Le surdoué de la haute couture libanaise ne pouvait manquer le tremplin de Paris, capitale entre toutes du secteur. Et le Triangle d’or des 3 avenues semble lui convenir à merveille. À partir de là, l’international lui est désormais accessible.
BEYROUTH, MILAN, PARIS…
Né en 1964 à Beyrouth, Élie Saab ouvre son
premier atelier de couture à Beyrouth en
1982. Sa première collection est présentée au
Casino du Liban la même année. «Il n’a jamais
renié son appartenance et reste très attaché
au Liban. Il est Libanais avant tout, même si,
forcément, il s’intéresse à la mode européenne
et mêle les cultures orientales et occidentales
dans ses collections», raconte Zeina
Raphaël, attachée de presse de la maison de
couture à Paris.
Très vite, sa renommée dépasse toutes les
frontières. Dès 1986, la jet-set et les princesses
du Moyen-Orient s’habillent en Saab.
Les commandes vont affluer du monde entier
lors du lancement d’une ligne de prêt-à-porter
présentée durant la semaine de la mode à
Milan en 1998. Le premier défilé parisien
haute couture a lieu en 2000. Deux ans plus
tard, la maison s’installe rue Pierre Charron à
Paris, au coeur du Triangle d’or de la capitale
française, délimité par les avenues
Montaigne, Georges V et les Champs-Élysées.
«Élie Saab voulait absolument s’installer à cet
endroit. Cette adresse est un symbole du
prestige, et reste à proximité des domiciles de
ses clientes», poursuit Raphaël.
Le show-room parisien accueille les clientes
sur rendez-vous. «Nous ne sommes pas une
boutique. Les dames qui nous rendent visite
sont donc à l’aise pour essayer les tenues. De
plus, nous avons sur place un petit atelier pour
les finitions. Les patrons et la confection sont
en revanche toujours réalisés à Beyrouth»,
précise Raphaël.
DÉFILÉ DE STARS
Nadim Chammas, directeur général du groupe,
va même plus loin : «L’implantation parisienne
n’est pas uniquement importante par
son rôle commercial. C’est un relais pour l’entreprise
en Europe. Paris est toujours la capitale
de la haute couture ; c’est donc un point
de passage obligé pour la création, la commercialisation
et l’image de toute société aux
ambitions internationales». À Paris, Élie Saab
est un créateur apprécié et bien reconnu.
Depuis 2003, c’est comme membre invité de
la très sélecte Chambre syndicale de la haute
couture française qu’il défile à Paris. «C’est un
statut intermédiaire, mais c’est déjà une
reconnaissance», admet-on à la Fédération
française de haute couture.
Une reconnaissance en fait plutôt internationale
lorsqu’on jette un regard sur la liste, non
exhaustive, des personnalités internationales
qui portent les robes Élie Saab : les actrices
américaines Teri Hatcher, Catherine Zeta
Jones, Halle Berry ou Angelina Jolie, l’exchanteuse
Victoria Beckham, la top model
C’est en 1999 que la carrière d’Élie
Saab est propulsée sur la scène
internationale. À l’occasion de son
couronnement, la reine Rania de Jordanie
porte une toilette signée par lui. Ce qui confère
à Saab un premier coup promotionnel. De
taille. Mais la robe dont tout le monde parle
encore aujourd’hui, qui a fait le tour des
magazines de mode, reste celle de Halle
Berry, lors de la remise des Oscars en 2002.
Devant des certaines de millions de téléspectateurs,
la première femme noire américaine à
remporter l’Oscar de la meilleure actrice portait
ce soir-là une robe créée par Élie Saab.
Depuis, le couturier libanais habille les stars
américaines, vend 1 000 robes haute couture
à 16 000 euros pièce en moyenne, et défile à
Paris deux fois par an.
La presse spécialisée dit de lui
qu’il vend le plus de robes de
mariées haute couture au monde on-line du magazine Vogue. Connu pour
avoir de riches clientes orientales, Élie
Saab semble avoir amorcé un léger virage
lors de sa dernière collection : «Son dernier
défilé était plus abouti, sans doute orienté
vers une clientèle un peu plus jeune. C’est
un signe d’occidentalisation et de maturité
de son travail. C’est très prometteur», poursuit
d’Orgeval.
ACTIONNAIRE UNIQUE
Aujourd’hui, le couturier est un véritable
homme d’affaires. Il a d’ailleurs reçu l’année
passée à Beyrouth la distinction manager de
l’année, délivrée par le groupe HEC-Liban.
Il reste encore aujourd’hui le seul actionnaire
de sa société. La presse spécialisée
dit de lui qu’il vend le plus de robes de
mariées haute couture au monde. Et beaucoup
aux États-Unis. Les derniers chiffres
font état de 1 000 robes vendues par an,
dont près de 200 robes de mariées.
«La société ne fait pas de publicité. Les seuls
feed-back proviennent des photos des défilés
publiées dans les magazines et des robes prêtées
aux personnalités», raconte Raphaël. Une
robe Élie Saab haute couture, réalisée sur
mesure, est vendue de 14 000 à 20 000 euros
la pièce. Une robe de mariée peut valoir jusqu’à
65 000 euros. En France, la SARL est dirigée
par son frère, Dany Saab. En 2006, la
maison a pour projet l’ouverture d’une boutique
destinée à commercialiser la collection
prêt-à-porter. Un moyen de se développer un
peu plus, tout en associant aux vêtements une
collection d’accessoires, une pratique devenue
indispensable pour les couturiers.
L’adresse n’est pas encore dévoilée, mais resterait
dans les limites du juteux Triangle d’or
parisien. D’autres ouvertures sont prévues à
travers le monde entier dans les prochains
mois ou les prochaines années.
LE QUARTIER GÉNÉRAL
À Beyrouth, comme on le sait, c’est déjà
fait, et dans notre propre périmètre d’or
Soliderois. C’est là, à la limite de Wadi
Abou Jmil, qu’Élie Saab a fait construire le
nouveau siège social de sa société. Une
superbe bâtisse conçue par l’architecte
Chakib Richani. L’immeuble, d’un coût de
3,6 millions de dollars, dispose d’une surface
totale de 2 400 m2, répartis sur 4 étages
et 3 sous-sols. Au rez-de-chaussée se trouve
la première boutique en nom propre de
prêt-à-porter et accessoires Élie Saab. Le
1er étage abrite les bureaux administratifs et
les 2e et 3e étages sont dédiés aux studios
de création et aux ateliers. Mais c’est le 4e
étage qui offre une particularité essentielle :
il a été conçu pour recevoir les clientes
haute couture dans des salons aménagés.
Dans ce lieu intime et privé, Élie Saab peut
discuter avec elles de leurs envies, pour la
réalisation de leur robe.
L’immeuble, qui représente ainsi une
excellente vitrine, à mi-chemin des grands
hôtels et du coeur du centre-ville, peut donc
viser l’élite locale et les touristes fortunées
du Golfe qui ont acheté des appartements
dans le quartier à 4 000 $ le m2. D’autres
couturiers locaux sont d’ailleurs tentés de
suivre l’initiative. Zuhair Murad a déjà
ouvert une boutique à quelques mètres de
là, à Bab Idriss. Le quadrilatère de luxe est
en train de prendre forme, avec au moins
un de ses côtés latéraux formé de la pure
création libanaise.
Adriana Karembeu, la chanteuse Beyonce
Knowles, l’héritière Paris Hilton, la comédienne
française Sara Forestier ou encore Whitney
Houston et Salma Hayek. Puis la reine Rania
de Jordanie qui est une fidèle parmi les
fidèles. Les célébrités habillées Saab lors de
cérémonies officielles sont d’ailleurs régulièrement
élues par la presse américaine
comme «les mieux habillées».
Pour ses défilés, toujours très attendus, il
présente en moyenne 55 robes de soirée,
sa spécialité. «Des robes de rêve qui respectent
les formes de la femme et la mettent
en valeur», apprécie Frédérique
d’Orgeval, éditeur du site vogue.fr, l’entité
Les autres Libanais du Triangle
C
Une robe Élie Saab haute couture,
réalisée sur mesure, est vendue
de 14 000 à 20 000 euros la pièce.
Une robe de mariée peut valoir
jusqu’à 65 000 euros
La rue Pierre Charron
accueille d’autres entrepreneurs
libanais, toujours
dans le même style glamour.
Parmi ces sociétés,
certaines ont pignon sur
rue. Comme la famille
Chalouhi qui possède au
numéro 51 la boutique
Arije, spécialisée dans la
bijouterie et la joaillerie de
luxe. En 2002, Arije a réalisé
un chiffre d’affaires de 15,4
millions euros pour un
résultat de 664 000 euros.
Au numéro 67, on trouve la
discothèque Le 6/7 gérée
par Talal Salamé, le futur
grand nom de la nuit parisienne,
mais avec un zeste
de libanisme. Tous les lundis
soirs, cet établissement
organise des soirées libanaises
«comme celles de
Monnot» où se retrouvent
les élites dorées de Paris. En
2004, Le 6/7 a réalisé un CA
de 2 660 000 euros et un
résultat de 213 000 euros.
Enfin, au numéro 66, trône
depuis 1982 la boutique de
prêt-à-porter de luxe masculin
Tiring International.
Dirigée par Élie Saad, l’enseigne
a réalisé en 2004
un CA de 1 092 000
euros, mais sans beaucoup
de profit. «La crise
nous frappe, mais nous
sommes toujours là, et
pour longtemps encore»,
précise le dirigeant.