Même avec un budget encore incertain, “l’autorité” chargée de la promotion des investissements
multiplie ses efforts. Encouragée cette année par un climat plus clément pour les investisseurs.
Deux mille trois sera l’année de l’export et de l’investissement. «On est sur la bonne voie et nous devrions récolter les fruits des politiques de restructuration et des réformes économiques», estime Alain Bejjani, vice-président de l’autorité libanaise pour la promotion des investissements (IDAL). L’accord d’association avec l’UE, l’adhésion future à l’OMC, la réforme des finances publiques, la réunion de Paris II et les réformes qu’elle implique, «tout cela dénote que notre économie s’organise et que l’amélioration du climat d’affaires sera réelle», ajoute-t-il.
Cette amélioration, IDAL la perçoit. «Depuis quelque temps, nous recevons des demandes accrues d’information d’investisseurs libanais. Ce phénomène est nouveau. Cela signifie que l’investisseur libanais reprend confiance dans l’économie de son pays», explique-t-il.
Par rapport aux pays limitrophes, le Liban a bien des avantages comparatifs qu’on connaît et que les responsables d’IDAL répètent à souhait : économie de marché, liberté des échanges et de change, services financiers développés et ressources humaines de qualité, mais «cela ne suffit pas. Il est nécessaire de donner une raison supplémentaire à l’investisseur de choisir le Liban», remarque-t-il. Et l’approbation en Conseil des ministres des décrets d’application de la loi sur la promotion des investissements va dans ce sens. «Dorénavant, nous avons les moyens de mieux répondre aux besoins des investisseurs», note le vice-président. IDAL sera une autorité compétente pour délivrer, seule, des autorisations administratives. L’octroi des permis sera quasi immédiat.
«Mais il reste encore beaucoup à faire pour aider l’investisseur», souligne M. Bejjani. Selon ses estimations pour 2002, le Liban aurait engrangé près de 1,3 milliard $ d’investissements étrangers directs. Pour 2003, le vice-président s’attend à mieux : d’un côté, une augmentation des investissements et, de l’autre, une diversification des secteurs bénéficiaires comme l’industrie, les services, les nouvelles technologies, etc. Pour le moment, le tourisme attire la plupart des investissements lourds (supérieurs à 100 millions $ par projet). Néanmoins, IDAL a été chargée par le Conseil des ministres de poursuivre l’étude d’un palais des congrès à Beyrouth-Aïn el-Mreissé, qui serait à terme pris en charge par une société privée, selon un contrat BOT.
Pour 2003, les deux grands chantiers qui attendent IDAL sont l’implantation d’une zone technologique à Damour et la promotion des produits libanais à l’étranger.
Zone technologique
C’est à Damour donc, sur une superficie totale d’un million de mètres carrés, que sera érigée la zone technologique. Reste au Conseil des ministres à entériner cette décision. L’avantage principal de ce site est son emplacement : à 7 minutes de l’aéroport et 10 minutes de la capitale. Actuellement, IDAL finalise les études et les offres qui seront soumises aux entreprises éventuellement intéressées. Il faudra compter une année pour achever l’infrastructure de la zone. Les sociétés pourront donc s’y installer début 2004. Cette zone sera équipée de toutes les infrastructures nécessaires en télécommunications (réseaux à haut débit) et les entreprises bénéficieront d’avantages fiscaux. «On va mettre le paquet pour attirer des sociétés étrangères et libanaises», souligne M. Bejjani. Dans ce cadre, le Conseil des ministres a déjà approuvé un décret visant à réduire le coût des lignes à haut débit. C’est une première étape dans le chantier de libéralisation du secteur des télécoms.
Promotion des exportations
Agriculture. Le programme Export Plus est reconduit, le budget nécessaire ayant été alloué. Le mandat des bureaux de contrôle Veritas et SGS a été renouvelé d’une année. Pour 2003, un effort supplémentaire sera également fourni sur le plan de l’information et de la qualité. Des séminaires de formation seront organisés à l’intention des agriculteurs, en particulier sur l’accord d’association avec l’Union européenne. Dans les nouveaux cahiers des charges, IDAL compte imposer aux bureaux de vérification une obligation de formation. Des séminaires itinérants dans les régions sont prévus une fois toutes les 4 à 6 semaines. Enfin, le programme Agro Plus, portant sur les produits industriels agroalimentaires, sera lancé dans sa première phase.
Industrie. La création d’un conseil mixte (public-privé) pour la promotion des exportations industrielles est en discussion. «Le projet de la loi de finances le prévoit effectivement, mais n’alloue aucun budget», explique Fady Abboud, président de l’Association des industriels. Il s’agira pour ce nouveau conseil de travailler – en partenariat avec l’IDAL, l’Association des industriels, la Fédération des Chambres de commerce et d’industrie et le ministère de l’Économie – à la promotion des exportations. Cela se traduirait pratiquement, dans une première étape, par une contribution financière de l’État et des Chambres de commerce aux frais de participation à des salons professionnels. «Il s’agit de donner les moyens à l’industriel d’exposer ses produits à des foires internationales et de montrer son savoir-faire», estime M. Abboud.
Informatique. L’IDAL et la PCA (association des professionnels de l’informatique) sont en passe de finaliser un accord de coopération visant à promouvoir les exportations de produits et services informatiques. Cet accord intéresse aussi bien les entreprises de logiciels que d’assemblage de PC. En parallèle, des programmes seront mis en place pour aider les professionnels du secteur à pénétrer de nouveaux marchés, à faire des efforts en matière de marketing et de branding, à produire selon les normes internationales et à exporter des biens préalablement testés. IDAL subventionnerait aussi à titre symbolique des actions collectives menées par la PCA, du type campagne publicitaire et salons. Par exemple, pour un pavillon national à Gitex-Dubaï, IDAL prendrait en charge près de 10 % des frais. Mais pour le moment, aucun plan d’action n’est définitivement arrêté, en attendant de voir clair dans le détail du budget. ENA-Liban : le vivier… La nouveauté de taille sur le plan administratif s’appelle ENA ou École nationale d’administration, construite sur base du modèle français. En mars 2003, le coup d’envoi sera lancé pour le vivier de nos futurs fonctionnaires.
Faire de la fonction publique une profession, c’est la mission de l’instigateur du projet “ENA-Liban”, Élie Assaf. Et sa réalisation est proche. L’École nationale d’administration ouvrira ses portes en mars 2003 avec une trentaine d’étudiants. La pose de la première pierre a eu lieu à la mi-octobre 2002, passée un peu inaperçue en plein Sommet de la francophonie, en la présence du président de la République française.
L’immeuble qui accueillera l’école, à Yarzé, fut anciennement le siège du CDR, puis celui du ministère des Municipalités. Le Conseil des ministres a chargé le CDR de l’aménagement des 4 étages plus un supplémentaire, de 500 m2 chacun, comportant une bibliothèque, des salles de cours et de multimédia et un auditorium. Au total, plus de 2 500 m2 seront donc affectés à l’accueil des futurs commis de l’État.
La prestigieuse école française de la fonction publique sera le principal opérateur pédagogique. Un premier protocole de coopération a été signé en 1999. La convention sera prochainement ratifiée après de multiples rebondissements. L’ENA-Liban remplacera l’actuel institut national de l’administration.
“Spécificités” libanaises
Le modèle de l’ENA-France sera appliqué en matière de cursus, de formation, de stage et de concours, mais en tenant compte quand même des spécificités libanaises. Le concours d’entrée “externe” (hors fonctionnaires déjà cadrés) est réservé aux étudiants diplômés de niveau bac + 4 ; alors que le concours d’entrée “interne” vise les fonctionnaires expérimentés.
Deux types de formation sont donc respectivement prévus : la formation initiale pour les étudiants et la formation continue pour les fonctionnaires en exercice. Ce qui se traduit par deux cycles d’enseignement : long de 18 mois et court de 6 mois. Mais tous ces détails préliminaires devront être définitivement arrêtés sous peu par les deux partenaires libanais et français.
Les enseignements seront assurés en arabe, en français et en anglais. Les matières dispensées – finances, droit, économie, management, informatique… – devront «permettre au futur fonctionnaire de gérer une administration comme une vraie entreprise dans l’objectif de dynamiser l’économie du pays», explique M. Assaf. Qui sait de quoi il parle, puisqu’il a été successivement doyen de faculté, directeur aux douanes… et enfin directeur général à la présidence de la République. Il est vrai qu’au Liban, comme presque partout ailleurs, le moteur de la croissance est le secteur privé, mais «pour qu’il puisse créer des richesses, il faut qu’il soit soutenu par un secteur public compétent, qui comprenne les rouages de l’économie moderne». Pour le directeur de l’ENA, «notre administration est entrée dans une phase d’obsolescence et de désuétude, et il faut que cela change».
L’ENA-Liban formera les hauts fonctionnaires en dehors de toute considération confessionnelle. Cependant, ce critère prévaut toujours, selon Taëf, dans les nominations de fonctionnaires de première catégorie ; mais il est, en principe, non applicable pour ceux de la deuxième catégorie. «C’est la méritocratie qui va prévaloir et l’ENA-Liban permettra au Conseil des ministres de puiser dans ce vivier les plus méritants lors des prochaines nominations», ajoute-t-il. De son côté, l’ENA-France assurera à son siège des séminaires et des stages aux étudiants libanais.
Le financement de cette nouvelle structure sera assuré par l’État libanais, sauf pour les missions en France qui seront prises en charge par Paris. Enfin, l’ENA-Liban aura un rôle régional et international : elle sera ouverte aux fonctionnaires du monde arabe. Des séminaires seront organisés à leur intention, pour faciliter l’échange de connaissances et la mise en relation des cadres de l’administration.