On réservait le terme d’éthique à des professions particulières telles que la médecine. Aujourd’hui, on se demande si certains métiers n’exigent pas une déontologie particulière. Dont la banque.
Certes, le métier de banquier ne peut pas être comparé à celui
de la médecine. Mais n’empêche qu’il doit veiller sur l’intérêt
de son client, le protéger et ne pas abuser de son éventuelle
ignorance. Bien plus, le banquier doit veiller sur l’intérêt du
public en général. D’où vient ce rôle ?
Les clients des banques paient les services bancaires autrement
que les autres services offerts sur le marché. Ils paient la
loyauté et le jugement professionnel des banques. Celles-ci ont
plusieurs moyens entre les mains pour induire en erreur leurs
clients : elles peuvent cacher une partie de l’information, ne
pas mettre en évidence certaines parties importantes dans les
contrats signés par leurs clients, présenter leurs produits d’une
façon peu claire. Mais tous ces moyens vont à l’encontre de la
réputation des banques.
Généralement, le grand public regarde d’un mauvais oeil les
entreprises financières et critique leurs
actions. Il pense qu’elles offrent des services
de première nécessité et qu’elles
ont un dû à lui rendre. Peut-on expliquer
autrement la demande toujours croissante
d’avoir des agences bancaires dans certaines
régions, même si elles ne sont pas
rentables ? Ou exiger certains services,
comme des crédits pour les secteurs
défavorisés ? Comment peut-on expliquer au grand public que
les banques commerciales ne sont pas des sociétés de bienfaisance,
et que leur premier objectif est de faire des profits sans
pour autant dénier leur rôle social ? En fait, la banque ne peut
plus exister pour la recherche du profit uniquement. Elle a un
rôle de plus en plus important au niveau social.
De même, les autorités perçoivent les banques comme un
moyen de réaliser leurs politiques gouvernementales (rien qu’à
penser aux souscriptions des banques libanaises aux bons du
Trésor au taux d’intérêt 0 %). Les banques sont amenées de
plus en plus à penser au niveau de l’intérêt général et non plus
de leurs propres intérêts.
La loi a certes un rôle à jouer. Le métier bancaire, et plus généralement
financier, est l’un des plus contrôlés parmi toutes les
autres professions, de par le monde et au Liban. Mais, on ne
peut pas mettre des lois pour toutes les situations de conflits
d’intérêt. Il faut de l’autocontrôle de la part des banquiers.
Parfois sous forme de code de conduite.
QUE VALENT LES CODES ?
La “British Bankers Association” a bien introduit en 1992 le code des
pratiques bancaires. Mais de tels codes de conduite sont-ils efficaces
? Oui certainement, s’ils sont bien appliqués. On a à cet effet
créé une nouvelle fonction à la banque, “le Compliance Officer”,
celui qui veille à l’application des lois, règles et codes de conduite,
pour lever le doute sur la bonne application de ces normes éthiques.
Cela a été exigé (notamment au Liban) pour détecter les cas suspects
de blanchiment d’argent. Pourquoi ne pas faire autant pour les
autres cas d’éthique professionnelle ?
Mais encore une fois, les codes de conduite sont insuffisants, surtout
au niveau de la prise de décision. Est-ce que l’employé penset-
il deux fois avant d’accepter un stylo comme cadeau d’un des
clients de la banque ? Peut-être que toute banque doit avoir sa
propre politique d’accepter des cadeaux audelà
d’un montant X. Il faudrait justement être
très vigilant quant aux relations personnelles
avec les clients.
Le comportement éthique doit provenir d’en
haut (du top management). Les employés ont
souvent tendance à imiter leurs supérieurs
surtout quand ils croient en eux. Les valeurs
de la banque doivent être claires pour tous
les employés et inclure l’éthique dans toutes les formations. Cela me
rappelle le séminaire sur la gestion des conflits que l’Association des
banques a tenu l’été dernier, et où aucun participant n’a osé “dévoiler”
des cas de conflits, confrontés au sein de sa banque.
Il va sans dire qu’il est inutile de parler d’éthique dans un environnement
totalitaire où le style de management autoritaire prédomine
et les employés n’ont aucune liberté de manoeuvre. En fait, ce thème
a pris beaucoup d’ampleur dans les années 90 dans les entreprises
privées ou publiques en Occident avec la montée du style participatif
dans la gestion des affaires et le management délégatif. Et il serait
bon de s’en inspirer à l’occasion des questions éthiques.
Les problèmes d’éthique de la profession bancaire doivent devenir à
l’ordre du jour de toutes les réunions (les sessions de formation en
particulier), où l’on peut transmettre les valeurs de l’organisation de
la façon la plus directe, tout aussi bien que son code de conduite et
ses principes.
(*) Directeur du département de la formation à l’Association des banques au Liban.
C
Est-ce que l’employé
pense-t-il à deux fois avant
d’accepter un stylo comme
cadeau d’un des clients
de la banque ?