétuelle hausse et constituent actuellement près de 20 % du chiffre global de nos importations». Pour Walid Nasser, le choix de Taïwan s’est fait par souci de rentabilité et d’efficacité : «C’est en effet après une solide étude de marché que nous avons constaté que ces produits présentent le meilleur rapport qualité/prix et qu’ils offrent l’exigence de qualité que nous demandons». De plus, les entreprises taïwanaises assurent le suivi de leurs produits et envoient fréquemment leurs ingénieurs et spécialistes marketing auprès de leurs partenaires libanais.
Comment faire pour importer de Taïwan dans les meilleures conditions possibles ? D’après Pascal Karam, «il faut seulement chercher la source». Ce qui ne semble pas très évident, puisque lors des foires les stands taïwanais s’alignent identiques sur des dizaines de mètres. Le contact peut aussi se faire par e-mail, et la plupart des entreprises taïwanaises disposent de sites Internet. «Une recherche substantielle sur Internet, affirme Walid Nasser, permet au commerçant libanais de se faire une idée assez précise de la gamme des produits offerts et des prix». Pascal Karam et Walid Nasser seraient même tentés d’affirmer qu’il serait inutile d’effectuer le déplacement jusqu’à Taipei, car la garantie ISO protège des malfaçons. Le seul inconvénient, d’après M. Nasser, serait la nécessité de passer les commandes à temps, puisque, distance oblige, la cargaison livrée par bateau met environ un mois pour arriver.
Pourtant, et malgré de nombreux avantages, l’île de Taïwan ne figure pas dans le top 10 des fournisseurs au Liban et se verra probablement à l’avenir concurrencée par la Chine continentale, qui gagne progressivement du terrain sur certaines lignes de produits.