Il s’agit donc comme toujours de fournir des tuyaux à ceux qui ont
10 000 $, 100 000 ou un million à faire fructifier. Et c’est encore
plus difficile, d’année en année. Avec des incertitudes, parfois
en forme de bottes dans le désert. La valse, dit le titre ? C’est
plutôt une de ces danses endiablées en vogue. Un peu comme la
nouvelle latino “Asséréjé”, disons…
DOSSIER PRODUITS BOURSIERS
Alors que les Bourses mondiales sont
fébriles et ne savent plus à quelle chaîne
de télé se vouer, les activités financières
libanaises semblent faire preuve d’un
regain de forme presque déplacé. Sans parler
d’embellie, les professionnels ont le moral, et
une clientèle moins frileuse.
Produits libanais… souverains
Aujourd’hui, le Liban est une place locale
qui attire surtout par ses taux d’intérêt, et
peu par d’éventuels placements nouveaux :
«Nous n’avons que les bons du Trésor et
les eurobons», regrette Fady Moubarak,
chargé du marché à l’Allied Bank et président
de la libanaise Financial Markets
Association, qui regroupe la fine fleur des
intervenants sur le marché.
Mais justement, l’État, n’ayant plus besoin de
liquidités depuis Paris II, n’a plus émis d’obligations
et on s’arrache sur le marché secondaire
les obligations disponibles, les investisseurs
ne voulant pas placer leur argent ailleurs
à 3 ou 4% d’intérêt (ou même 1,5 % à l’étranger).
On ne trouve que difficilement, par
exemple, des obligations à maturité 2008 ou 2009. Même la
tatillonne Merrill Lynch
a recommandé pour le
cinquième mois
consécutif un placement
à hauteur de
3,4 % du “portefeuille pays émergents” dans
les eurobons libanais (voir encadré). Il s’agit là
de l’allocation la plus élevée dans toute la
région du Moyen-Orient et de l’Afrique. «Les
titres souverains en dollars se vendent très
bien sur le marché secondaire, même si la
confiance est actuellement ébranlée par ce
qui se passe dans la région, indique Jacques
Aouad, responsable de la banque privée à la
BNPI. L’obligation à échéance 2009 a connu
d’intenses offres/demandes et, aujourd’hui,
c’est l’obligation à échéance 2006 qui marche
bien. Les titres en livres libanaises sont à maturité plus courte et sont davantage traités
comme des dépôts par les banques locales».
Du coup, le public place son argent sans
état d’âme. Et même des établissements
privés suivent la tendance, comme la
Banque de la Méditerranée qui propose des
certificats de dépôt sur 18 mois à 6 % d’intérêt,
payés mensuellement.
C’est que «les investisseurs libanais sont
conservateurs, un peu trop, observe Jean
Riachi, directeur de Financial Fund Advisors
(FFA), un important
intervenant sur le marché.
Les vrais investisseurs
ne sont pas libanais.
À ce niveau, les
gens du Golfe sont plus
sophistiqués, ils diversifient leur portefeuille».
Riachi observe qu’il y a beaucoup de Libanais
spéculateurs, ce qui est différent de l’investissement.
Il s’agit de personnes qui placent, ou
plutôt “jouent” une certaine somme en
Bourse. «Par exemple, dit-il, nous avons
pensé mener une campagne pour inciter les
gens à investir dans les eurobons, simultanément
avec la campagne d’affichage de la
Finance Bank, qui proposait des eurobons en
dollars à 10 %. Les eurobons avaient d’ailleurs
des rendements supérieurs à ceux affichés
par la Finance Bank, du 12, 13 et même Depuis Paris II, on s’arrache
sur le marché secondaire
les obligations disponibles Recommandations
de la Merrill Lynch (mars 2003)
Émission Recommandation*
Rép. lib. échéance 2005 0,4%
Rép. lib 2006 0,8%
Rép. lib. 2008 0,5%
Rép. lib. 2009 0,8%
Rép. lib. 2016 0,9%
Total 3,4%
(*) Recommandation d’achat de l’obligation, selon la
proportion indiquée, en pourcentage de l’ensemble
du “portefeuille marchés émergents”. d’offres, plus la demande suivra».
D’ailleurs, certains établissements de bonne
taille envisagent de proposer des produits
structurés conçus au Liban : «La Société
Générale est traditionnellement orientée vers
les actions européennes et américaines, et
vers les produits structurés, explique Philippe
Thénard, directeur général de Fidus (groupe
SGBL). Néanmoins, nous étudions actuellement
un produit “mixte” qui serait structuré
sur des valeurs libanaises et étrangères. Il
s’agira d’un produit synthétique à durée déterminée
qui s’adressera à une clientèle moyenne
et haut de gamme, libanaise et arabe.
Cette démarche n’est pas motivée par une
demande de la clientèle, mais par une volonté
de notre part d’améliorer la rentabilité des
produits ; car il faut bien admettre que, partout
dans le monde, la rentabilité n’est pas au
meilleur de sa forme».
Rares cependant sont les initiatives comme
celles prises par FFA, permettant de lancer sur
le marché un Indigo Trust Fund (ITF), produit
conçu entièrement au Liban. Une initiative qui
a si bien marché qu’un second produit du
même type voit actuellement le jour. «Nous
sommes très axés sur ce genre de produits
structurés, avec notre partenaire, la BEMO
Securitisation», indique Jean Riachi. ITF est un
produit qui permet à la fois d’avoir des intérêts,
une garantie sur le capital et de profiter
de la hausse éventuelle de l’action Solidere.
«Nous avons choisi Solidere, car c’est l’action
la plus représentative au Liban, indique Riachi.
De plus, son prix relativement bas pour le
moment permet d’avoir des anticipations de
hausse». Un ensemble d’avantages qui a
séduit les investisseurs locaux, régionaux et
jusqu’à des investisseurs à Londres.
Idem pour l’opération de titrisation effectuée
par la Banque Audi avec Rymco, le concessionnaire
de Nissan. Il s’agit ici de regrouper
dans un portefeuille un ensemble de
créances, celles du concessionnaire sur les
acheteurs qui ont acquis des voitures à cré-
22 Le Commerce du Levant - Mai 2003
C’est dans cette perspective
que les produits structurés
offrent une alternative rassurante.
Puisque le capital est
garanti, l’investisseur, au pire
des cas, n’aura que les intérêts
à perdre, ce qui n’est pas
grave, puisque ces intérêts
sont en tout cas très bas.
Dans leur immense majorité, les
produits structurés disponibles
au Liban sont construits sur des
valeurs étrangères, comme l’explique
Jacques Aouad : «Ces produits
sont indexés sur un actif sous-jacent que
l’on peut choisir, comme un indice de taux
d’intérêt ou un indice boursier (Dow Jones, ou
le français CAC 40…).
L’objectif est de donner
un rendement de
loin supérieur aux taux
actuellement en
vigueur. Nous en lançons
(à la BNPI) un
produit de ce type pratiquement chaque mois,
car il y a une forte demande».
Ces constructions financières suivent évidemment
de très près la tendance mondiale : «En
2002, nous avons beaucoup travaillé sur les
produits de taux, car même si le capital était
garanti, le client redoutait les sous-jacents sur
actions, note Jean-Michel Duverger (de la
BNPI). De plus, il était plus facile de concocter
les produits sur base des taux (d’intérêt) plutôt
que sur des indices boursiers qui étaient trop
volatiles». Mais pourrait-on faire de ce
concept une industrie locale ?
Produits structurés du terroir
«Il y a peu de produits boursiers libanais, car
on y trouve en fait peu
de possibilités»,
explique Jean Riachi.
Qui se met à scruter
ces possibilités :
«D’abord, les fonds
d’action ne sont pas
envisageables, car
l’univers des actions existantes dans le pays
est désespérément minuscule. Les fonds
d’obligations sont en revanche plus intéressants,
car on en trouve une plus grande diversité.
C’est pourquoi les fonds proposés par la
Bank of Beirut trouvent preneurs (voir tableau
plus loin). Ils permettent aux investisseurs
d’entrer sur le marché avec de petites
sommes. Il faut espérer que d’autres fonds de
ce type seront proposés, car plus il y aura
14 %. Mais nous avons craint faire face à une
incompréhension du public sur le fonctionnement
de telles obligations». D’après Riachi et
d’autres intermédiaires financiers, les investisseurs
libanais sont enclins à vouloir récupérer
leur investissement trop rapidement, alors
qu’il faut, pour les obligations, attendre la date
de l’échéance.
Produits structurés importés
Cependant, d’autres professionnels observent
un progrès dans le comportement des investisseurs
locaux : «De plus en plus de clients
qui, il y a encore 6 mois étaient réticents, s’intéressent
désormais à des produits sophistiqués,
indique Jean-Michel Duverger, directeur
de la clientèle des particuliers
à la BNPI. La
clientèle est en train de
mûrir, elle comprend
qu’il y a d’autres voies
possibles que le dépôt.
Bien sûr, elle privilégie
encore les produits sécurisés, mais c’est
un progrès. De toute façon, la conjoncture
impose de sécuriser les placements. En
même temps, on accepte mieux de voir son
épargne bloquée sur des maturités plus
longues, car c’est bien là que réside l’intérêt
des produits structurés». Ces produits,
très sophistiqués en réalité, sont présentés
au public sous une forme simple : généralement
le capital est garanti à l’échéance
(dans 2, 3 ou 4 ans), mais avec en plus une
espérance de gain si “l’actif sous-jacent”
progresse. À supposer par exemple que cet
“actif” est l’indice américain Nasdaq : si
celui-ci augmente de 40 % au cours de la
période considérée, le client gagnera, lui,
disons 20 %. Soit la moitié. Si l’actif perd
de sa valeur, le capital
du client est sain
et sauf et il peut
le récupérer à
l’échéance. D’autres
scénarios existent
aussi, y compris
pour une formule
“capital non garanti”, mais un espoir de
gain plus consistant.
Aujourd’hui, au niveau mondial, les obligations
ne sont pas assez intéressantes, car leur prix
est trop élevé. Les actions, de leur côté, sont
momentanément à bouder, étant donné le
contexte économique général. Il vaut mieux
donc ne pas en acheter (mais paradoxalement
les prix sont très bas, ce qui est intéressant
pour quelqu’un qui n’est pas pressé !). ?
Les investisseurs libanais
sont conservateurs,
un peu trop
Nous étudions actuellement
un produit “mixte” structuré
sur des valeurs libanaises
et étrangères
FFA
dit. Et de les proposer sous forme de titre
unique à des investisseurs. Une formule qui a
également bien marché, car pratiquement
sans risque.
La livre libanaise, quant à elle, n’est pas encore
à l’ordre du jour des principaux concocteurs
de produits. «Pour l’instant, concevoir un produit
structuré en livres libanaises ne me paraît
pas intéressant, tout simplement parce que
nous sommes concurrencés par les taux sur
les dépôts en livres libanaises», poursuit
Philippe Thénard. En
termes plus prosaïques,
pourquoi
dépenser des sommes
folles pour mettre au
point un produit structuré
en LL alors qu’un simple dépôt bancaire
rapportera autant ? D’ailleurs, il faut se rendre
compte que la conception de ce genre de produits
est une industrie lourde.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la
majorité des banques locales ne préparent
pas de tels produits dans leurs propres cuisines.
Mais ne proposent non plus des produits
importés. À part le fait que ce type de
transactions ferait en plus sortir l’argent des
caisses de la banque. Aussi, une banque
lambda de la place n’intervient-elle au niveau
international que sur l’insistance du client.
À noter qu’en dépit de tous les préjugés,
beaucoup sont convaincus que le Liban
demeure une place plus sûre : «En 10 ans,
tous ceux qui ont investi en dehors du Liban
ont perdu de l’argent, alors que ceux qui ont
gardé leur argent dans le pays n’ont rien
perdu, malgré le risque élevé», note Fady
Moubarak. Alors que serait-ce maintenant au
moment où le pays semble bénéficier d’un
regain de confiance…
Y a-t-il encore
un risque libanais ?
«Les événements internationaux coïncident en
notre faveur, constate Fady Moubarak avec
enthousiasme. Le pays a d’abord profité de la
pression exercée par les États-Unis sur les
pays arabes depuis le 11 septembre».
Selon Jean Riachi aussi, tous les malheurs
récents du monde se sont traduits par
“quelque chose” de positif pour le Liban. «Un
bon lot de capitaux arabes ont été transférés
dans les banques libanaises, confirme Fady
Moubarak. Il aurait fallu avoir des projets réels
dans lesquels investir ces sommes, mais, à
l’époque, il n’y avait que les bons du Trésor et
les eurobons».
Les activités financières au Liban ont bien
DOSSIER PRODUITS BOURSIERS
24 Le Commerce du Levant - Mai 2003
souffert de la crise qu’a connue le pays de
1998 à 2002. Pour Jean Riachi, «cela a touché
le marché des obligations de l’État qui ont
assisté à des chutes de prix jusqu’à 75 % du
nominal. Mais le Liban fait partie des marchés
où les gens sont prêts à redéployer leurs
investissements. Évidemment, cela a aidé à
créer un Paris II, qui n’aurait pas eu lieu sans
cette inflexion de la tendance de mouvement
des capitaux en notre faveur».
La situation a donc commencé à s’inverser
en 2002, puisqu’on a
observé un redressement
rapide du marché
obligataire libanais
lié à Paris II et
au changement de la
psychologie du marché qui ne craint plus à
l’horizon une crise bancaire et financière.
Ajoutons à cela l’aide bancaire de 4 milliards
$ sur deux ans avec un intérêt de
0 %. Les privatisations constituent la prochaine
étape. «Tout cela va donc aider l’État
à baisser ses taux d’intérêt et permettre
au public d’investir», espère Fady
Moubarak. L’effet boule de neige est sensible,
même si tous les problèmes ne sont
pas réglés. «Une fois que la question du
cellulaire sera surmontée, les choses vont
avancer plus solidement», anticipe Fady
Moubarak.
Pour Philippe Thénard, «le risque libanais n’est
pas préoccupant pour plusieurs raisons.
D’abord, grâce à un phénomène spécifique
au Liban : le transfert régulier et permanent
de capitaux en provenance de la diaspora ;
ensuite, le gouvernement a les moyens
Midclear, le gardien du temple
En 1994 était créée Midclear, une société d’un genre nouveau dans le pays et dont
l’actionnariat est détenu à 99 % par la BDL. Avec un capital de 2,80 milliards LL,
Midclear devait jouer un rôle de régulation dans les opérations boursières. Et en
1999, une loi lui offre son statut définitif de dépositaire central. Midclear détient
donc aujourd’hui le monopole des opérations de compensation (clearing) des titres
financiers libellés en LL.
«Toute transaction effectuée à la Bourse de Beyrouth doit obligatoirement être compensée
par Midclear, explique Fouad el-Khoury, son PDG, en suivant les modalités de
fonctionnement applicables dans les pays développés et définies par le G30. De plus,
nous avons officiellement le rôle de gardien, responsable de la conservation des titres».
La compensation consiste à s’assurer que le transfert des titres à l’acheteur et de l’argent
au vendeur se fait dans de bonnes conditions, et simultanément. De plus,
Midclear est chargée de la tenue des registres des actionnaires de nombreuses
banques et des sociétés cotées en Bourse. Cela est d’autant plus utile qu’une grande
partie des titres sont dématérialisés depuis 1997. «Toutes les banques cotées en
Bourse, ainsi que certaines sociétés comme Rymco, sont dématérialisées, poursuit
Fouad el-Khoury. La dématérialisation a de multiples effets : elle permet de traiter
des volumes de transactions plus importants, plus rapidement et dans des conditions
plus sûres. Nous nous assurons par ailleurs qu’un seul actionnaire ne possède
pas plus de 5 % des actions d’une banque, sans en avoir avisé la BDL, ou que, en
cas de cotation en Bourse, au moins 33 % du capital y est investi, comme le prévoit
la loi. Enfin, nous nous occupons de la saisie et des hypothèques sur les actions».
Mais Midclear voit plus grand : en 1996, un accord a été signé entre les sociétés de
compensations égyptienne, koweïtienne et libanaise, ce qui a facilité les investissements
entre les trois Bourses. En 1997, Midclear a ouvert un compte auprès de deux
consoeurs européennes, Euroclear et Clearstream, afin de faciliter les transactions
pour les opérateurs européens intéressés par nos eurobons étatiques. «Nous proposons
toujours de nouveaux services, conclut M. el-Khoury ; depuis 2002, par
exemple, nous administrons les fonds communs de placement de la BoB. Nous nous
chargeons aussi de payer les opérations sur titres, comme les dividendes, à la
demande des banques cotées en Bourse. Ce qui est facile pour nous, puisque nous
détenons les registres. Enfin, nous essayons de nous mettre en liaison électronique
avec tous nos clients».
Fin 2002, Midclear traitait avec 93 institutions et détenait 8,2 milliards $ en conservation.
Et ce n’est qu’un début.
De toute façon,
la conjoncture impose
de sécuriser les placements FIDUS
Riachi. Par exemple, le Premier
ministre Rafic Hariri a émis le souhait
que 40 % du pactole des privatisations
aille au public, ce qui
serait extraordinaire. Dans de
nombreux pays, de telles initiatives
ont été le facteur déclenchant
d’un engouement pour l’investissement
en Bourse. On pourrait
assister à un effet boule de
neige car, en général, l’État fait un
cadeau aux petits investisseurs
(en Égypte ou en France par
exemple), ceux-ci bénéficient d’un
prix “discount” pour les privatisations.
Il faut un choc pour promouvoir
la Bourse de Beyrouth, et je
ne vois rien d’autre».
«Il nous manque un vrai système
d’entrée et de sortie du marché, et
un niveau d’intérêt suffisant pour
permettre une activité soutenue à la
Bourse de Beyrouth», ajoute
Moubarak. Le marché libanais n’est
donc pas assez liquide.
Bourses étrangères
en crise de crédibilité
Rien ne va plus, non plus, pour les Bourses
mondiales. Les marchés n’ont jamais connu
une crise de cet ordre, qui dure depuis 1999.
«La crise de confiance
a provoqué un effondrement
des marchés
américains qui ont
entraîné les autres
marchés dans leur
sillage», résume Fady Moubarak.
• Les États-Unis ont une économie dynamique,
mais une petite perte de confiance
dans la croissance affecte les marchés. À cela
s’ajoute le taux d’endettement préoccupant
des compagnies.
«Jusqu’à récemment,
l’évolution des marchés
était basée
essentiellement sur la
capacité d’une société
à faire des profits et
sur l’avenir de son
secteur d’activité, remarque Philippe Thénard.
Avec l’apparition de la notion de création de
valeur (boursière), la rentabilité immédiate
s’est estompée au profit du futur de la société
et de la demande ; des critères peu rationnels
qui ne correspondent pas forcément à la
valeur réelle de l’entreprise. D’où la bulle spéculative
et le problème d’Enron par exemple.
Ce n’est pas viable à terme».
• Les pays émergents ne sont pas non plus à
l’abri de cette crise mondiale. «Les marchés
émergents ne valent plus rien actuellement,
se hasarde à dire Jacques Aouad : les pays du
Sud-Est asiatique sont en crise à la suite du
Japon ; on a parlé d’un nouveau marché en
Europe de l’Est après la chute du mur de
Berlin, mais cela n’a rien donné. Les marchés
arabes sont pétroliers, ce qui est différent ; et
l’Amérique du Sud, n’en parlons pas. Les marchés
émergents ne sont intéressants que lorsqu’il
y a une stabilité, un peu stagnante, de
l’économie mondiale, sans grandes perspectives
de croissance. C’est alors que l’on se
dirige vers ces économies annexes ; et ce
n’est pas du tout le cas aujourd’hui». À cela
s’ajoutent des problèmes d’instabilité politique
: Pakistan, Inde, les deux Corée, la
Turquie... et les pays musulmans qui se sentent
menacés. Pour Fady Moubarak, le Liban
serait le moins exposé de tous.
Bourses et guerre
Les avis sont très partagés quant au comportement
à adopter et aux réactions du
marché en ces temps belliqueux : «La
guerre irakienne a encore aggravé les
choses, dans la crainte de représailles que
pourraient subir les États-Unis, explique
Fady Moubarak. De plus, en temps de
guerre, on a tendance
à vouloir garder
son argent avec soi».
D’où les ventes
importantes enregistrées
ces dernières
semaines et un retour vers les métaux précieux
comme l’or, dont le prix a monté.
Pendant ce mi-temps, les gros requins, qui
ont les moyens de patienter, achetaient,
car les prix étaient bas. Mais il ne s’agit pas
là de “Monsieur Tout-le-monde” : il faut
des nerfs et des capitaux.
«Les États-Unis sont sortis vainqueurs du
conflit, avec une puissance économique
extraordinaire, remarque Jacques Aouad.
D’ailleurs, on avait commencé à parler
d’indice de croissance américaine de
l’ordre de 4 %, alors qu’en France on avait
coupé la croissance en deux. Mais désormais,
il peut y avoir plusieurs scénarios :
une stagnation et même une récession,
avec des faillites et une crise de l’ampleur
de la crise japonaise ; ou bien une reprise.
Personne ne peut le savoir». Plus que
jamais, gouverner c’est prévoir. Mais parfois
c’est aussi deviner l’insondable.
de faire venir de l’argent de certaines
banques centrales de pays amis du Golfe
ou d’Asie, ce que l’on ne voit pas forcément
ailleurs. Néanmoins, la clientèle arabe ne
sera présente en force que lorsqu’elle
considérera que Beyrouth est capable de
faire concurrence à Genève». Car, c’est
dans ce havre de paix que, spontanément,
la communauté financière arabe placera
ses investissements.
Les maigres actions libanaises
Cependant, on attend toujours le retour de
la confiance dans les marchés des actions,
que ce soit celles cotées à la Bourse de
Beyrouth ou celles traitées de gré à gré, en
dehors de la Bourse.
Les actions sont, de
par leur nature, plus
incertaines que les
obligations. Et les
investisseurs potentiels
en actions libanaises
interviennent
également sur les actions étrangères, là où
le marché entame sa quatrième année de
baisse. Ils n’ont donc pas énormément de
liquidités à dispatcher çà et là.
«Il faut trouver un moyen de ramener la
confiance dans ce marché libanais des
actions, car c’est l’une des façons de financer
des projets dans le pays, avance Jean
26 Le Commerce du Levant - Mai 2003
C
Il faut un choc
pour promouvoir
la Bourse de Beyrouth
Nous avons choisi Solidere,
car son prix relativement
bas permet d’avoir
des anticipations de hausse
Bank of Beirut
DOSSIER PRODUITS BOURSIERS