Effet de mode peut-être, mais le “e.” devient l’incontournable lettre de noblesse
de tous les développements. Un missionnaire des NTIC en fournit les multiples facettes,
conditions et bénéfices.
Alors que les pays développés s’engageaient dès la fin du XXe siècle dans la “troisième révolution industrielle”, largement informatique, le Liban s’attaquait à la lourde tâche de reconstruction des infrastructures. Il devait également combler le retard qu’il avait accusé afin de faire face à l’émergence de la société et de l’économie de l’information, basées sur l’utilisation accrue de la technologie.
Le Liban peut-il aujourd’hui faire face aux nouvelles exigences de compétitivité que ce nouvel environnement nous impose ? Oui, car le Liban dispose de nombreux atouts reconnus :
- un capital humain de qualité ;
- un esprit entrepreneurial ;
- une ouverture aux développements technologiques ;
- un cadre réglementaire qui s’adapte progressivement ;
- le très riche réseau des Libanais dans le monde.
À ce niveau, il convient de répondre à la question suivante : Quelle doit être la stratégie du Liban ? La réponse relève de trois volets essentiels :
1) la mise en place de réformes internes et de la bonne exploitation de l’accord d’association avec l’Union européenne ;
2) l’adoption des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ; et
3) le développement des institutions et le rôle pivot des élites.
L’accord stratégique
L’accord d’association avec l’Union européenne est stratégique pour le Liban, car il permet :
- une profonde intégration multidimensionnelle à la Communauté européenne ;
- la mise en place de réformes tous azimuts : politique, institutionnelle, légale, économique, financière et fiscale.
Notre bénéfice principal viendra de ces réformes qui moderniseront l’économie, la vie politique et civile et la société, nous permettant de raffermir notre compétitivité internationale.
Cependant, l’accord d’association n’est pas une potion magique pour la résolution de nos problèmes structuraux politiques, financiers ou économiques. Ceux-ci requièrent une adaptation certaine, des investissements importants et un engagement à fond.
Piliers du décollage
Dans ce cadre, la vision et la stratégie pour la modernisation du pays reposent sur un certain nombre de piliers :
• Institution de la “bonne gouvernance”. Notre régime économique permet à l’individu la concurrence libre indépendamment de la religion, confession, secte ou autre particularisme. On ne fait pas pareil dans la vie publique. On devrait ! Ceci nous amènera, à part une meilleure administration publique, à la stabilisation économique et au développement de toutes les régions ainsi qu’à la “bonne gouvernance” de nos institutions et de notre vie publique.
• Réhabilitation des finances publiques. Une stratégie à deux têtes est requise :
1) réduire la taille du secteur public et de la dette publique à travers la privatisation et le démantèlement d’un grand nombre d’agences gouvernementales ; et
2) réduire d’une façon définitive et durable le déficit budgétaire par une baisse brutale des dépenses en court-circuitant la bureaucratie, et une meilleure efficacité dans la collecte des impôts avec un élargissement de la base d’imposition.
• Maintenir une économie ouverte. L’accord d’association avec l’UE doit être complété par une ouverture multilatérale, à savoir l’entrée dans l’OMC, la promotion de la zone de libre-échange arabe pour éviter le détournement du commerce et ses conséquences négatives sur l’économie nationale.
• Déréguler l’économie. Ceci implique la création d’un cadre pour la participation du secteur privé dans l’infrastructure et la poursuite des privatisations des services publics, dont d’abord les télécommunications, l’énergie, l’eau, les transports.
• Réforme des marchés de capitaux. La mise en place d’une autorité indépendante (de marchés de capitaux), d’une commission des opérations de bourse (COB) et la privatisation de la Bourse de Beyrouth doivent accompagner le programme de privatisation. Les entités à privatiser devraient émettre des actions ou des obligations sur le marché de la Bourse ; ceci assurera la participation démocratique et la diminution des risques de la formation de monopoles.
• Investir dans les médias et les nouvelles technologies. Le développement des services électroniques, des marchés de capitaux et services financiers, des centres d’appel, des services médicaux, d’éducation et de conseil devront devenir une affaire de priorité nationale.
Approche pratique
L’approche utilisée pour l’adoption de l’“acquis communautaire” dans les pays du centre et de l’est européen, comme l’indique le succès de la Hongrie, de la Tchéquie et de la Pologne et d’autres pays, peut servir de référence. Similairement, le Liban peut bénéficier de l’expérience européenne pour la modernisation de nos lois sur la protection du consommateur et des politiques antimonopole.
L’ajustement économique à l’accord d’association suppose une augmentation de l’investissement local (public et privé) de quelque 2 % par an du PIB sur les 10 ans à venir pour achever la mise à niveau de l’agriculture et de l’industrie. Ceci requiert l’harmonisation des normes et standards permettant aux produits libanais d’être sur les marchés de l’Union européenne et donc la consolidation de Libnor, l’agence de normalisation libanaise.
Que peut faire l’Union européenne pour aider le Liban dans cette transition ?
1) compléter la reconstruction de son infrastructure ; et
2) permettre au secteur privé d’abaisser les coûts de production.
Le programme MEDA II doit être accéléré à cet égard. Le programme de modernisation industrielle doit être affermi et celui de l’agro-industriel adopté.
L’Union européenne doit ouvrir ses marchés en éliminant les barrières non tarifaires au commerce libanais et adopter un plan d’action proactif pour promouvoir les investissements européens au Liban.
Notre accord d’association avec l’Union européenne doit s’élargir pour couvrir la science, la recherche et l’assistance dans le transfert de technologie vers l’économie électronique :
• L’Union européenne doit promouvoir le développement de l’infrastructure aussi bien que l’info-structure, télécommunications et réseaux, de la région, l’équivalent moderne des routes romaines. Il faut investir dans un réseau de télécommunications à haut débit (broadband).
• Mettre en place une banque d’investissement euroméditerranéenne, basée à Beyrouth. Ceci facilitera le financement des projets d’infrastructure régionaux, tout en réduisant les coûts.
• Les projets doivent inclure le développement institutionnel des organismes régionaux tels que ceux dépendant de la Ligue arabe.
• Promouvoir l’investissement direct étranger au Liban et sa région, en mettant sur pied une agence euroméditerranéenne de garantie à l’investissement.
• Promouvoir le développement des marchés de capitaux locaux au Liban et sa région. Un bon point de départ serait de relier la Bourse de Beyrouth aux principales places boursières européennes.
• Promouvoir l’accès du Liban et de sa région à l’expansion des marchés de capitaux européens, en facilitant la cotation des actions et des fonds d’investissement et en apportant une garantie du principal et/ou de l’intérêt sur les bons du Trésor et obligations souveraines. Ceci réduirait la perception des risques de l’investissement.
• Offrir un accès préférentiel financier sur les marchés de capitaux européens, en permettant la réduction ou l’exonération des impôts sur les intérêts servis sur les obligations émises par les pays méditerranéens.
• Promouvoir l’utilisation de l’euro par le Liban et sa région.
Le moteur NTIC
La mise des NTIC au service de la modernisation de l’État améliorerait les relations entre l’administration et le citoyen. La quasi-totalité des procédures et des formalités administratives au Liban doit être modernisée afin d’arriver à terme au gouvernement électronique permettant la “bonne gouvernance”.
Le programme de reconstruction a déjà permis d’équiper le pays en moyens de communication modernes – fibres optiques et micro-ondes – capables de transporter des données multimédia (numérique, audio et vidéo) par l’intermédiaire d’une variété de protocoles (ATM, Frame Relay, etc.).
Une participation plus large du secteur privé dans le financement de ces infrastructures amènerait sans doute une amélioration de l’infrastructure NTIC et permettrait de réduire le prix d’accès à l’industrie. Une concurrence plus intense entraînera une plus grande diversité des services et l’extension de l’infrastructure sur l’ensemble du territoire libanais. Ceci aurait pour effet de réduire le fossé numérique qui existe non seulement entre le Liban et les pays industrialisés, mais surtout à l’intérieur même de notre pays, entre les différentes régions et couches sociales.
Plusieurs initiatives ont été prises à cet égard, notamment le projet School.net reliant quelques écoles dans les divers mohafazats. Notons aussi le projet Berytech, qui se positionne comme un pôle technologique, regroupant un incubateur de start-up, une pépinière d’entreprises et un espace locatif destiné aux entreprises.
Mais le développement des NTIC au Liban exige la mise en place d’un cadre juridique approprié. Le Liban a bien promulgué en 1999 une loi protégeant les droits de propriété intellectuelle, mesure qui a encouragé plusieurs multinationales à s’installer au Liban. Le passage d’une “loi cadre sur la signature électronique” est imminent. Nous avons proposé également un projet de loi pour la protection des données à caractère personnel.
En outre, il me semble que la création d’un ministère ou d’un comité supérieur libanais pour les technologies de l’information et de la communication et des médias revêt une importance primordiale. Un tel ministère fournirait le cadre institutionnel pour regrouper des représentants des secteurs public et privé. Sa mission serait d’intégrer le Liban à la société de l’information, de le positionner au niveau régional et de moderniser les services publics et les lois en vigueur.