Peugeot a ses inconditionnels “conservateurs” et Citroën ses pionniers éclectiques. Ça c’est pour le schéma…
un peu trop schématique. En fait, l’offre est beaucoup plus diversifiée, mais bien adaptée au goût local.
Le marché libanais de la voiture française se porte relativement bien en dépit d’une baisse continue du marché auto depuis 1998. C’est le groupe Dagher Hayek qui gère ces deux marques hexagonales au travers de deux sociétés distinctes : Centradis pour Citroën (depuis 2002 sous ce nom) et Sidia pour Peugeot depuis 1981.
Peugeot, implantée au Liban dès les années 60, a poursuivi sans heurt sa croissance sur le marché local avec une 5e place en 2001 (et près de 740 voitures), alors que Citroën, au Liban depuis l’indépendance, a bénéficié d’un véritable effet moteur au cours des deux dernières années.
Marc Rassi, directeur des ventes chez Citroën-Liban, explique : «Nous étions presque inexistants sur le marché libanais en 1994, lorsque le groupe Dagher Hayek a repris l’agence ; aujourd’hui, nous avons environ 3,5 % de parts de marché (avec près de 400 voitures vendues en 2001). Et nous comptons faire mieux encore cette année, car nous allons recevoir un nouveau modèle très prometteur, la C3. C’est une petite voiture, dont le prix sera compétitif et qui appartient à la gamme la plus demandée au Liban».
Une clientèle jeune et urbaine
La gamme constitue en effet un facteur essentiel d’amélioration des ventes. La tendance aux voitures de petites tailles, maniables, à l’esprit jeune et urbain (65 % des ventes de Citroën-Liban se font à Zalka, près de la capitale) et au prix attractif a permis de séduire une part accrue de la jeune clientèle libanaise. D’ailleurs, c’est grâce à ce ciblage que Peugeot a pu gagner des parts de marché. «La 206 et la 307, deux modèles très jeunes et modernes, ont beaucoup de succès, indique Émile Abi-Khalil, directeur des ventes chez Sidia. D’ailleurs, nous n’arrivons pas à satisfaire la clientèle pour la 307. Comme cela a été le cas pour la 206, nous avons des listes d’attente. La 107 et la 407 qui sortiront bientôt trouveront, elles aussi, leur clientèle».
De plus, Peugeot et Citroën ont le même fabricant en France, le groupe PSA, et bénéficient donc parfois des mêmes moteurs, des mêmes pièces de rechange, etc. Pour l’une comme pour l’autre, les modèles disposent désormais de la totalité des équipements : freinage ABS, quatre airbags, autoradio incorporé avec télécommande au volant, vitres et rétroviseurs électriques… Ainsi, les deux marques ne souffrent plus de cette image de manque d’options qui handicapait auparavant l’ensemble des voitures françaises.
Autre facteur de croissance, la politique de la maison mère de privilégier le marché libanais, qui est presque une vitrine régionale. «Le Liban, pays francophone, est prioritaire pour Citroën, note Marc Rassi. Ainsi, la C3 est arrivée sur le marché français il y a quatre semaines, et elle sera à Beyrouth d’ici à un mois».
Autre avantage notable accordé par Citroën-France, la révision des prix à la baisse pour s’adapter aux contraintes du marché local. Que ce soit pour les pièces détachées ou pour le véhicule neuf, Centradis et Citroën tirent sur leurs marges pour mieux se positionner vis-à-vis de la concurrence. «Par exemple, la Xsara était à 15 500 $ en 1998, alors qu’aujourd’hui, nous assurons des options en plus et la proposons à 13 900 $, explique Rassi. Avec la TVA en sus, elle reste toujours moins chère qu’en 1998». Autre souplesse de la part de la maison mère, Centradis se voit accorder un délai de trois mois avant d’avoir à payer les voitures, ce qui lui laisse le temps de faire ses ventes. Le client, quant à lui, peut obtenir un crédit allant jusqu’à 60 mois, par l’intermédiaire d’une banque.
La niche publique
Bien entendu, une coopération “historique” a lieu entre les deux partenaires, avec l’envoi de techniciens libanais en formation tous les six mois, et des missions d’études commerciales et de contrôle technique par les entreprises françaises.
Par ailleurs, les voitures françaises sont adaptées aux spécificités libanaises. Par exemple, chez Peugeot, les suspensions sont renforcées ; chez Citroën, les radiateurs sont plus volumineux.
Enfin, la niche officielle, longtemps tenue par Citroën pour le gouvernement français, pourrait s’avérer un créneau d’avenir. Centradis a ainsi pu traiter avec EDL et Ogero, leur fournissant 80 vans entre 1998 et 2000. «La vente à l’État fait partie de notre politique, remarque Marc Rassi. Ogero a acheté ses vans, alors qu’EDL les a reçus en cadeau de la part d’EDF. Nous comptons que cela se reproduise souvent». De même, Sidia s’était engagée à fournir une vingtaine de voitures Peugeot au gouvernement pour les déplacements liés au sommet de la francophonie, avant que ce dernier ne soit annulé, ou reporté.
Après le boom pré-TVA, fin 2001-début 2002, les concessionnaires ont prévu une année morose. Mais les agents de Peugeot et de Citroën ont refait leur calcul : en misant sur des avantages nombreux et ciblés, ils pourraient très bien tirer leur épingle du jeu.