Taux d’imposition dérisoires, taxes allégées, anonymat... Les États coffres-forts de l’UE font le bonheur des fiscophobes avertis.

fin les attraits de chacun de
ces havres pour gros contribuables.
1) Taux de l’impôt
sur les sociétés
Avantage CHYPRE
Son charme, Chypre le doit
moins à Aphrodite, déesse de
la Beauté et de l’Amour, que
la mythologie fait naître sur
l’île, qu’à un taux d’imposition
discompte : 10 % sur les
profits depuis 2003 (avec une
surtaxe de 5 % au-delà de
1,7 million d’euros).
Imbattable dans l’ensemble
de l’Union européenne ! Pas
étonnant que le nouvel
entrant exerce une telle attirance
: plus de 40 000 entreprises
y sont enregistrées.
À côté, le prélèvement
luxembourgeois de 30,38 %
ferait passer le régime du
grand-duché pour “confiscatoire”.
Surtout que le taux
chypriote de 10 % s’applique
également – et surtout – aux
bénéfices dégagés en dehors
de l’île. Une opportunité
extraordinaire : «Chypre
représente une tête de pont
pour des entrepreneurs de
l’Ouest désireux de faire des
affaires à l’Est. D’autant que
les conventions fiscales très
favorables avec les anciens
pays communistes subsistent
», témoigne Doros
Lycourgos, avocat d’affaires
à Nicosie. Plutôt que de
mettre directement des billes
dans une société russe, un
entrepreneur peut avantageusement
passer par le
biais d’une filiale chypriote.
2) Souplesse
fiscale
Avantage LUXEMBOURG
D’accord, l’impôt luxembourgeois
sur les sociétés ne soutient
pas la comparaison avec
le taux chypriote, mais, avec
un peu de bienséance fiscale,
les services du grand-duché
savent se montrer conciliants.
Cette possibilité de
s’arranger – le ruling, en langage
de fiscaliste – pour traiter
d’un cas particulier fait
partie des attraits luxembourgeois.
«Un expert peut obtenir
assez couramment l’avis
préalable du fisc. Il peut
même négocier avec lui à
l’avance des règles applicables
à certains montages»,
témoigne Olivier Schmitt,
directeur associé de Fidal. Le
Code des impôts du grandduché
recèle aussi d’immenses
possibilités de défistoutes
les attentions des avocats,
banquiers et épargnants
fortunés. «La comparaison
notamment entre les deux systèmes
d’impôt va bientôt devenir
un réflexe avant de
conseiller un client», assure
René Beltjens, associé chez
PricewaterhouseCoopers.
L’Expansion passe au peigne
D’un côté, le Luxembourg,
paradis fiscal
“historique” de l’Union
européenne (UE). De l’autre,
Chypre, entré dans l’UE en mai
2004, avec ses percepteurs
réputés cléments. À eux deux,
ces micro-États occupent
moins de 12 000 kilomètres
carrés, mais sont l’objet de
Luxembourg
• Membre de l’Union européenne depuis 1957
• 2 586 kilomètres carrés pour 463 000 habitants
• Capitaux en provenance de France, d’Allemagne
et de Belgique
• Impôt sur les sociétés : 30,4 %
• Impôt sur le revenu : 38 % (tranche supérieure) résidence sur l’île échappe à
l’impôt sur la fortune»,
explique-t-on au cabinet CMS
Bureau Francis Lefebvre. Le
traitement fiscal d’un luxueux
appartement détenu au
Luxembourg se complique en
revanche singulièrement. Ce
bien n’est pas pris en compte
directement dans la base
taxable mais dans le taux d’imposition.
Ainsi, si le propriétaire
est assujetti à l’ISF sur une
base de 6 millions d’euros et
que sa résidence luxembourgeoise
vaut 1 million, il sera
taxé au taux marginal de
1,65 % (correspondant à un
patrimoine de 7 millions), mais
sur la base de 6 millions. En
clair, il monte dans le barème
de l’impôt sur la fortune. Même
les loyers passeront par un
régime fiscal légèrement plus
favorable à Chypre. Le taux
maximal sur les revenus de la
pierre s’y établit à 30 %, contre
38 % au Luxembourg.
5) Notoriété
de la place
Avantage LUXEMBOURG
À chacun son paradis fiscal
européen. Les riches
Allemands et Français optent
plutôt pour le Luxembourg. Les
entrepreneurs russes, grecs et
d’Europe de l’Est choisissent
plutôt Nicosie. Mais ces deux
États coffres-forts ne jouent pas
encore dans la même cour.
Quelque 165 banques du cru ou
étrangères disposent d’au
moins une agence au grandduché
et emploient 22 500 personnes.
Tous les grands cabinets
d’avocats et d’audit y ont
depuis longtemps planté leur
enseigne. Et 5 000 conseillers
financiers ou assimilés se partagent
l’immense marché de la
gestion de fortune. Une part
importante des 1 000 milliards
d’euros placés par les
Allemands à l’étranger aurait
ainsi pris la direction du
Luxembourg. À Chypre, même
en plein décollage, l’industrie
de la défiscalisation n’a pas le
même poids. Et son centre offshore
traîne quelques casseroles,
comme les soupçons de
transfert illégal d’argent au
bénéfice d’une obscure filiale
bancaire yougoslave proche de
Slobodan Milosevic. Chargé
d’auditer le centre bancaire chypriote
en 2001, le FMI estimait
toutefois ses normes de contrôle
“efficaces et approfondies”.
RÉSULTAT DU MATCH
LUXEMBOURG 3
CHYPRE 2
Fraîchement engagée dans le
dumping fiscal, la petite île
du sud de l’Europe partait sur
le papier avec de vrais avantages
: un impôt sur les
sociétés imbattable, un barème
sur le revenu particulièrement
clément. Mais le vieil
État coffre-fort du
Luxembourg, membre de la
Communauté européenne du
charbon et de l’acier en
1951, dispose de lobbys et
d’un pouvoir politique
influents à Bruxelles. Les millionnaires
adeptes du grandduché
leur doivent ainsi le
maintien du secret bancaire,
clef de voûte d’un vrai paradis
fiscal.
En fait, le grand-duché a
réussi l’exploit de se placer
au coeur des mécanismes de
l’Union européenne tout en
gardant des régimes fiscaux
d’exception. Jean-Claude
Junker, Premier ministre
luxembourgeois, vient
d’ailleurs de prendre, le 1er
janvier 2005, la tête du
Conseil européen... alors que
le président de la République
chypriote, Tassos
Papadopoulos, ne parvient
toujours pas à résoudre la
question de l’occupation
turque du nord de l’île. «Pour
les grandes fortunes,
témoigne René Beltjens, ce
genre de considération politique
compte autant qu’un
bon barème fiscal».
bancaire ne va pas sans contrepartie.
Dès juillet, selon la
directive européenne sur l’harmonisation
de l’épargne, un
client au Luxembourg – désireux
de garder l’anonymat –
devra accepter une retenue à la
source sur ses intérêts effectuée
par son banquier : 15 % au
cours des trois premières
années, 20 % les trois suivantes,
et 35 % au-delà. Le
client chypriote n’a, quant à
lui, pas le choix. Son banquier
doit en théorie lever le voile
sur son identité et le montant
de ses avoirs. Le fisc du pays
dans lequel le client réside se
fera ainsi un plaisir de prélever
sa taxe.
4) Régime de
la fiscalité immobilière
Avantage CHYPRE
Tout investisseur immobilier
allergique au fisc devrait faire de
la convention fiscale francochypriote
son livre de chevet.
«Suite à un arrêt de la Cour de
cassation, la possession d’une
calisation. En particulier pour
les sociétés holding. Des néologismes
fiscaux apparaissent
souvent au Luxembourg. La
“H29”, nom de code pour fiscophobes
fortunés, permettait de
détenir des participations de
sociétés françaises en franchise
d’impôts sur les dividendes et
les plus-values. Dans le collimateur
des autorités fiscales étrangères,
la H29 laisse place à la
“Soparfi”, aux avantages comparables.
«Et en mai 2004 est
sortie la “sicar” (société d’investissement
en capital-risque),
aux avantages fiscaux très
attractifs», renchérit Hervé
Israël, avocat chez Lovells à
Paris. Comme le percepteur, le
législateur luxembourgeois sait
aussi s’adapter.
3) Garantie du secret
bancaire
Avantage LUXEMBOURG
Les banquiers luxembourgeois
vont pouvoir tenir leur langue.
Mais, obtenu de haute lutte à
Bruxelles, le maintien du secret
Chypre
• Membre de l’Union européenne depuis 2004
• 9 251 kilomètres carrés pour 820 000 habitants
• Capitaux en provenance de Grèce, de Russie, d’Italie
et des Pays-Bas
• Impôt sur les sociétés : 10 % (avec une surtaxe
de 5 % au-delà de 1,7 million d’euros)
• Impôt sur le revenu : 30 % (tranche supérieure)