À 58 ans, il est Monsieur “eau de Nestlé” dans plus de 60 pays, nommé cet été
vice-président régional de Perrier Vittel. Soit la division Nestlé qui couvre le monde entier :
70 usines et plus de 70 marques.
Des règles pour réussir dans la vie ? Amine Abboud, le profil bas, le sens de l’écoute et du terrain enrichi de la connaissance théorique et surtout l’aptitude à raisonner positivement : «Comment je vais faire telle chose et non pas pourquoi je ne peux pas la faire».
Après Jamhour et le Collège des Frères, il part pour la France. Trois années durant, il suit des études de médecine. Estimant qu’on «ne finit jamais de se spécialiser en médecine», il change de cap. Rentré au Liban, il démarre une licence en sciences économiques à l’USJ. Il n’a pas encore achevé sa première année universitaire qu’il se lance dans le travail. Quelques mois d’apprentissage dans une banque, à l’issue desquels il prend conscience qu’il est plutôt “fait pour le commerce”. À juste titre.
Première affaire : il se lance avec un associé dans la représentation commerciale et se retrouve agent de marques d’argenterie et de maillots de bain.
Diplôme en poche, il décroche un emploi de “product manager” chez L’Oréal. Mais il ne tarde pas à repartir à Paris où il est engagé par Grès comme responsable de la commercialisation des produits de la prestigieuse maison de parfumerie dans les pays d’Afrique, du Moyen-Orient et une partie de l’Asie.
Parallèlement, poursuit-il sa spécialisation en 3e cycle en sciences économiques à Paris I Panthéon Sorbonne. Quelques années après, il passe dans l’industrie lourde, intégrant un groupe franco-belge qui lui offre un plus grand champ d’action.
À 31 ans, l’aventure Nestlé
Il rejoint le groupe Nestlé à 31 ans, suite à une offre d’emploi parue dans L’Orient-Le Jour. Embauché à Nestlé-Suisse, d’où il commence à agir, il est transféré, début janvier 1975, à
Nestlé-Liban et nommé directeur marketing pour le
Moyen Orient.
Lorsque la situation se détériore en 1975, il est affecté “momentanément” en Suisse. «J’ai donc quitté Beyrouth en pensant que j’allais revenir y travailler un mois plus tard et je n’ai pu, plus jamais, le faire». Il suit dès lors une trajectoire de diplomate au service de Nestlé, qui le mène aux quatre coins du globe. Littéralement.
À coup de travail acharné, de rudes batailles d’adaptation aux grandes tendances du marché sur tous les continents, il s’impose. Son grand ami Antoine Wakim, PDG de la SNA, dit de lui : «Amine a une résistance extraordinaire à la fatigue. Il est dévoué tel un soldat lorsqu’il s’agit d’atteindre les objectifs qu’il se fixe».
Abboud peaufine sa méthode, ne laissant rien au hasard. «Je suis un pragmatique. Je dis aux gens qui sont autour de moi que j’aime faire le marketing pieds nus, “field foot marketing”, parce que c’est là que l’on comprend mieux les choses et, par conséquent, on les
réussit». C’est la façon Amine Abboud
qui combine plus d’un ingrédient.
«Pour gérer à bien le travail d’équipe, il faut comprendre que les gens sont formés de réalisateurs, précurseurs, catalyseurs, d’analystes… et que chacun d’entre
eux n’aime pas l’autre… mais celui qui réussit finalement c’est celui qui comprend qu’il a besoin de tout le monde».
Plutôt que le management par le stress ou la terreur, Abboud pratique la politique de la porte ouverte. Homme de communication, «j’ai toujours pensé que lorsque des murs de séparation sont érigés, on n’arrive pas au ciel. Et puis j’ai appris à travailler avec des gens appartenant à des cultures et de mentalité différentes».
L’Égypte à partir de zéro
L’expérience qui le marque le plus est celle acquise en Égypte. Il y passe 12 ans à partir de 1980, chargé au départ d’y établir un bureau de représentation régionale, qui n’est alors doté que d’une secrétaire. Et quand il quitte l’Égypte, il y a déjà
2 000 personnes qui travaillent pour le groupe. Parce que, entre-temps, il a successivement installé un bureau scientifique, une société de distribution et fondé les premières usines Nestlé (céréales, Maggi…) de A à Z. Sous son impulsion, Nestlé réussit l’acquisition d’usines de crème glacée et de yaourts… et n’a de cesse de se développer.
Début 1993, il rejoint Paris. Nestlé vient d’acquérir Perrier Vittel et il est désigné à la “division eau” de la multinationale, en charge du Moyen-Orient. Et d’année en année, sa prise en charge s’étend aux pays du sud de l’Europe, de l’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique. Il a été ainsi l’initiateur des premiers contacts avec Sohat qui débouchent sur un partenariat, avant que Perrier Vittel n’acquiert tout Sohat en 2001. On compte également à son actif l’installation d’usines d’eau en Turquie, Afrique du Sud, Arabie saoudite (le partenariat avec le n° 1 saoudien al-Manhal doit bientôt s’accroître pour atteindre le nombre de 5 usines). Par ailleurs, il suit de près des projets du même genre au Nigeria et en Ouzbékistan.
Récemment, délocalisation oblige, il s’est attelé à assurer le transfert de ses quartiers généraux de Paris à Dubaï. Mais Abboud passe 60 % de sa vie dans les avions. Il a déjà visité plus de 100 pays et a vécu pour une plus ou moins longue période dans une dizaine d’entre eux. Un profil parfait de citoyen du monde ? Et de répondre avec la simplicité de ceux qui, au-delà de la réussite, cherchent le sens des choses. «Je me sens Libanais, je suis Libanais. Mais avec les voyages et la vie à l’étranger, on change un peu. On est beaucoup plus ouvert au monde». Il enchaîne : «Je suis toujours revenu au Liban, pas moins que 2 fois l’an pendant les 30 dernières années». C’est dans ses racines qu’on trouve la stabilité.
Grand amateur de bridge, de ski, d’opéra et de peinture, ce fidèle de la presse économique, le Wall Street Journal et le FT, favorise dans ses lectures les biographies historiques.
Il a gardé, il garde, des proverbes cités par un oncle chéri qui ont meublé son éducation, le goût d’une grande sagesse. «Quelques échecs dans la vie sont bienvenus pour les leçons qu’on en tire. Trop de succès peut être dangereux, peut rendre arrogant».