Acheminer des touristes français au Liban, cela doit être facile, nous dit-on, en mettant à profit un certain “capital affectif”. Mais comment pourraient-ils venir si la ligne Paris-Beyrouth est toujours aussi encombrée – et chère ?

de combler une partie du déficit
avec des groupes touristiques qui
ont retrouvé le chemin de
Beyrouth. Nous espérons dépasser
cette année les 30 000 touristes à
partir de Paris».
Pour Pierre Massamiri, le business
du transport aérien a changé de
conception depuis quelques
années. Les prix ne sont plus seulement
établis sur la base de la distance
et des heures de vol, mais
sur des critères commerciaux en
fonction du remplissage : «Par
exemple, la Lufthansa vend le billet
Paris-Beyrouth, via Francfort,
moins cher que le billet Francfort-
Beyrouth. Pourquoi ? Parce que
tout siège vendu hors d’Allemagne
constitue un gain inespéré en plus,
le siège étant en tout cas libre.
L’objectif est donc de remplir
l’avion même à prix réduit. Nous
faisons la même chose sur la ligne
Paris-Dubaï par exemple, en vendant
parfois le billet A/R pour Dubaï moins
cher que le billet A/R Paris-Beyrouth».
La MEA présente néanmoins l’avantage
de maintenir une même fréquence de vols
réguliers sur la ligne, soit 3 voyages quotidiens
(avec AF), été comme hiver : «Nos
avions continuent à voler en basse saison,
même avec 10 passagers à bord.
Tandis que d’autres compagnies suspendent
leurs vols vers Beyrouth durant la
saison morte. Nous maintenons nos tarifs
standards en été et durant les périodes
des fêtes, mais nous les réduisons ensuite.
C’est un peu comme les commerces et
les hôtels qui ne peuvent pratiquer des
réductions toute l’année».
Comme chaque été, les Libanais de
France se remettent à traiter un
double casse-tête récurrent : le prix
élevé des vols sur la ligne directe Paris-
Beyrouth et la difficulté de trouver des places
à bord des avions. Avec un éternel incriminé,
la MEA. Et comme chaque année, l’Union
des associations libanaises en France se
mobilise, tient des réunions, discute des
«prix prohibitifs». Mais les pourparlers tournent
court car, naturellement, le bureau de la
MEA à Paris ne peut prendre des décisions
unilatérales à ce niveau. L’Union a donc
entrepris d’adresser des lettres aux hautes
instances politiques du pays, leur demandant
d’intervenir, pour réviser la politique
des prix pratiqués par la compagnie nationale.
Sauf que, pour compliquer l’affaire, la
MEA ne peut que s’aligner sur les prix de son
partenaire, Air France, et elle pourrait même
augmenter encore ses tarifs, au cas où Air
France le ferait suite à la nouvelle flambée
des prix du pétrole.
LES MARGES DE MANOEUVRE
D’abord face au déficit de places, la MEA,
selon Pierre Massamiri, directeur de l’escale
parisienne, a augmenté l’offre sur la ligne
Paris-Beyrouth de 650 places par semaine,
dont, entre autres mesures, un vol supplémentaire
les samedis, de sorte que le total
atteint près de 5 700 sièges par semaine.
Mais ceci ne résout pas le problème des
prix : «Dans le calcul des tarifs, nous
devons malheureusement tenir compte du
fait que l’avion qui part rempli pour
Beyrouth, en début d’été, revient à moitié
vide. Alors qu’en fin de saison, c’est le
contraire, avec ce que cela implique
comme pertes. Hors saison, nous essayons
Prix du billet A/R Paris-Beyrouth
en haute saison (en euros)
MEA-Air France* 605 (30 jours)
654 (45 jours)
720 (2 mois)
Olympic et Lufthansa 550
Cyprus 500
Alia 400
Syrian Airlines 350
(*) En basse saison, leurs prix débutent à 442
euros. Air France a déjà ajouté 4 % après la
hausse des prix des carburants, ce que la MEA
n’a pas encore fait.
NB : Ces prix sont les tarifs standard, mais les
agences de voyages spécialisées peuvent négocier
d’autres tarifs selon leur volume d’achat/vente. Comment alors les Libanais – et les touristes
potentiels – peuvent-ils obtenir de
meilleurs tarifs de voyage vers Beyrouth,
en dépit du concept commercial de l’affaire
? «On peut penser ici à des incitations si
l’on considère que le Libanais résident en
France est un “touriste” particulièrement
intéressant pour le Liban ; il y passe des
semaines et dépense beaucoup plus qu’un
touriste ordinaire. Mais à ce niveau, c’est
une affaire de politique nationale qu’il faut
mettre en place et qui dépasse mes prérogatives
ou les moyens de la MEA», conclut
discrètement Pierre Massamiri. Au moment
où Georges Keyrouz, DG de Litour et l’un
Alain Philippe Feutré, président de
l’Association internationale d’hôtellerie et de
restauration (IH&RA), trace l’évolution récente
du parcours “étoilé” des chaînes internationales.
D’abord, plusieurs facteurs entrent en
jeu : «L’hôtel pur et dur est en récession» ; la
tendance aujourd’hui est à la diversification de
l’offre pour englober les meublés de
vacances, les résidences, les “resorts”. Le
Marriott par exemple table dans sa nouvelle
version marketing sur les resorts, presque
absents jusqu’à présent dans ses centaines
d’hôtels répartis partout dans le monde. Les
changements dans le style de vie des touristes
créent, également, une demande pour des
séjours mieux ciblés et personnalisés. On ne
veut plus des formules trop standardisées.
Les changements dans l’hôtellerie et la restauration
sont étudiés de près par
l’IH&RA, qui couvre 98 pays, avec
pour vocation, entre autres, de
veiller sur la classification hôtelière
au niveau international. Même
«le standard des grandes chaînes
hôtelières commence à se modifier
». On adopte ainsi un autre
style de classification, en ajoutant
aux traditionnelles “étoiles”, relatives au
niveau de luxe et de taille, des “diamants”
pour récompenser la qualité de l’accueil et
du service personnalisé. Par exemple, on
peut avoir un hôtel 5 étoiles avec 1 diamant,
ou un 3 étoiles avec 5 diamants.
De même, la classification elle-même devient
plutôt régionale, qui est plus indiquée que l’internationale
: par respect aux spécificités culturelles,
il ne faut plus unifier la clientèle ou les
produits. Sauf pour deux sujets qui continuent
à préoccuper l’ensemble du monde : l’hygiène
et la sécurité. Ces deux lignes rouges sont
à la une du cahier des charges hôtelier, quel
que soit le site ou le pays.
Claudine Hardane
Extraits d’une intervention faite en marge du Salon
Horeca, lors d’une conférence thématique.
La MEA accorde aux étudiants libanais
à Paris des facilités concernant par
exemple l’excès de bagages permis
sans pénalité, en prenant en considération
le lot de livres et d’habits qu’ils
transportent au début de l’été. Pour les
malades, qui doivent être rapatriés sur
brancard, la MEA leur fait payer le prix
de 2 sièges, au lieu de 3 (prix pratiqué
en principe), tout en sachant qu’il faut
neutraliser 9 pour installer le brancard.
Et dans le cas de dépouilles mortelles,
la MEA ne fait pas payer le transport au
kilogramme, comme c’est la pratique
dans le transport aérien, mais elle a
établi un prix forfaitaire de 300 euros.
Quelques “gestes” des premiers opérateurs sur la ligne Paris-
Beyrouth, alimente le débat :
LES LIBANAIS VENUS D’AILLEURS
Le gouvernement libanais peut-il faire
quelque chose concernant les prix des
billets ?
Il peut penser à des subventions, par exemple,
pour compenser des réductions que la compagnie
nationale pourrait appliquer. À l’instar
de ce que fait le gouvernement français pour
les vols en direction de la Corse.
Pourquoi le voyage est-il devenu
aussi cher ?
Le voyage aérien est soumis à la loi de
l’offre et de la demande. Le principe qui
inspire cette industrie est désormais le
“yield management” – comme pour les
hôtels –, qui tend à assurer la rentabilité
maximale d’un produit, en fonction du taux
d’occupation quotidien. La gestion “unitaire”
du billet d’avion est devenue ainsi la
base du business du transport.
Où se situe en réalité le problème de la
ligne directe Paris-Beyrouth ?
Ce sont en grande partie les réservations
d’outre-mer qui provoquent le déséquilibre.
Grâce à Internet, n’importe quelle agence
de voyages dans le monde peut faire des
réservations sur la ligne Paris-Beyrouth. La
demande est tellement forte que nos
avions sont remplis parfois à 80 % à partir
de pays tiers, car, entre autres raisons, les
résidents en Amérique n’ont pas de ligne
directe vers Beyrouth. Nous, agents de
voyages, aurions pu négocier avec la MEA,
et d’autres compagnies aériennes, des
tarifs moins chers si notre clientèle pouvait
partir à des dates autres que celles des
périodes de pointe. En d’autres termes,
pour rentabiliser une ligne à prix réduits, il
faudrait que le flux à partir de Beyrouth et de
Paris soit aussi intense aux mêmes dates.
Mais le marché libanais ne répond pas à cette
exigence, surtout que les visas français sont
encore difficiles à obtenir, ce qui décourage
les Libanais de venir en touristes à Paris.
Quant aux charters, le système n’est rentable
que vers des destinations touristiques classiques,
alors que le Liban n’en fait pas partie
encore. On préfère alors, comme agents de
voyages, utiliser une autre méthode : bloquer
un certain nombre de sièges à des prix déterminés
pour une clientèle sûre. La moyenne
des places bloquées par Litour, par exemple,
est de 15 000 sièges pour nos clients, dont
beaucoup passent 2 mois d’été au Liban.
Lifting hôtelier mondial
Le monde de l’hôtellerie est en mutation. Et c’est surtout la classification hôtelière
qui change de direction.