Presque cent ans depuis l’idée lumineuse de César Debbas d’investir dans l’électricité.
Entre-temps, le n° 1 du secteur n’a pas fini de penser son avenir.

Debbas & Co en Syrie et Debbas Égypte sont les dernières sociétés – en date – fondées par le holding Debbas. Elles viennent renforcer la doctrine du groupe : «Lorsqu’on ne grandit pas, on meurt», surtout que l’activité locale au Liban plafonne avec la réduction des contrats d’État ces dernières années. Mais, selon Robert Debbas, le président du holding, il s’agit aussi de faire un choix : garder l’activité à la dimension du patron, mais alors elle mourra avec lui ; ou alors se faire remplacer progressivement par des jeunes et déléguer les pouvoirs pour pouvoir grandir. C’est une alternative que les frères Debbas devaient trancher dès 1985, date de création de leur holding qui chapeaute actuellement une quinzaine de sociétés dans 7 pays et emploie 500 personnes au Liban et pas loin de 1 000 à l’étranger.
On en vient presque à oublier que ce conglomérat trouve son origine dans une simple idée “lumineuse”, née en 1900 lorsque César Debbas, alors âgé de 20 ans, visite la foire universelle de Paris et découvre sa passion pour “l’électricité”. Pourtant, ce n’est qu’en 1910 qu’il loue une boutique rue Souk el-Jamil pour se lancer dans l’activité de l’éclairage au gaz, à l’essence et à l’électricité.
En 1925, naît l’industrie de lustres et du fameux modèle, la lampe “L’éternelle” exportée vers la Syrie, l’Irak, la Palestine et Chypre. Une industrie qui a survécu à la Deuxième Guerre. En 1949, l’affaire est prise en charge par Antoine, son père César est alors âgé de 68 ans. Et ce n’est qu’en 1954, deux ans avant le décès de César Debbas, qu’est fondée l’entreprise “César Debbas et Fils”. Les fils étant, à part Antoine, Fouad, diplômé de l’École centrale, qui rejoint l’entreprise en 1958, puis Robert, ingénieur électrique, en 1961.
Dans les années 60, les trois “Frères Lumière”, comme les surnommait le célèbre journaliste Georges Naccache, signent de grands contrats avec le ministère de la Défense, la Banque centrale, l’Aéroport international de Beyrouth et pour l’éclairage des routes, de Beyrouth à Djeddah. «En 1967, il était temps de développer l’activité industrielle, explique Robert Debbas. Nous avons installé l’usine dans le secteur du Barrad el-Younani et mis en place un plan quinquennal d’expansion qui a été réalisé à la lettre». Toutefois, l’activité commerciale n’a pas été négligée, et c’est en 1972 que la salle des ventes de Hamra est inaugurée. «Cette même année, nous avons établi Ameco Contracting en Arabie saoudite et entrepris le projet d’éclairage de La Mecque et de la Médine».

Repousser les frontières

Les activités commerciales, industrielles et d’entreprise se développent équitablement jusqu’à la date fatidique de 1975. «Nous avons dû, alors, nous éclater pour trouver notre gagne-pain ailleurs», déclare le grand patron, visionnaire. À partir de là, les contrats obtenus aux États-Unis, en France et dans les pays du Golfe ont nécessité l’installation d’un bureau d’appui à Paris et par la suite des sociétés ont été constituées aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite. L’effet boule de neige n’est pas près de s’interrompre : l’acquisition de l’usine Arius en 1982, l’établissement de l’usine Sonimetal en 1988, les deux en France, ainsi que l’acquisition en 1999 en Hongrie de Hunilux pour l’éclairage… complètent le tableau. Un tableau qui a fait de Debbas le n° 1 local dans ses métiers de base : industrie de l’éclairage, entreprise électromécanique et fourniture de produits d’éclairage.
Mais alors, lorsqu’on dépasse les limites d’une simple affaire familiale et qu’on revêt de telles dimensions, comment sont prises les décisions et sur quelles bases s’effectue la gestion ? Chez les Debbas, un conseil, pas très officialisé, est formé des frères, des successeurs et des cadres supérieurs ; il est en charge des décisions d’expansion et des directives d’avenir. Tandis que la gestion quotidienne s’effectue par une entité indépendante de la famille détenant des prérogatives spécifiques. «Les membres de la famille qui veulent rejoindre le groupe Debbas sont embauchés selon leurs diplômes avec des possibilités d’évolution dépendant uniquement de leur mérite», dit Robert Debbas.
Actuellement, la troisième génération des Debbas est constituée de 7 jeunes, les trois enfants de Robert et quatre chez ses frères. «Mes enfants ne veulent pas participer au business. Pourtant, un de mes fils est membre du conseil d’administration sans détenir une fonction permanente, car il monte sa propre “start-up”, financée en partie par nous».

Un cerveau bien libanais

Liées en majeure partie au secteur du bâtiment et de la construction, les activités (éclairage et entreprises électromécaniques) du groupe Debbas ont explosé lors de la grande phase de reconstruction : AIB, Grand Sérail, Phoenicia… c’est bien Debbas. Les colonnes éclairées de Baalbeck, c’est encore lui. Mais le rythme des travaux a dû subir le recul des grands chantiers au cours des dernières années. Ainsi, de 750 employés, les effectifs ont baissé jusqu’à 500 ; et de 70 ingénieurs, le groupe n’en a plus qu’une quarantaine. Toutefois, «le cerveau technique et managérial des projets pour toutes nos implantations dans le monde demeure au Liban», spécifie Robert Debbas.
Un groupe avec une telle expérience dans ses métiers de base a tous les ingrédients nécessaires pour grandir, fusionner ou établir un partenariat avec une société internationale. Est-ce le but de Debbas ? «Dans une société plutôt familiale et à la dimension personnalisée, que ce soit au niveau de nos cadres qui y font carrière ou de la famille, l’initiative d’une fusion ou d’un partenariat étranger est moins facile», explique Robert Debbas. Des participations externes ne sont toutefois pas écartées de la vision future du groupe. Mais pour ceci, les Debbas sont conscients de la nécessité d’atteindre d’abord une certaine maturité au niveau de la société familiale de façon à ce qu’elle soit gérée avec la même “orthodoxie” qu’une entreprise ouverte, avant de permettre une participation étrangère. Par ailleurs, un essai de diversification dans d’autres produits afin de faire face aux éventuelles fluctuations du marché n’a pas semblé efficace au groupe Debbas qui, pour le moment, privilégie la diversification géographique pour équilibrer la situation. Robert Debbas conclut : «Il est certain que les affaires de l’État vont mal, mais ceci n’affectera pas l’économie réelle outre mesure, car le Libanais a toujours été entreprenant. Son activité ne dépendra plus uniquement du marché interne, car il trouvera une ouverture lui permettant de retrouver son équilibre».
Et c’est exactement ce qui a, non seulement sauvé l’entreprise Debbas durant les années difficiles, mais permis également son expansion internationale.