Il suffit de jeter un coup d’œil à la section “avocats” du bottin pour se rendre compte que le juridique est une activité qui attire. Elle fait partie du triptyque magique : médecin, ingénieur… Ceci dit, les études, si elles débutent de la même façon, peuvent très bien diverger trois ou quatre ans plus tard.
Dans l’imaginaire collectif, les études de droit ont souvent une aura un peu mystérieuse. N’est-ce pas par cette formation que le futur professionnel va se transformer en pourfendeur des injustices ? Mais la réalité est autrement plus complexe. La formation de droit peut déboucher sur bien autre chose que l’image d’un avocat haranguant un groupe de jurés émus, image largement véhiculée par le cinéma. Le droit, c’est une unique appellation pour une formation aux multiples visages.
Déjà en première année de formation, l’étudiant se trouve confronté à un univers qui ne lui avait jamais été présenté. À la différence de l’économie ou du génie par exemple, le droit est un univers opaque, réservé aux seuls initiés, rarement présenté au lycée. Cette méconnaissance explique sans doute le taux élevé de renoncement, au cours des premières années. Les étudiants doivent vite prendre conscience de la quantité d’informations à mémoriser, du travail de fourmi exigé et de l’aspect un peu rébarbatif des cours.
Anglophones s’abstenir
Une fois cette mise au point faite, on peut appréhender sereinement la formation elle-même. L’une des spécificités du droit au Liban est liée à l’histoire du pays : à la différence d’autres formations, celle-ci ne pose pas le problème du choix de la langue et du système. Le droit libanais étant basé sur le droit français, toutes les universités qui le proposent sont francophones et basées uniquement sur le système français. Ces établissements doivent calquer leur programme sur celui de l’Université libanaise, soit l’obtention en quatre ans d’une licence.
En plus du mode de raisonnement spécifique au juriste, l’étudiant devra acquérir au cours de ces quatre années une connaissance approfondie, mais généraliste, des multiples facettes de la discipline : droit constitutionnel, droit libanais, droit des affaires, droit international, procédures juridiques publiques et privées, droit civil, droit du travail, etc. On attend surtout de l’étudiant qu’il intègre d’abord les concepts de base, les méthodes de travail spécifiques à ce domaine et une bonne connaissance des ouvrages qui sont à sa disposition. Car il faut qu’il soit capable d’effectuer tout au long de sa carrière les recherches nécessaires aux différents cas qu’il sera appelé à rencontrer. Seules l’USEK et La Sagesse proposent des options dès la licence : la première en droit libanais ou en droit général et la seconde en droit privé, droit libanais, droit canonique ou droit comparatif.
Néanmoins, il est recommandé de ne pas s’arrêter au niveau de la licence. La majorité des établissements propose des études plus poussées pour armer l’étudiant d’un bagage hautement apprécié dans le monde professionnel. Il y a d’abord le DES, une spécialisation en un an (voir tableau). Ou le DEA qui requiert aussi un an d’études supplémentaires et la rédaction d’une thèse. À partir de là, les étudiants peuvent choisir entre droit privé (incluant des cours de droit civil, commercial, criminel et droit du travail) et droit public (incluant des cours de droit constitutionnel, public international, administratif, fiscal et finance publique).
Enfin, le doctorat peut être obtenu au terme de 2 à 4 années supplémentaires.
L’expérience professionnelle, sous la forme de stages obligatoires, est exigée à la fin des études, pour une durée de deux ans. Si elle a l’inconvénient d’être sous-payée, cette expérience peut déboucher sur une embauche.
À noter que dans l’ensemble, les études de droit ont un coût raisonnable, car elles ne nécessitent pas un matériel sophistiqué, ni des labos hautement informatisés.
Une formation, des dizaines de métiers
L’aspect quelque peu généraliste de la formation de droit masque en réalité une diversité des métiers. Bien qu’au Liban, nous soyons encore loin de la variété française en la matière, il suffit de jeter un coup d’œil à l’organigramme de la magistrature publique, ou encore d’observer les offres d’emplois du secteur privé, pour avoir une idée des carrières de droit usitées au Liban.
Trois métiers tiennent le haut du pavé : avocat, juge et notaire. Et chacune de ces trois fonctions peut en fait se décliner dans de multiples spécialisations qui n’ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres. Un juge est certes appelé à travailler dans la fonction publique uniquement, mais ses domaines d’intervention peuvent diverger considérablement. Un notaire peut être spécialisé dans l’immobilier, le droit commercial, le droit corporatif. La diversité est encore plus large pour les avocats qui peuvent choisir entre public et privé, la préférence allant souvent pour cette deuxième option. De proche en proche, les formations et l’expérience pratique mènent les étudiants à des champs d’application différents. Par exemple, un avocat d’affaires qui planche sur les litiges des contrats du cellulaire n’a que peu de choses en commun avec un avocat commis d’office à la défense d’un voleur de voitures…
En résumé, c’est à l’étudiant de cerner au fur et à mesure de ses études la profession qui, dans la pratique, correspondra le mieux à ses aspirations. Les juristes sont partout, mais une formation de droit peut en cacher une autre.
(*) Le Centre d’orientation et de documentation (COD) propose un conseil professionnel aux lycéens et étudiants dans le choix de leur formation, puis de leur carrière. Il assure de plus un service d’assistance et de documentation pour les étudiants souhaitant s’inscrire en université, que ce soit au Liban ou à l’étranger. Enfin, le COD offre divers services culturels et sociaux (bourses, voyages, conférences, événements sportifs, aide sociale…). Adresse : Imm. Yanni, premier étage, rue Zahret el-Ihsan, Achrafieh, Beyrouth. Tél. : 01/339018/20, fax : 01/203258. E-mail : cod@careerslb.com.
=== Cadres ===
Ce qui fait un bon juriste
• L’essence de la maîtrise du droit tourne autour d’une quantité industrielle de textes de loi ; une importante capacité de mémorisation est donc essentielle. À laquelle doit s’ajouter un sens développé de la recherche, du raisonnement et de l’analyse. Le juriste aura souvent à fouiller dans les textes de jurisprudence selon les cas à traiter.
• Indépendamment du bagou de la plaidoirie souvent médiatisé dans les affaires importantes, le juriste doit savoir communiquer habilement, que ce soit pour rédiger des documents, mettre au point des contrats, s’exprimer en public ou amadouer un juge d’instruction un peu trop belliqueux. La maîtrise de la rhétorique orale et écrite reste donc une qualité très prisée.
• La diversité des situations juridiques et des outils à utiliser exige du professionnel une grande polyvalence et des diplômés une culture générale élargie qu’il faudrait alimenter constamment.
• Enfin, un juriste est là pour convaincre et gagner, il s’agit donc de ne pas craindre les défis et les remises en question et de savoir mobiliser ses énergies parfois jusqu’au petit matin pour résoudre un problème, ou faire libérer un détenu.
Le droit en France
Pour cette formation particulière qu’est le droit, on peut facilement se passer d’une expatriation, du moins en ce qui concerne la formation initiale. La France reste cependant utile pour des spécialisations pointues ou des perfectionnements. Il n’empêche qu’on peut suivre des études en France, quitte à les compléter plus tard au Liban (pour étudier la juridiction locale). En tout cas, les études en France se présentent comme suit :
• Les études courtes. Bien que les professions juridiques recrutent souvent des diplômés bac + 5 minimum, certains secteurs comme la banque, l’assurance et l’immobilier ont besoin pour certaines fonctions de diplômés bac + 2, comme le DUT. Le DEUST est accessible aux étudiants en première année de DEUG, mais qui préfèrent opter pour des études plus courtes et très spécialisées : droit des assurances, informatique, techniques fiscales, etc.
• Les études longues. C’est par l’université que les formations juridiques passent, avec la maîtrise comme minimum indispensable. Le taux d’échec après la première année est souvent élevé, les nouveaux venus prenant parfois conscience de la difficulté de ces études. C’est au niveau de la licence que la distinction entre droit public et privé s’effectue. Après son DEUG, l’étudiant peut aussi opter pour l’une des trois IUP de management et de gestion des entreprises qui forment des juristes spécialisés dans les affaires. Idem pour les maîtrises de sciences et techniques, essentiellement tournées vers le droit des affaires ou le droit international. Enfin, le DEUG donne aussi accès aux magistères, très respectés et couvrant de multiples spécialisations. Le diplôme de “juriste conseil d’entreprise” (DJCE) s’adresse aux titulaires d’une maîtrise de droit privé. Ceux qui continuent dans la filière traditionnelle pourront choisir parmi les multiples DEA et DESS disponibles.
• Les écoles et instituts. Peu nombreux, ces établissements sont souvent rattachés à des universités et proposent des formations très pointues. Certaines écoles de commerce proposent des formations de juriste, mais celles-ci sont souvent spécialisées, justement en commerce, et accessibles aux seuls détenteurs de diplômes universitaires.
=== Tableau ===
Les formations au Liban
La formation est presque standardisée au Liban. Elle débute obligatoirement par une licence souvent généraliste (4 ans), puis optionnellement un DES (spécialisation un an), ou éventuellement le cursus DEA-doctorat. Ci-dessous, un résumé.
Université Saint-Joseph (USJ)
Diplôme Années ou crédits Conditions d’admission Scolarité
Licence 4 ans Bac libanais
+ test d’aptitude 7 122 284 LL/an
DEA +1 an Sur dossier + test ND
Doctorat +3 ans DEA ND
Options DU (1 an) : droit informatique (à partir de la 3e année de licence).
Options DEA : droit bancaire et financier ; public ; privé ; droit de l’arbitrage.
Université Saint-Esprit Kaslik (USEK)
Licence 150 crds (4 ans) Bac libanais + épreuve arabe, français, anglais 100 à 110 $/crd (12 à 18 crds/sem.)
DEA 21 crds (1 à 3 ans) Sur dossier ND
Doctorat 3 ans DEA ND
Options DES (1 an) : droit privé ; public.
Beirut Arab University (BAU)
Licence 4 ans Bac libanais 1 800 000 LL/an
Options DES (1 an) : droit islamique ; relations diplomatiques et internationales ; droit du travail ; droit maritime.
Université libanaise (UL)
Licence 4 ans Bac libanais 245 000 LL/an
Doctorat 3 ans DES ND
Options DES (1 an) : droit pénal ; privé ; public ; droit des affaires. L’UL par sa filière francophone permet à 60 étudiants ayant obtenu une mention au bac et sur base de dossier de suivre une formation en droit comparé et d’obtenir une maîtrise en droit comparé.
Islamic University of Lebanon (IUL)
Licence 4 ans Bac libanais
1 500 000 LL/an
DA 1 an Licence sur dossier ND
Doctorat 3 à 5 ans DEA ND
Options DES (1 an) : droit privé ; public.
La Sagesse
Licence 4 ans Bac libanais + test français et anglais 6 000 000 LL/an
(droit général)
2 500 000 LL/an (droit canonique)
DEA 1 an De 4 800 000 LL à 5 250 000 LL
Option DES (1 an) : droit canonique.
Options DEA : droit public, privé, comparé et informatique juridique.