Au printemps dernier, Jacqueline Moussa est revenue au Liban après douze ans en France
pour prendre ses nouvelles fonctions en tant que directeur général Moyen-Orient de Bull.

Pour cette nouvelle offensive sur les marchés du Moyen-Orient, Bull a donc décidé de baser la mission à Beyrouth et de confier la tâche colossale à Jacqueline Moussa. Le territoire qu’elle couvre va du Pakistan au Maroc en passant par l’Iran et les pays du Golfe. Quelles sont donc ses chances de réussite ?
Brillante diplômée en génie informatique, en 1976, à l’ESIB, Jacqueline Moussa poursuit sa spécialisation à Sup Telecom (l’ENST), France.
En septembre 1978, de retour au Liban, elle est recrutée par la société immobilière Trad dont elle crée le centre informatique. Mais suite à un drame familial, elle interrompt sa carrière et ce n’est qu’en 1982 qu’elle reprend le chemin des entreprises. Elle opte alors pour Bull Liban, qui la recrute en tant qu’ingénieur technico-commercial. Un an plus tard, on lui confie des responsabilités de management gros et moyens systèmes. En 1987, elle est nommée directeur technique. Elle voyage beaucoup pour son travail, participe à des réunions internationales où, en tant que directeur technique, elle est la seule femme, jeune au demeurant, venant de surcroît d’un pays arabe. Ses compétences dépassent largement les besoins du marché libanais, et Bull lui propose un poste en France.

Consécration internationale

En avril 1989, elle est donc nommée responsable support du réseau international, qui s’occupe de l’infrastructure informatique des sociétés. Elle se déplace souvent, en Afrique du Nord, en Égypte, en Europe de l’Est. En 1991, travaillant sur un avant-projet concernant le ministère des Finances polonais, elle passe une année avec son fils à Varsovie, «une année extraordinaire», au lendemain de la chute du mur.
En 1992, de retour en France, elle est nommée directeur de projets, poste qu’elle occupera jusqu’en 1996. Les projets qu’elle traite concernent respectivement la RATP, la Maison de la culture du Japon, le ministère français des Finances, le groupe Elf. À partir de 1997, elle est nommée responsable des grands projets défense de Bull auxquels s’ajoutent bientôt presque toutes les institutions publiques françaises.
En juillet 2000, la réorganisation complète de Bull la propulse au comité de direction de Bull France. Responsable de tous les achats et de la gestion des ressources, elle a 1 500 personnes sous ses ordres. On fixe un objectif de 5 % en plus de productivité sur deux ans, mais six mois plus tard elle réalise +6,2 %. Comment explique-t-elle sa réussite ? La recette tient en deux éléments : «D’une part, je prends plaisir à ce que je fais, à mon travail, et d’autre part, j’oublie l’objectif et je fonce, je construis ».
Foncer et construire sont justement les deux facettes de la mission qui l’attend au Liban, où elle arrive au printemps 2001.

Un terrain à reconquérir

Bull est implantée depuis 1962 au Liban, mais juste pour le Liban. En 1987, Bull Moyen-Orient voit le jour à Chypre, puis elle est transférée en 1995 au Caire, pendant un an, avant d’être à nouveau transférée, mais au Liban cette fois-ci. Avant de quitter le Liban, en 1989, elle avait quarante personnes dans son équipe et ne couvrait que le Liban ; aujourd’hui, Jacqueline Moussa couvre 21 pays de la région avec une équipe moins importante. Le défi est grand pour Bull. Si son activité était surtout centrée autrefois sur les produits, la compagnie cherche à présent à se repositionner avec des solutions grands projets clés en main. Ses points forts résident dans l’infrastructure et les solutions sécurisées.
Il n’est pas rare de voir Jacqueline Moussa surgir d’une réunion en tailleur gai et escarpins pour endosser pantalon, veste longue et foulard avant de sauter dans un avion à destination de l’Iran ou du Golfe.
Comment a-t-elle retrouvé le Liban, et le marché libanais ? Pendant ses douze ans en France, Jacqueline Moussa est revenue tous les étés au Liban, elle en a suivi l’évolution au cours des années, mais elle reconnaît avoir trouvé, à son arrivée en mai, un «climat de sinistrose inhabituelle». Au plan professionnel, comme la plupart des chefs d’entreprise aujourd’hui au Liban, elle souligne les difficultés dues au manque de professionnalisme, à la laxité, aux pratiques – comme le dumping – visant le profit à court terme. Comment lutter en effet contre ceux qui cèdent des machines à des prix plus que symboliques à des sociétés qui ne se soucient pas de savoir si la logistique et le suivi après-vente seront assurés. Mais, le Liban et sa mission au Liban, Jacqueline Moussa y croit et, vu l’itinéraire exceptionnel de sa carrière, semble en bonne position pour gagner ce nouveau pari.