Pour rappel simplifié, on dira que la titrisation est le fait de vendre des revenus futurs ou des créances contre une somme immédiatement liquide. La dernière en date, appelée opportunément “Cylinder 1”, va au-delà de ce schéma classique.

La titrisation fiduciaire fait son chemin au Liban (1). Et cette notion
fut consacrée en novembre 2004 par la Banque du Liban (2). Un
intérêt, de la plus haute autorité financière, qui s’était déjà manifesté
quelques mois plus tôt, lorsque la BDL a mis sous son contrôle,
par une directive, toute opération de titrisation adressée au public (3).
L’entrée de plain-pied de la Banque centrale dans le monde de la titrisation
est la bienvenue puisqu’elle donne un cadre réglementaire à
une opération essentiellement contractuelle. D’autant plus bienvenue
que cette intervention de la BDL s’est arrêtée aux lignes générales et
au droit de regard préalable, et, de ce fait, ne limite en rien l’imagination
dont peut faire montre l’arrangeur d’une titrisation.
Une imagination qui, justement, a trouvé son expression récemment
dans l’opération appelée “Cylinder 1”. Cette titrisation, qui a
été structurée et lancée en janvier 2005 par Bemo Securitisation
(BSEC) agissant comme arrangeur pour le compte de Bassoul
Heneiné, a bénéficié à la fois de l’expérience au niveau contractuel
et de la sécurité au niveau réglementaire. Ceci a permis aussi de
faire évoluer les concepts. Spécifiquement, on est passé cette fois
de l’opération classique de type “term”, où la titrisation est instantanée
sur un montant fixe d’actifs futurs, à une opération de type
“revolving”, c’est-à-dire successive avec “rechargement”, où les
actifs sont rajoutés dans le panier au fur et à mesure.
UN INTÉRÊT ÉVIDENT
Mais de quoi s’agit-il en termes plus clairs ? Dans cette opération,
des titres fiduciaires ont été émis, adossés à un portefeuille de
créances détenues par Bassoul Heneiné sur ses clients qui ont
acheté des voitures à crédit. Et comme le veut l’usage, les
créances sont soutenues par des gages sur les véhicules achetés.
En fait, deux types de titres ont été émis, et déposés chez
Midclear : des “Class A Notes” proposées à – et achetées par – des
investisseurs, et une “Class B Note” qui est subordonnée et qui n’a
pas été mise sur le marché. Les “Class A Notes” ont une durée de
vie de 34 mois et un rendement fixe de 7,5 %. Plusieurs banques
ont acheté ces titres.
L’originalité de la structure
réside dans le fait que, pendant
une première période
dite “revolving”, les revenus
générés par les actifs titrisés
sont affectés pour partie au
paiement des intérêts dus
aux investisseurs, et pour
autre partie à l’achat par la
structure de nouvelles
créances que Bassoul
Heneiné aurait générées
après le “closing”, la fermeture
de l’émission. C’est
durant la seconde période,
dite d’amortissement, que
l’achat de nouvelles créances
cesse et que le paiement du
principal s’effectue avec celui des intérêts.
Cette opération démontre comment une entreprise commerciale libanaise
de taille moyenne peut instantanément se financer par la cession
de certains de ses actifs, sans que ceci ne porte en rien atteinte à la
poursuite de ses activités, puisque les actifs cédés (des créances) ne
rentrent pas dans son activité de base (la vente de véhicules automobiles).
En se recentrant sur son activité initiale de toujours et en se
débarrassant de cette charge périphérique qu’est le financement de
ses clients, l’entreprise peut prendre un nouveau départ ou se développer.
De même, le mécanisme de rechargement (“revolving”) lui
assure pour l’avenir un financement à taux fixe par cession d’actifs qui
seront générés par son activité normale. Bref, une architecture qui sert
l’intérêt de tout le monde : le concessionnaire, qui n’a pas à faire des
emprunts bancaires, l’investisseur, qui jouit d’un bon rendement fixe
sans grand risque, et le marché financier en général. De quoi encourager
d’autres entreprises à faire de même. C
L’intervention de la BDL
s’est arrêtée aux lignes
générales, et, de ce fait,
ne limite en rien
l’imagination
de l’arrangeur
d’une titrisation
(*) Professeur à la faculté de droit de l’Université Saint-Joseph, avocat à la Cour.
(1) La titrisation fiduciaire a été imaginée par BSEC-Bemo Securitisation SAL et l’auteur
en 2002 ; puis elle a été utilisée dans plusieurs transactions au Liban, et enfin
“théorisée” dans l’ouvrage que l’auteur a copublié en 2003 avec Iyad Boustany
(BSEC) sur “La titrisation des actifs”.
(2) Dans sa directive intermédiaire n° 8898 du 26 novembre 2004 qui modifie la directive
principale n° 6349 du 24 octobre 1996 relative au développement des marchés financiers
et les contrats fiduciaires, la Banque centrale a fait usage de l’expression “Titrisation
fiduciaire”, en français dans le texte arabe de la directive, la définissant comme étant
l’opération par laquelle le fiduciant dépose des actifs en fiducie au titre de la loi n° 520 de
1996 à charge pour le fiduciaire d’émettre des instruments financiers liés à ces actifs.
(3) Par sa directive intermédiaire n° 8786 du 14 juillet 2004 adressée aux banques et
celle portant le n° 8841 du 21 septembre 2004 adressée aux établissements financiers
qui modifient la directive principale n° 7493 du 24 décembre 1999 relative aux indices
et dérivés financiers, la Banque centrale a soumis à la condition d’obtention de son
accord préalable toute émission ou vente au public de tout instrument «émanant d’une
opération de titrisation quelles que soient sa nature et sa forme», le public étant selon
ces deux directives constitué par plus de vingt personnes.