Le tourisme balnéaire a suivi un destin très particulier au Liban, au cours des dernières décennies. Résultat actuel : soit les plages sont délaissées et passablement sales, soit des constructions
en béton y sont édifiées.

Une exception, le Sud, avec ses belles plages, n’a pas été exploité pour des raisons de sécurité. «L’abandon de ces plages a eu un effet positif sur cette région : la préservation de son littoral des constructions en béton», souligne Gilbert Khoury, PDG de Cimes Holding, promoteur de l’Oceana à Rmeilé.
Après le retrait de l’armée israélienne et la pacification du Sud, les propriétaires de terrains situés en bord de mer ont commencé à les exploiter, mais d’abord d’une façon rudimentaire. L’idée d’une exploitation professionnelle de la plage, impliquant tous les aspects des services, a émergé d’un coup. «D’une part, on s’est rendu compte que passer une journée sur une plage de sable était agréable. D’autre part, ce type de tourisme balnéaire était paradoxalement méconnu des Libanais. En fait, cette lacune dans le tourisme balnéaire offrait des opportunités d’investissement», souligne M. Khoury. Depuis l’ouverture de la première plage aménagée, Jonas, puis Bamboo Bay à Jieh, en 1999, passer une journée au Sud sur une plage de sable est donc un nouveau marché qui s’est ouvert aux Libanais – et aux investisseurs.
De même, le littoral du Nord, au-delà de Batroun, a été délaissé, car les plages étaient éloignées de Beyrouth et la circulation sur l’autoroute était très dense. «Mais je crois que l’exploitation des plages du Nord est intéressante, car il existe de nombreuses criques», ajoute-t-il.
Ainsi, jusqu’en 1999, les modes d’exploitation du littoral ne répondaient pas à la demande tant des Libanais eux-mêmes que des touristes.
«Ce qui a été apprécié dans le concept des plages ouvertes et aménagées est que le visiteur ne paie qu’un droit d’entrée de 10 000 ou 15 000 livres la journée, il n’est pas lié financièrement à une plage donnée, il ne prend pas un lourd engagement à long terme et il bénéficie d’un accès à la plage et à tous les services : vestiaires, douches, transat et parasols», expose Gilbert Khoury.
De plus, la concurrence entre les exploitants a eu pour conséquence d’améliorer le service et de professionnaliser ce type d’exploitation. Par exemple, les exploitants de l’Oceana ont signé des accords avec des tour-opérateurs dès l’année passée, ce qui leur a assuré un flux régulier de touristes, surtout en cours de semaine.

Freinage administratif

«À l’heure actuelle, la lourdeur administrative freine la volonté de développement. Obtenir un permis d’exploitation est difficile à cause des antécédents des empiètements illégaux sur le domaine public maritime, toujours sans règlement à l’horizon», souligne M. Khoury.
L’investisseur attend donc en moyenne deux ans pour obtenir un permis d’exploitation en bonne et due forme. Entre-temps, les autorités accordent des dérogations exceptionnelles. Tel est le cas, entre autres, de l’Oceana. Cependant, en contrepartie des dérogations accordées pour une saison, les exploitants s’engagent à démonter, en novembre, toutes les constructions sur la plage. Ce qui engendre des frais supplémentaires pour l’entrepreneur qui varient de 10 à 15 % de l’investissement. Dès lors que le permis d’exploitation définitif est délivré, ces opérations de démontage et de remontage ne sont plus obligatoires. Il n’empêche que l’administration peut, à tout moment et d’une année à l’autre, décider de rompre le contrat d’exploitation.
«Les exploitants ont créé un nouveau concept avec l’Oceana : un environnement exotique, avec bois et bambou, et relativement luxueux», explique Ralph Nader, directeur des opérations de Synergy, la société qui a créé le concept et qui gère plusieurs plages. La construction de l’Oceana a coûté près d’un million de dollars. La mise en place des infrastructures (électricité et sanitaire) a totalisé près de 30 % de l’investissement, les équipements 40 % et les constructions 30 %.
La réglementation autorise le propriétaire ou le locataire d’un terrain adjacent au bien public maritime d’exploiter ce bien dans la limite du double de la surface de son terrain, à condition que la superficie du terrain soit supérieure à 6 000 m2 à Beyrouth et 10 000 m2 hors Beyrouth. Les loyers versés à l’État varient d’une région à une autre. Pour des plages situées à Rmeilé, les redevances plafonnent à 10 $ le m2, mais peuvent atteindre presque le double pour la région de Jbeil. Quant aux droits d’exploitation versés au propriétaire du terrain, il faut compter près de 10 % du chiffre d’affaires total annuel.

La formule fait des émules

Un projet dans la même lignée est en cours d’étude à Jbeil. Les financements sont là, mais des négociations avec les exploitants des plages sont en cours. La plage ouvrira officiellement en juillet 2002. «Nous avons par ailleurs un autre projet en étude plus loin vers le Nord. L’investissement prévu est bien plus lourd que celui de l’Oceana. Mais la situation économique, touristique et sécuritaire ne le permet pas encore», conclut M. Khoury. De même, le groupe Boubès (hôtel Commodore, La Piazza…) s’est activé cette année avec sa Voile Bleue, soit 2 plages à Jbeil et à Rmeilé.
Encore au Sud, la société Synergy a signé un contrat de gestion sur 6 ans avec les propriétaires du Bamboo Bay. Dans le cadre du nouvel accord, entre 300 000 et 400 000 $ seront investis pour réaménager les lieux. Les travaux devraient s’achever vers mi-juin. Deux piscines seront construites, une pour adultes et l’autre pour enfants. Un bar et un snack seront installés sur la plage ainsi que deux restaurants de spécialités italienne et libanaise en bord de mer. Et, enfin, des transats seront disposés sur le littoral.
Les nostalgiques se souviennent bien des plages Saint-Simon et autres à Khaldé-Ouzaï. C’est donc le même concept, mais en beaucoup plus élaboré, qui est en train de refaire surface avec, à la clé, un tourisme balnéaire qui a disparu du décor pendant des années. En attendant un programme complet des spectacles et festivals de l’été, en cours de préparation au ministère du Tourisme, les deux manifestations majeures, à Baalbeck et à Beiteddine, attirent, selon les organisateurs, un flux de plus en plus nombreux d’étrangers et de Libanais non résidents.