“Glocalisation”, un terme un peu “glauque” qui unit la globalisation et la localisation. Ou comment une enseigne transnationale se fond dans le décor sans perdre ses origines. Un travail d’orfèvre, avec ses applications hôtelières.

le groupe dans n’importe quelle région du
monde. Il en va de même pour les normes
de sécurité, qui sont parfois plus strictes que
celles imposées par le pays hôte. D’autres
règles, plus bizarres, sont également appliquées
: ainsi, l’orientation des chambres à
l’intérieur d’un InterContinental est la même,
toujours vers le Nord. Idem pour les lits et les
sommiers utilisés qui ont les mêmes caractéristiques
partout, afin que le client puisse
reconnaître qu’il se trouve dans un hôtel de
la chaîne. Le service, lui, doit s’adapter au
lieu, mais aussi à l’époque. Avec par
exemple un service Internet dans les
chambres. La cible de l’InterContinental est
principalement la catégorie des “frequent
flyers businessmen”. Ces derniers deviennent
en fait de vrais experts en matière
d’hôtellerie. Pour s’adresser à eux, le
concept communication est lui-même standardisé,
comme le reflète son slogan “We
know what it takes”.
L a mondialisation ? C’est «une diffusion
planétaire des modes de production et
de consommation capitalistes», pour
parler comme l’internationaliste Pierre de
Senarclens. Accessoirement, c’est aussi un
rapprochement culturel et ethnique entre les
différentes sociétés de la planète, facilité par
l’implantation de groupes internationaux aux
quatre coins du monde. Mais, si cette mondialisation
tend à homogénéiser le monde,
incluant même les modes culinaires ou les
services, que reste-t-il de l’adaptation aux
particularités des différents marchés locaux ?
C’est dans ce cadre-là que nous pouvons
parler de “glocalisation”. Un terme qui répond
à la question essentielle : comment les multinationales
réussissent-elles à opérer avec
succès dans des cadres socioculturels si différents
? Avec un exercice de travaux pratiques
sur le secteur hôtelier au Liban, plus
précisément sur deux chaînes internationales
: l’InterContinental (Phoenicia,
Vendôme, Mzaar) et le Radisson (Martinez)
ainsi que la chaîne régionale Rotana (Gefinor).
En gros, il s’agit de savoir qu’est-ce qui est
“global” et qu’est-ce qui est “local” dans les
opérations de ces chaînes au Liban.
INTERCONTINENTAL
Avec 3 260 hôtels implantés dans 184 pays,
sous trois marques principales, Crowne
Plaza, Holiday Inn et InterContinental, cette
entreprise basée à Londres est l’une des plus
“globales” au monde. Comment le Phoenicia
accommode-t-il son offre en conciliant ce qui
est standardisé et ce qui est adapté ?
D’abord, certaines règles sont respectées
partout où un InterContinental est implanté.
À titre d’exemple, les standards touchant
aux techniques de construction, au management
et à la comptabilité sont appliqués par
Quelles sont les particularités effectuées
par le groupe InterContinental sur le marché
libanais ?
• En premier lieu, un système électronique
dans les chambres permet au client étranger
de recevoir le journal de son pays d’origine.
• Ensuite, le choix de la nourriture offerte,
notamment au petit déjeuner et dans les
repas-buffets, est adapté aux ressortissants
des pays du Moyen-Orient, qui
constituent la clientèle principale des
hôtels au Liban.
• Par ailleurs, des restaurants à thème ont
été conçus afin de satisfaire les attentes
des clients cibles.
La communication locale, quant à elle, est
également orientée en fonction de la société
libanaise, par exemple à travers des événements
tels que le Salon du mariage, ou
encore par la promotion du concept des
grandes réceptions, dont les Libanais sont
particulièrement friands.
Il faut dire que le personnel local, qualifié et
ouvert aux différentes cultures, facilite la
tâche de la direction de l’hôtel, comme l’a
souligné Pascal Gauvin, directeur général
du Phoenicia. Finalement, un des aspects
les plus importants de la glocalisation est
de sonder l’opinion des clients dans
chaque hôtel (à travers des formulairesréclamations
spécifiques) pour affiner la
connaissance des clients et de leurs
attentes “locales”.
GEFINOR ROTANA
Le Rotana, originaire des Émirats arabes
unis, a fait de la région du Moyen-
Orient/Golfe son territoire d’implantation et
de spécialisation. Si cette chaîne applique
les mêmes standards de qualité partout, elle
choisit également d’adapter ses services,
Mzaar InterContinental
Tapis volant
Flying Carpet SAL, comme son nom l’indique,
est spécialisée dans les transports
et les services aériens… un peu particuliers.
Grâce à un nouveau concept, cette
compagnie, née il y a presque deux ans,
propose des voyages de groupe à bord
d’avions de petite taille.
Flying Carpet possède à l’heure actuelle
deux avions. Le premier, qui a la capacité
de transporter 4 personnes, offre des
balades aériennes qui permettent au passager
de contempler d’en haut non seulement
les diverses régions libanaises, mais
aussi les côtes grecques et turques. Quant
au deuxième avion, il peut accueillir 19
personnes et est destiné à des voyages
aller-retour de 24 heures pour n’importe
quelle destination, dont l’Europe et le
Moyen-Orient, ou de transporter des marchandises
urgentes. Ce deuxième avion
vise donc les groupes qui souhaitent effectuer
un voyage d’agrément ou d’affaires.
Pour les prestations offertes, les tarifs sont
accessibles. Ainsi, les petits tours d’une
heure pour 4 personnes sont proposés à
raison de 45 $ par personne. Dans le cas
du grand avion, les meilleurs prix sont
accordés pour une durée ne dépassant pas
les 24 heures. Ainsi, les tarifs actuels pour
une capacité totale de 19 personnes sont
les suivants : Charm el-Cheikh 4 100 $, Le
Caire 2 900 $, Larnaca 1 800 $ et Amman
2 400 $. Comme le souligne le fondateur et
directeur de Flying Carpet Mazen Bsat, les
tarifs ne sont pas exorbitants. Ils sont
même moins chers qu’un avion de ligne.
Mais les prix augmentent pour un voyage
dont la durée est supérieure à 24 heures,
en raison des coûts additionnels qu’impose
l’immobilisation de l’avion et des pilotes.
Flying Carpet veut, par définition, offrir un
service personnalisé. Ainsi, les passagers
ont droit en atterrissant à un accueil au sein
des sections VIP des aéroports.
Ciel ouvert oblige, la compagnie ne trouve
aucun souci à obtenir des autorisations pour
les vols, puisqu’une simple notification de la
Direction de l’Aviation civile suffit pour se
diriger vers n’importe quelle destination, à
tout moment. Pour l’avenir, Mazen Bsat,
pharmacien de formation mais passionné de
pilotage, vise le marché régional. Et pour
ceux qui souhaitent encore plus de liberté
pour leur voyage, on indique que le petit
avion (4 passagers) coûte près de 120 000
$, alors que le second revient à 2 millions $.
sa communication et ses tarifs au marché
libanais. Mais étant à l’origine régionale, sa
tâche est déjà plus facile.
En premier lieu, selon Joanna Raad, responsable
de la communication et des relations
publiques, les services sont très personnalisés
grâce à une base de données clients
riche et informatisée : «Chaque client régulier
est identifié par son nom (pas son numéro de
chambre) et traité selon ses goûts et ses
habitudes». Et c’est déjà un aspect de localisation
dans un pays – et une région – où l’individu
a horreur d’être classé dans un groupe.
Par ailleurs, les tarifs sont aussi adaptés
essentiellement en fonction du marché
local, surtout en terme de rapport
qualité/prix. Parce que, mine de rien, nos
hommes d’affaires ont un goût prononcé
pour la rentabilité. Surtout que le taux de
clients “corporate” dans nos hôtels est
moins important qu’en Europe.
Mais parmi les politiques adoptées par
l’hôtel, c’est surtout celle relative à la
communication qui est la plus adaptée
localement, «car le marché libanais, étant
de petite taille et caractérisé par une forte
concurrence, nécessite de ce fait un
effort plus important que celui requis
dans les autres pays», nous dit Joanna
Raad. Surtout que le nom Rotana était
peu ou pas connu au niveau local. Mais,
puisque la publicité directe ou indirecte
produit un impact déterminant sur le
consommateur libanais, la presse est toujours
conviée à couvrir les événements du
Gefinor Rotana.
Au niveau des ressources humaines, l’équipe
recrutée pour le Rotana-Beyrouth est dans sa
majorité nationale, contrairement à ce qui se
produit dans les autres pays arabes. Également,
la culture du groupe consiste à encourager
les jeunes diplômés, qui occupent des
postes-clés et peuvent bénéficier de transferts
dans les divers hôtels Rotana dans
d’autres pays arabes afin qu’ils acquièrent
“l’esprit” de la chaîne.
Quant aux réclamations des clients, elles sont
collectées dans les chambres, puis analysées
systématiquement toutes les deux semaines,
suite à quoi les réponses sont envoyées aux
destinataires sous forme de lettres personnalisées
signées par le directeur général.
RADISSON MARTINEZ
“Think globally, act locally” : le célèbre slogan
résume la vision du groupe européen
Radisson SAS, qui gère le Martinez. Et
comme le Radisson Martinez, implanté à
Beyrouth récemment, vise surtout le marché
“corporate”, l’adaptation se fait en fonction
des attentes de tels clients. Ceux-ci sont
souvent des ressortissants des pays de la
région. Et pour eux, la formule petit déjeuner,
par exemple, a été adaptée, en y ajoutant
divers fromages orientaux et pourquoi
pas un peu de fèves. Et le service a été prolongé
jusqu’à 11h30, le client arabe ayant
l’habitude de se lever tard.
Au niveau de la gestion des ressources
humaines, des sessions sont régulièrement
organisées afin de former au mieux l’équipe
recrutée, libanaise, aux “goûts régionaux” de
la clientèle, que ce soit au niveau du service
ou des produits, comme nous l’explique le
nouveau directeur général Martin H. Kolb.
Quant aux tarifs, ils sont surtout fixés en fonction
de la concurrence et du marché local.
Reste à booster l’image de marque, primordiale
pour une enseigne qui est moins
connue que d’autres chaînes américaines.
Pour cela, l’événementiel est naturellement
favorisé dans un pays où le téléphone arabe
fonctionne à merveille. C
Rotana