Culture orientale, solidarité familiale, respect du père et conservatisme
qualifient la famille Maktabi. Chez ces géants du tapis, peu de place pour l’étranger ; leur langage secret est l’iranien.
Le nom Maktabi au Liban est associé depuis toujours au commerce du tapis persan, oriental et caucasien. Tous les Maktabi ont les mêmes origines iraniennes. En 1900, plusieurs membres de la famille quittent l’Iran, guidés par leur “godfather”, vers “Bilad al-Cham”. Ils étaient principalement six Maktabi à se déplacer dans des villes comme Damas, Homs, Alep, Zahlé et la Palestine. Ils constituent au Liban actuellement 5 sociétés, appartenant en fait à 3 branches différentes, l’une d’elles étant celle de hajj Ali Akbar Maktabi.
Au début des années 30, attiré par l’aspect cosmopolite de Beyrouth et par l’appréciation des Libanais pour le travail artisanal et l’exotisme de ses tapis persans, hajj Ali a inauguré sa première boutique à la rue Allenby, au centre-ville. Ensuite, à l’âge de 20 ans, il établit son célèbre entrepôt dans la zone franche du port de Beyrouth. Ce n’est qu’en 1968 qu’il ouvre la troisième branche à Raouché destinée à être gérée plus tard par ses six fils.
Gestion patriarcale
Hajj Ali, pour assurer la pérennité de son affaire et régler l’opération de succession, se sépare de ses frères et constitue une société en nom collectif (SNC), “Ali Maktabi et fils”, où tous ses fils deviennent partenaires à part entière.
Le “pacte de famille” des Maktabi est inculqué par leur éducation orientale, ils sont tous unis pour défendre les intérêts de la famille et exécutent la volonté de leur père pour les décisions primordiales. «Ensuite, pour les questions d’achat et de vente, nous nous consultons entre nous et la prise de décision se fait suite à un vote», clarifie un des fils, Ahmad Maktabi.
La distribution des tâches et l’organisation du travail ne sont pas établies suivant des règles strictes, tout le monde participe au business, «puisque tous les membres de la famille ont la même volonté et l’ambition de voir l’affaire prospérer», affirme Ahmad Maktabi. Exemple : «Lorsqu’un voyage se présente, nous sommes tous disposés à le faire, mais c’est le plus disponible qui fera le déplacement».
Et la génération suivante ?
Conscient de la nécessité d’assurer la transition équitablement, Ahmad Maktabi se confie : «Nous envisageons de changer le statut de l’entreprise pour sauvegarder sa continuité et assurer le passage du pouvoir vers la génération suivante, mais tant que notre père est présent, nous ne modifierons ni sa méthode de gérer les affaires ni le statut de son entreprise».
Le respect pour hajj Ali est trop grand pour penser le contredire ou dévier de sa technique. Toutefois, le futur sera planifié suivant les modèles proposés par les conseillers que les Maktabi consultent régulièrement. L’entreprise sera probablement une SAL ou alors une SARL, laissant libre cours à la génération suivante de choisir d’adhérer à l’affaire de famille ou d’opter pour un avenir différent.
«Chez des cousins, les filles de la troisième génération participent déjà au business ; ils sont en avance sur nous, mais nous attendons que nos enfants grandissent pour que l’opération de succession soit mieux étudiée», dit Ahmad Maktabi.
Ahmad ne fera pas de plans de carrière à ses fils et tiendra compte de leurs aspirations. Mais si l’un d’eux a la vocation des tapis dans le sang, son père tient à l’armer de diplômes et de l’expérience nécessaires avant de l’introduire dans l’affaire.
Les membres de la famille de hajj Ali, et eux seuls, ont le droit de gérer et de participer au capital de l’entreprise, précisent ses fils à l’unisson. Extrêmement conservatrice, l’entreprise n’est pas ouverte à la participation d’un quelconque partenaire extrafamilial. Quant aux personnes employées depuis plus de 30 ans chez les Maktabi, elles font pratiquement partie de la famille : «Le recrutement concerne uniquement des individus à la mentalité conforme au style Maktabi et il est rare qu’une personne demande de quitter», certifie Ahmad. On sous-entend toutefois que le pouvoir absolu restera en famille sans laisser de place à un employé trop ambitieux.
«Chez Ali Maktabi et fils, le père constitue le cœur de l’entreprise, elle survivra tant que leur amour pour les tapis guidera les générations à venir», conclut Ahmad, avec dans les yeux la flamme du clan Maktabi.