Si on n’en parle pas – ou plus, cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Elle, c’est la zone au sud-ouest de la capitale, à laquelle on a dédié un établissement spécifique, Élyssar. Un nom trop glamour pour la réalité des lieux.

Le nom d’Élyssar provient probablement,
comme notre ancêtre reine, de
la migration de populations venues
principalement du Sud s’installer dans la
banlieue de la capitale au début de la guerre
entre 1975 et 1977. Toute cette zone,
ainsi que les plages St-Simon, St-Michel, et
autres Acapulco qui accueillaient la plupart
de nos vacanciers balnéaires en été, a donc
été envahie par ces déplacés, dont certains
avaient perdu leurs maisons, alors que
d’autres étaient venus simplement parce
que c’était accessible, ou alors pour “faire
un investissement”. Accessoirement, beaucoup
étaient – ou sont devenus – affiliés
alors à une faction politique, et protégés par
tel ou tel autre homme fort du régime.
Élyssar a été fondée le 29 juin 1995, avec
pour but la planification et le développement
de cette banlieue sud-ouest de la
capitale, caractérisée par un désordre urbanistique
incroyable, et le retour éventuel
d’une partie de ces squatters à leurs villes
ou villages respectifs.
En premier lieu, Joseph Hélou coiffait cette
institution étatique au titre de PDG avec six
membres du conseil d’administration,
représentant ainsi un éventail des 6 principales
communautés du pays, dont forcément
deux représentants d’Amal et du
Hezbollah. Elle devait, selon ses statuts, se
référer au Premier ministre en exercice.
Rafic Hariri fut donc le premier à planifier
ses objectifs qui englobaient, entre autres,
la construction de 10 000 logements ainsi
que des magasins, ateliers, écoles, etc. Ce
qui n’a pas été fait. Sélim Hoss, en tant que
Premier ministre, démet Joseph Hélou,
ancien directeur chez Oger, avant de nommer
un remplaçant, mais dix mois plus
tard, Antoine Khawaja. Enfin, Élie Chédid,
proche du président Émile Lahoud, en
assure la présidence depuis 3 ans.
Beyrouth, jusqu’à la station d’épuration
de Choueifate.
N’EST PAS SOLIDERE QUI VEUT
Mais contrairement au centre-ville, planifier
était plus facile que développer dans
cette banlieue qui comporte près de
4 000 lots de terrain. Le consultant Dar
al-Handasah (Kamal Shair) fut d’abord
chargé du plan d’urbanisation et de lotissement
des terrains, des infrastructures
et de certains logements, sans toucher
aux bâtiments construits légalement
avant-guerre. Et la nouvelle zone sous
cette appellation, couvrant 586 hectares,
soit cinq fois la superficie de Solidere,
devait recevoir un financement étatique
pour son développement.
Or, le financement était estimé à plus de 1
milliard $ que l’État ne pouvait assurer, et ce
sans tenir compte d’un problème social
majeur ayant trait à déplacer quelque 100 000
habitants, pour la plupart bien encadrés par
les factions politiques de la zone. Ce double
obstacle explique la raison principale du blocage
de ce projet. D’ailleurs, l’idée de
construire les milliers de logements prévus au
début fut abandonnée, malgré une offre provenant
il y a quelques années d’une grande
entreprise iranienne.
Cela ne veut pas dire qu’aucune action n’a
été entreprise. En effet, certaines indemnités,
suite à des expropriations, ont été versées
– parfois très généreusement, jusqu’à
50 % de plus que l’évaluation la plus optimiste.
Ceci a permis l’exécution de
quelques projets :
- Évacuations permettant la construction de
l’hôpital gouvernemental de Beyrouth.
- Exécution de certaines artères et
routes intérieures, y compris les travaux
d’infrastructure.
- Station de pompage d’égouts exécutée
par le CDR.
- Réseaux d’égouts d’Ouzaï et du sud de
Coût des indemnités d’expulsion
pour la 2e catégorie*
Région Superficie (m2) Coût (en M $)
Raml el-Âli 81 400 34
Horch Katil 184 631 61
Sabra 148 685 51
Autres 41 362 16
Total 456 078 162
(*) Ce sont des terrains qui n’ont pas encore fait l’objet
d’une expropriation effective. Le conseil d’administration
d’Élyssar propose de ne pas y toucher, mais plutôt
de se concentrer sur les terrains de la “première catégorie”
pour lesquels une première somme a déjà été
versée, suite à des décrets d’expropriation. Mais ces
versements n’auront donc servi à rien, puisque le processus
n’a pas été achevé, ce qui constitue un gaspillage
considérable.
Répartition des unités illégales
Quartier Nb. Nb. de Nb. Autres
d’habitations commerces d’ateliers
Zahraa 1 023 154 60 19
Jnah 2 613 307 396 45
Ouzaï 4 492 444 599 85
Maramel 343 124 182 18
Horch el-Katil 2 879 254 267 46
Sabra 2 562 227 175 45
Total 13 912 1 510 1 679 258
Coût approximatif de l’élargissement
de la route actuelle d’Ouzaï
Dépenses Détails Coût
(M $)
Travaux Une route de 3,5 km x 60 m 12
Appropriation 14 823 m2 d’effectifs 5
de terrains à indemniser
Indemnités : Expulsion des occupants 58
Dont habitations 900 logements x 20 000 $ 18
Commerces 800 unités x 50 000 $ 40
Total Travaux et indemnités 75 partie lui étant cédée par l’État pour une
utilisation exclusive, avec un loyer symbolique.
Les autres propriétaires terriens
d’origine de la zone visée par Élyssar sont,
à titre d’exemples, la famille de Boutros el-
Khoury, celle de Hussein Mansour, Joey
Tabet, l’archevêché maronite, ainsi que les
municipalités de la région.
Bien qu’on ait pensé à tous les aléas et
toutes les variantes, l’on ne voit pas comment
sortir de cette situation de gangrène,
à côté de Beyrouth. Et ce n’est certes pas
l’État avec ses faibles moyens et son endettement
qui parviendra à résoudre ce problème
– alourdi par les surenchères politiques.
Car le fait qu’il y ait sur le terrain 2 partis
politiques a aggravé le problème, alors que,
le cas échéant, un seul aurait pu négocier
des solutions viables. D’autant que, par
exemple, chaque fois qu’on commençait à
indemniser certains occupants, d’autres,
venant de l’extérieur, s’y installaient, même
virtuellement, pour réclamer leur part.
Une seule solution possible à ce guêpier : la
constitution par un groupement d’hommes
d’affaires libanais et étrangers d’un capital
suffisant (près de 500 millions $) pour lancer
cette affaire, en dédommageant les
ayants droit, propriétaires légaux ou déplacés
illégalement installés. Les propriétaires
terriens initiaux pourraient participer à cet
effort de capitalisation ou négocier avec des
groupes d’occupants au cas par cas.
D’autres scénarios font intervenir la Banque
de l’habitat ou l’Établissement public pour
l’habitat, qui pourraient avancer des crédits
bonifiés et permettre la légalisation de la
situation de certaines familles, moyennant
une appropriation à prix réduit du logement
occupé. Mais pourquoi des investisseurs
devraient s’y intéresser ? En fait, c’est une
question de logique économique.
À titre indicatif, les terrains de la zone avoisinante
se négocient, même maintenant, entre
1 000 et 1 500 $/m2. Donc même si l’on exclut
la surface du domaine public actuel ou à venir,
on peut se retrouver facilement avec plus de 3
milliards $ d’actifs fonciers. Le but final, si les
problèmes sont résolus, serait alors de développer
une des plus belles plages continues
du pays et une infrastructure touristique
unique, voisine de Beyrouth, qui remplacerait
cette toile de fond à l’entrée de la capitale. Et
en même temps assurer un logement décent
à une partie des habitants.
(*) Ingénieur et entrepreneur, Élie Sehnaoui fut pendant
quelques années membre du conseil d’administration
d’Élyssar, président par intérim pendant 8 mois (mais pas
directeur général) lors de la vacance du poste de PDG.
- Une partie des terrains a été lotie et évaluée,
parfois aussi avec des expropriations,
mais un versement partiel des indemnités a
été effectué.
- Enfin, tentative d’exécution du pont surélevé
le long de la côte, mais arrêtée par les habitants
qui risquaient de perdre les clients de
passage, les commerces étant installés sur
l’ancienne route du Sud, ou souhaitant être
indemnisés par des expropriations. Un pont,
financé par les Koweïtiens, qui aurait coûté
près de 30 millions $, alors que la solution
d’une autoroute non surélevée coûterait au
moins le double (voir tableau).
À ce propos, et à titre indicatif, le milliard
de dollars nécessaire pour permettre le
développement de cette zone fut réparti de
la manière approximative suivante :
- Infrastructures, 100 millions $.
- Expropriations et dédommagements,
400 millions $.
- Constructions de logements, 500 millions $.
LES ÉTUDES SONT PRÊTES
Toutes les études d’urbanisme, le plan directeur
et d’infrastructures et certaines études de
bâtiments sont déjà quasiment terminés. Un
petit port de pêche a même été développé par
le ministère du Transport, adjacent à la nouvelle
piste d’atterrissage ouest de l’aéroport.
Au milieu de la zone, le Golf Club reste,
avec la Cité sportive (qui a perdu le nom
Camille Chamoun), le plus grand espace
vert. Le Club est copropriétaire d’une partie
des terrains qu’il occupe, la plus grande
C
Les 5 méga chantiers du littoral
Cinq grands projets étaient
supposés remodeler la côte
dans le Grand-Beyrouth.
1 Le projet Elyssar. Sur cette
zone, les grandes réalisations
ont été l’hôpital gouvernemental
de Beyrouth et la Cité
sportive, plus quelques
grandes artères et infrastructures.
Le reste est bloqué.
2 L’Aéroport international
de Beyrouth. Achevé en
grande partie. Des bâtiments
annexes sont également prévus
pour améliorer le service.
3 Centre-ville. Infrastructure
achevée et développement en
cours.
4 Port de Beyrouth. Une
bonne partie a été réhabilitée,
avec beaucoup de retard.
Restent quelques bassins à
développer.
5 Projet Linord. Le littoral de
Bourj-Hammoud à Antélias
devait faire l’objet d’un plan de
développement avec le secteur
privé (formule BOT), y compris
pour le traitement de la
décharge de Bourj-Hammoud.
Mais rien n’a été fait.
6 Projet Littoral Dbayé. Le
projet des remblais de Joseph
Khoury a été bien achevé.
Mais, à part la marina, peu de
chantiers ont été lancés. Un
méga complexe devra voir le
jour dans quelques années sur
300 000 m2, suite à un accord
avec un conglomérat de
banques islamiques et d’investisseurs
arabes et libanais.