Le marketing de permission
L’AUTEUR Ancien vice-président marketing de Yahoo!,
Seth Godin a fondé Yoyodyne, la première
société de campagnes promotionnelles en
ligne – pionnière dans l’application des
méthodes de marketing de permission.
Lectures complémentaires
The One to One Future, Don Peppers
Unleashing the Ideavirus, Seth Godin
Free, Perfect and Now, Rob Rodin
La publicité sur Internet : comment
tirer parti de l’e-pub, FX. Hussherr, J.
Lendrerie
SOMMAIRE
•Un marketing relationnel
•De l’inconnu au client
à vie
•L’Internet : le meilleur
outil du marketing
de permission LES POINTS-CLÉS
Le marketing traditionnel interrompt sans cesse le consommateur
pour lui proposer des produits qui ne l’intéressent pourtant pas
forcément. Face à ce que l’auteur appelle le marketing
d’interruption, de moins en moins efficace, le marketing de
permission devrait s’imposer plus facilement. Son principe :
demander à chaque prospect, client potentiel, la permission de lui
présenter un produit ou un service, pour ensuite lui envoyer des
messages pertinents et personnalisés.
Ainsi se crée un dialogue entre le consommateur et le vendeur, qui
doit petit à petit parvenir à élever le niveau de la permission qui
lui est accordée, en offrant des récompenses. L’objectif du
marketing de permission est de transformer un inconnu en un ami,
puis en un client et in fine en un client fidèle.
L’Internet est l’outil par excellence du marketing de permission
puisqu’il représente le plus grand média de marketing direct, à
tort considéré et utilisé comme un média de diffusion. Le livre de
Seth Godin est novateur et visionnaire, tant sur la nécessaire
évolution de la publicité, que sur le rôle d’Internet dans cette
évolution. Un marketing révolutionnaire
Aujourd’hui, plus que jamais, le défi de tout commercial
est d’attirer l’attention d’un consommateur déjà saturé
de messages publicitaires. Mais les techniques du
marketing traditionnel ne sont plus satisfaisantes,
puisqu’elles relèvent du marketing d’interruption. Pour
vendre un produit ou un service, on interrompt le sujet dans
son activité : c’est la fameuse page de publicité, le mailing ou
ces courriels sauvages qui encombrent les boîtes à lettres
électroniques. D’après Seth Godin, le marketing de la
décennie à venir est un marketing de permission : on demande
au prospect la permission de lui présenter quelque chose
d’intéressant. Très impliqué, le consommateur doit consentir
pleinement au processus, étape par étape : de la présentation
d’un catalogue à la facturation d’un bien. L’interactivité
offerte par l’Internet permet ainsi de bouleverser les règles
du marketing de masse. Le vendeur peut tisser des relations
personnalisées avec son client, et donc le fidéliser. Cela est
d’autant plus nécessaire que les consommateurs, confrontés
à des offres de plus en plus nombreuses et attirantes,
deviennent particulièrement volatiles.
Nouveau marketing pour consommateurs nouveaux
La publicité est partout, alors
qu’aucun être humain ne peut
prêter attention aux centaines de
messages auxquels il est exposé chaque
jour. Il est donc de plus en plus ardu
pour les entreprises de toucher des
consommateurs saturés d’offres
commerciales. Pendant 90 ans, le
marketing d’interruption, celui qui
interrompt les consommateurs pour
vanter les mérites de tel ou tel produit,
a réussi à capter leur attention. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui. Les méthodes
classiques de marketing sont dépassées.
L’époque est au marketing de
permission.
Une campagne marketing sera mieux
perçue par le consommateur si vous lui
demandez la permission de la lui
présenter. En effet, la plupart d’entre
nous a un même problème : le manque
de temps, ce qui se traduit pour le
marketing par un manque d’attention.
Mais alors que le marketing
d’interruption fait perdre du temps au
prospect, le marketing de permission
lui demande d’abord s’il a le temps de
lui prêter attention. En s’adressant
ensuite seulement aux volontaires, ce
marketing délivre un message qui fait
mouche. Un message à la fois attendu
par le consommateur, personnel et
pertinent, puisqu’il s’adresse à des
sujets qui veulent l’écouter, qui se
sentent concernés et intéressés.
Le marketing de permission procède
en 5 étapes :
1) D’abord, vous offrez au prospect,
quelque chose de gratuit et
d’intéressant qui l’incite à se porter
volontaire pour écouter la suite de
votre message : par exemple, un
catalogue, des conseils, des
réductions, une loterie… Bien sûr,
lors de cette première étape, vous
devez interpeller le prospect, donc
l’interrompre, mais c’est la seule
fois où il est nécessaire de procéder
de la sorte. Par exemple, la
compagnie de télécommunications,
Bell Atlantic, propose une
réduction de cinq dollars par
facture aux familles qui acceptent
de recevoir des offres commerciales
correspondant à leurs centres
d’intérêt. Pour cela, il leur suffit de
remplir un bref formulaire et de le
renvoyer dans l’enveloppe prétimbrée
fournie par l’opérateur.
2) Dans un deuxième temps, vous lui
présentez votre produit. Vous
pouvez établir avec lui un
calendrier de rendez-vous pour en
rediscuter.
3) Vous devez renforcer la motivation
de votre prospect afin de conserver
son attention. Vous dialoguez
désormais avec lui, par courriel,
téléphone ou mailing.
4) Vous élevez ensuite le niveau de la
permission : vous devez arriver à ce
que le prospect accepte de vous
confier plus de données
personnelles (goûts, habitudes,
hobbies..), qu’il accepte de tester
votre produit avec un échantillon
ou encore de vous écouter lui
présenter d’autres produits. Pour
cela, vous devez lui offrir de
nouveaux éléments de motivation.
5) Enfin, avec le temps, par un effet de
levier, les permissions accordées
par le prospect vous permettront
de changer ses habitudes et de lui
vendre régulièrement vos produits.
La stratégie d’Amazon.com
La plus grande librairie virtuelle du
monde, Amazon.com, est en train de
se construire une gigantesque base de
données. Elle mise sur une stratégie
pertinente : sa méthode consiste à
obtenir des permissions de ses clients
pour leur envoyer des courriels les
informant des derniers ouvrages
publiés par leurs auteurs préférés.
Amazon développe par ailleurs des
communautés d’intérêt sur le Net.
Cette stratégie permettra à Amazon
de puiser dans sa base volumineuse, le
jour où elle décidera de publier ses
propres livres. Imaginons qu’elle
envoie un courriel au million de
consommateurs qui ont acheté le
roman de tel écrivain, leur
demandant s’ils souhaitent recevoir le
prochain titre de ce même auteur. Si,
statistiquement, un tiers des prospects
répondent par l’affirmative, Amazon
n’aura plus qu’à commander
l’ouvrage à l’écrivain, lui promettant
un tirage d’au moins 330 000
exemplaires : recettes estimées pour
l’auteur 1 million $, et pour Amazon
plus de 4 millions $ ! Un scénario qui
peut se renouveler des dizaines, voire
des centaines de fois chaque année. L’Internet : le meilleur outil
du marketing de permission
Le marketing de permission propose
de faire d’un inconnu un ami, puis
un consommateur, et finalement un
consommateur fidèle. Une personne qui
achète est une personne qui a confiance.
La confiance s’acquiert par la relation
privilégiée vendeur-client, et cette
dernière nécessite une prise de
conscience du prospect que vous existez
et que vous faites passer un message.
Cette prise de conscience s’obtient par la
répétition et la fréquence des contacts.
Les niveaux de permission
Un des objectifs du marketing de
permission est d’élever le niveau de
permission que vous accorde chaque
prospect. Il existe 5 niveaux de
permission :
1) Le plus haut niveau dit de
l’intraveineuse : le client vous a dans
la peau. Vous prenez les décisions
d’achat à sa place et il paye lorsque
vous lui présentez la facture. Le Club
du Livre du Mois est un bon exemple.
Il envoie régulièrement un ouvrage
sélectionné par son jury de
professionnels à ses adhérents. La
plupart acceptent ce choix et payent
en retour.
2) En dessous de ce niveau se trouve
celui qui fait appel à un système de
points :
un produit X = 1 point
100 points = un cadeau ou une
réduction
La majorité des compagnies
d’aviation utilise ce procédé.
American Airlines a été l’un des
pionniers avec le programme
Advantage, dont l’objectif était
d’augmenter la fidélité et la confiance
des clients grâce au système des
miles. Plus ses clients voyagent, plus
elle les récompense (miles gratuits,
bonnes affaires, privilèges..) et plus
ils sont enclins à lui confier des
données personnelles.
3) Un niveau intermédiaire de
permission est celui des relations
personnelles, que vous entretenez
avec le consommateur durant des
années afin de gagner sa confiance.
C’est par exemple le mode de
fonctionnement de Wall Street. Le
client donne le pouvoir à son conseil
en investissement ou à son courtier
financier pour acheter ou vendre pour
son compte.
4) Un niveau plus bas est celui de la
confiance que le client accorde à la
marque. Si sa marque favorite
propose un nouveau produit, il sera
enclin à le tester. Marlboro ne
communique qu’à ce niveau.
5. Le niveau le plus bas est celui de la
permission offerte par une situation,
mais elle est très éphémère. Le
vendeur doit saisir l’opportunité
lorsqu’un client appelle son numéro
vert ou lorsqu’il est en train d’acheter
un produit. «Voulez-vous des frites
avec ce hamburger ?» demande-t-on
par exemple chez McDonald’s. En
achetant un hamburger, le client
donne pendant quelques secondes
l’autorisation au vendeur de lui
proposer un complément.
Les règles à respecter
La permission que vous obtenez du
prospect obéit à 4 règles strictes:
1) Cette autorisation n’est pas cessible :
vous ne pouvez donner ou vendre à un
autre commercial l’autorisation, c’està-
dire la confiance qu’un client vous
accorde. Le marketing de permission
ne réserve jamais de mauvaises
surprises à ses clients.
2) Cette autorisation est égoïste : votre
prospect est maître de votre
programme de marketing. Il n’a cure
de vos produits, de votre carrière, de
vos problèmes… La seule question
qu’il se pose est : «Que m’offrezvous
d’intéressant ?». Ne l’oubliez
pas et récompensez-le à chaque étape.
3) L’autorisation s’insère dans un
processus de long terme. Le
marketing de permission permet
d’engager un dialogue avec le client
: s’il est entretenu, il prospère, sinon
il s’arrête.
4) L’autorisation peut être reprise à tout
moment par le client qui l’a accordée.
De l’inconnu au client à vie
10 questions pour évaluer votre programme marketing
Oubliez tout ce que vous croyez
savoir sur le marketing en ligne.
Contrairement aux idées reçues,
l’Internet n’est pas un média de
diffusion, comme la télévision.
L’Internet est le plus grand média de
marketing direct jamais inventé. Grâce
au courriel par exemple, les frais de
timbres et d’impression disparaissent, la
fréquence de communication est
gratuite, la vitesse des tests marketing
est multipliée par 100, les taux de
réponse par 15.
L’objectif d’un site Web doit être
tourné principalement vers
l’obtention de permissions. Il n’est
pas nécessaire qu’il soit sophistiqué
ou coûteux, il doit seulement vous
dénicher de futurs clients.
InfoBeat est un site de diffusion
électronique d’informations : revue de
presse, horoscopes, programmes TV,
résultats sportifs, météo, etc. Coût du
- Quelle est l’accroche susceptible d’attirer le prospect? Est-elle suffisamment
évidente et intéressante ?
- Combien coûte l’obtention d’une permission supplémentaire?
- Quelle est la valeur qualitative des permissions obtenues?
- Combien coûte l’envoi d’un message supplémentaire à un client?
- Quelle est la proportion des clients dont l’action est directement influencée
par mes messages ?
- Comment procédons-nous lorsque l’attention du client diminue?
- L’entreprise considère-t-elle vraiment la permission comme un atout?
- Comment la permission obtenue est-elle traitée?
- Comment le niveau de permission est-il augmenté?
- Quelle est la durée de vie attendue d’une permission obtenue? © 2005 Agora Communications email : info@agoracom.net Résumé avec la permission spéciale de Simon & Shuster
L’auteur du livre annonce l’avènement du micromarketing ou ce qu’il appelle le marketing de permission, et de grandes multinationales
comme Procter & Gamble, McDonald’s et American Express l’ont déjà adopté. Ces faits sont-ils annonciateurs du déclin du marketing
de masse traditionnel?
Le marketing est en constante évolution. Les innovations s’ajoutent aux pratiques et techniques plus anciennes, mais ne s’y substituent
pas. C’est comme pour les médias : la radio n’a pas tué la presse, la télévision n’a pas tué la radio et l’Internet n’a pas tué la télévision.
En revanche, chaque nouveau média répond à de nouveaux besoins.
Aujourd’hui, les responsables marketing utilisent toujours les dispositifs du marketing de masse traditionnel. Ils sont cependant amenés
de plus en plus à recourir au marketing segmenté, auquel s’ajoute désormais un troisième grand dispositif qui est le marketing relationnel
(appelé aussi micromarketing ou marketing de permission). Chacun de ces dispositifs a ses avantages et ses inconvénients. Ils doivent
surtout être utilisés de façon complémentaire.
Quels sont les changements comportementaux et démographiques qui ont conduit à cette évolution du concept marketing? Peut-on parler
de néoconsommateurs?
Les consultants et les gourous adorent utiliser le terme néo, mais un professeur comme moi reste plus sceptique. Oui, les comportements
évoluent... mais ils ne cessent d’évoluer depuis des décennies ! C’est la raison pour laquelle le marketing n’est pas une discipline figée qui
utiliserait toujours les mêmes recettes, mais au contraire, elle change et se renouvelle.
Il est difficile aujourd’hui pour les entreprises de se différencier par les produits, c’est pourquoi elles valorisent un univers intangible —
l’univers de la marque — et elles favorisent le développement de services associés à l’offre, tels que la personnalisation ou le dialogue. Cela
correspond à une nouvelle attente des clients. Mais pour personnaliser leur offre et développer une relation avec leurs clients, les
entreprises doivent obtenir des informations personnelles. Le propos de Seth Godin est de montrer que cela implique de nouvelles règles
du jeu dans la relation entreprise-client.
Qu’est-ce que cela change vraiment pour les agences de communication?
Les agences sont dominées par une technique de communication : la publicité, et par un type de médias : les médias de masse. Pourtant deux
tiers des dépenses de communication dans le monde sont consacrées au hors médias : marketing direct, programmes de fidélisation, relations
publiques, événementiel et seulement un tiers à la publicité dans les médias de masse.
Le développement du marketing relationnel remettra les pendules à l’heure. Les campagnes de communication seront de moins en moins
construites autour d’une technique et d’un média dominants comme la publicité télévisuelle, et de plus en plus conçues par rapport au public
ciblé. On utilisera, à cet effet, un ensemble de techniques complémentaires (publicité, marketing direct, événementiel, etc.) et une large palette
de médias. Ce nouveau type de communication qu’on appelle marketing intégré (on intègre les différents médias et techniques en fonction d’une
même cible) est une tendance lourde de la communication. Cependant les agences traditionnelles ont aujourd’hui du mal à le mettre en oeuvre,
car leurs collaborateurs sont généralement des spécialistes d’une seule technique. Il leur faudrait un personnel pluridisciplinaire susceptible
d’intégrer l’ensemble de ces techniques.
Le marketing de permission bouleverse les règles de la relation marchand-consommateur. Croyez-vous à une possible évolution des
mentalités vers plus de considération et de respect vis-à-vis du consommateur?
Le respect des consommateurs ne peut pas venir d’une nouvelle technique marketing. Il est lié, selon moi, à trois facteurs:
1. La législation : c’est la réglementation du Net qui fixera le cadre nécessaire pour mieux équilibrer les rapports de force entre les
entreprises et les consommateurs. Par exemple, le laxisme de la législation américaine est la cause principale de l’envoi massif de spams
(courriels commerciaux non sollicités) aux internautes du monde entier.
2. Le pouvoir de pression des consommateurs à travers des associations et des mouvements de consommateurs sur le Net, relayés par les
médias.
3. La déontologie des responsables marketing : le marketing n’est qu’un outil et son utilisation à bon ou à mauvais escient ne dépend que
de son utilisateur. Faire du marketing pour vendre des cigarettes, c’est promouvoir un produit nuisible aux consommateurs: qu’en
pensent les responsables marketing de l’industrie du tabac ?
Nous ne devons pas fuir nos responsabilités et c’est à chacun de nous de s’interroger, à chaque fois qu’on utilise une technique marketing,
sur le sens que l’on donne à nos actions et sur le respect que l’on doit à nos clients.
Point de vue
service pour le client-adhérent ? Zéro
dollar. Il doit seulement accepter de
recevoir avec ces envois des publicités
conformes à ses centres d’intérêt. Lors
de son adhésion, il fournit à cet effet de
nombreuses données personnelles. Ainsi
les messages qu’il reçoit sont ciblés et
personnalisés. InfoBeat a pu grâce à ce
procédé bâtir une base de données de
plus de 3 millions d’abonnés… Une
manne pour tous ses annonceurs !
Sur le Web, vous devez tester et
optimiser sans cesse votre offre, grâce
au courriel. Ne cherchez surtout pas à
piéger les internautes : dites-leur
clairement ce que vous attendez d’eux.
Une grande marque de crèmes glacées a
dû recourir au marketing de permission
pour maintenir sa part de marché. Ses
coûteuses campagnes de publicité à la
télévision ne touchant qu’un gros
consommateur sur 100 occasionnels,
elle a décidé de changer de stratégie.
Elle a construit une base de données des
clients les plus prometteurs, en
regroupant les noms obtenus lors de
promotions et de mailings. Puis elle leur
a proposé d’adhérer à un Club de
consommateurs. 24 % d’entre eux ont
répondu positivement en acceptant
d’indiquer leurs habitudes, les parfums
de crèmes glacées préférées, le nombre
d’enfants au foyer, etc. Tout cela contre
la promesse d’envois réguliers de
recettes, d’informations sur les
nouveaux produits, de bons de réduction
et la possibilité de dialoguer entre
membres du Club.
Entretien avec Julien Lévy
Spécialiste du marketing relationnel, il enseigne à l’ESA et à HEC Paris.
Il est coauteur de la bible du marketing Mercator : théorie et pratique du marketing.