Ce sont certes de petits hôtels, de capacité moyenne, mais ils brillent dans la Ville lumière avec leurs situations géographiques, leurs 4 étoiles+ et leurs renommées. Quatre exemples d’hôtels franco-libanais.
Le San Regis d’Élie Georges
Le faste des années 50 lui offre ses lettres de noblesse avec une panoplie de stars du cinéma et de la mode qui l’ont adopté comme lieu de résidence ponctuel. Le temps passe et son histoire actuelle s’ouvre en 1984. À la recherche de l’endroit idéal pour développer ses activités, Élie Georges, ancien directeur du Beau Rivage de Ramlet el-Baïda, tombe sous le charme du San Regis et le rachète. «J’ai quitté le Beau Rivage en 1974 pour travailler dans la construction immobilière en Arabie saoudite. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’hôtellerie. Alors, j’ai fait une acquisition ici. J’ai gardé la façade néoclassique, mais j’ai entièrement refait l’intérieur pour 30 millions de francs, soit près de 5 millions d’euros», raconte-t-il.
Le nouveau San Regis ouvre donc en juin 1986 à la rue Jean Goujon, une artère perpendiculaire à l’avenue Montaigne. «Nous sommes dans la boucle d’or du Triangle d’or», estime Georges. Quelque
33 chambres et 11 suites, toutes différentes, sont proposées à la clientèle raffinée, composée à 60 % de Nord-Américains. Les hommes d’affaires, les grands avocats, les banquiers et même
quelques célébrités aiment se retrouver dans cet endroit classique et parisien.
En 2004, le chiffre d’affaires de la société exploitante atteignait 2 850 000 euros, pour des tarifs allant de 315 à 1 025 euros (la suite), avec cependant quelques réductions en basse saison et
pour des réservations par Internet. Le San Regis possède un avantage supplémentaire : un restaurant salué par l’ensemble de la presse spécialisée. «Le restaurant me coûte cher, et je ne gagne
pas d’argent avec. Mais c’est un service indispensable, avec lequel nous nous démarquons», souligne Georges. Des travaux sont prochainement prévus pour améliorer encore la qualité du service, et du mobilier.
Élie Georges fréquente d’ailleurs régulièrement les salles des ventes aux enchères, et travaille en collaboration avec le célèbre architecte d’intérieur, Pierre-Yves Rochon, qui possède un bureau à Beyrouth et a réalisé de nombreux projets au Liban et au Moyen-Orient, dont le Vendôme de Aïn el-Mreissé.
Aujourd’hui, Le San Regis est géré au quotidien par Maurice et Joseph, deux des frères d’Élie Georges. Lui, entretemps, a étendu ses investissements aux États-Unis, dans l’immobilier, et partage
son temps entre Achrafieh, Paris, les États-Unis et Deauville la normande. «Mais je reviens toujours ici, car l’hôtel fait partie de moi». Il n’a pas l’air très imposant, mais Le San Regis est unique et fait partie des hôtels parisiens les plus prestigieux.
Figurant généralement dans les meilleurs classements des plus beaux hôtels du monde, il a reçu les félicitations de Jacques Chirac, quand celui-ci était maire de Paris.Son histoire est à elle seule tout un programme. Construit en 1857, cette résidence particulière de bonne famille rayonnait dans le quartier des Champs-Élysées, qui accueillait, déjà, la haute couture internationale et
les milieux d’affaires. En 1923, son activité commerciale débute sous la direction d’un fin connaisseur du secteur hôtelier, Simon André Terrail, père de l’actuel patron du célèbre restaurant La Tour d’Argent.
Le Vendôme de Robert Mouawad
En 1998, Robert Mouawad, joaillier libano-international, souhaite diversifier ses activités. C’est vite fait, il rachète deux hôtels en France : le Grand Hôtel du Cap Ferrat, situé entre Nice et Monaco, et l’Hôtel de Vendôme, au 1 place Vendôme à Paris. Le premier est déjà un palace hors normes, avec un seuil d’excellence inégalé. Le second est un bijou architectural du XVIIe siècle, idéalement situé. Mais l’intérieur du Vendôme ne convient pas aux aspirations du joaillier, qui injecte alors 50 millions d’euros pour tout refaire, du sol au plafond, dans les moindres détails.
Les travaux seront longs mais, en 2001, l’Hôtel de Vendôme ouvre enfin dans sa nouvelle configuration, qui s’inspire largement des belles époques de l’art décoratif français.
«M. Mouawad est un passionné. Accéder à la propriété de l’hôtel était une bonne opportunité qu’il n’a pas laissé passer. Il peut se décider en deux secondes si le projet lui convient», raconte Gilles Fouilleroux, directeur des ventes et du marketing. Rapidement, le taux d’occupation de l’hôtel passe de 50 à 65 % et le chiffre d’affaires progresse de 26 % en une année, pour atteindre environ 3 200 000 euros, pour des tarifs allant de 482 à 832 euros (la suite junior) ; la suite présidentielle, sur demande, coûte 2 500 euros. «Le Vendôme et le Grand Hôtel du Cap Ferrat sont gérés par deux sociétés différentes, qui appartiennent à une holding pilotée par Pascal Robert Mouawad», souligne Fouilleroux.
Pour le groupe familial, posséder un hôtel de grand standing est en fait stratégique. Les clients internationaux du groupe peuvent ainsi profiter des services du Vendôme. «Notre clientèle vient
essentiellement des États-Unis ou de Grande-Bretagne, et, dans une moindre mesure, du Moyen-Orient. Il peut arriver que certains soient clients des autres activités du groupe», précise Fouilleroux.
Avec 29 chambres et une classification 4 étoiles luxe (le maximum possible en France), le Vendôme bénéficie d’une politique d’autofinancement avec le groupe amiral.
De passage à Paris, c’est à l’hôtel que la famille Mouawad séjourne. «L’hôtel, c’est du business mais c’est aussi un produit limité et périssable. Avec nos concurrents, nous avons tous atteint le luxe. À nous, alors, de proposer le meilleur, le détail qui fera la différence», poursuit Fouilleroux.
Le Daniel d’Henriette Nammour
À contre-pied de ce que proposent les autres établissements parisiens, Le Daniel est un petit hôtel raffiné, inspiré d’un savant mélange de styles. Situé dans une rue tranquille du quartier du faubourg Saint-Honoré, Le Daniel est ce qu’on appelle désormais un boutique hôtel, c’est-à-dire un établissement de petite capacité (26 chambres dont 9 suites) avec le charme d’un hôtel particulier. «L’établissement était luxueux mais vieillot. Nous avons tout cassé pour lui donner une ambiance française très XVIIIe siècle», raconte Nour Demarquette, consultante marketing pour l’hôtel.
Le Daniel appartient aujourd’hui à Henriette Nammour, l’épouse de Béchara Nammour. C’est elle qui préside la société exploitante, Paris Centre Hôtel de Berri. «Mme Nammour est perfectionniste et ce souci du détail, associé à l’inspiration féminine, donne à l’hôtel sa particularité», poursuit Demarquette.
En effet, Le Daniel est pour ainsi dire un hôtel de femmes. La direction est assurée par une jeune femme réputée dans le secteur. Le design a été l’affaire de Nada Debs, qui a ses bureaux dans le centre-ville de Beyrouth. La décoration générale a été coordonnée par Tarfa Salam, décoratrice internationale d’origine libanaise installée à Londres. Ce qui fait que les matériaux utilisés sont tous précieux : des toiles de Jouy aux tapis Khotan, et du papier peint estampillé De Gournay aux canapés fabriqués à Londres par George Smith, ou encore les rideaux signés Mme Fancony à Reims. Même les savons sont artisanaux et les gels sont signés Molton Brown de Londres.
L’hôtel a rouvert ses portes à l’été 2004, malgré une conjoncture délicate pour les 4 étoiles. « Notre clientèle est branchée, jeune, et principalement européenne. Elle recherche quelque chose de différent, de cosy, de plus personnel. Nous devons notre bon lancement à la qualité de notre prestation mais aussi aux bons retours de la presse spécialisée et à notre échelle tarifaire», souligne
Demarquette. De 320 à 690 euros la nuit, Le Daniel est très compétitif dans sa catégorie. En guise de reconnaissance, il deviendra membre du guide Relais et Châteaux 2006, ce qui offre un signe de qualité supplémentaire.
Le Sezz de Shahé Kalaidjian
Changement de décor, d’univers, de quartier (à l’avenue Frémiet dans le 16e). Le Sezz est ce que l’on fait de mieux en ce moment à Paris dans l’hôtellerie design, encore un concept tendance.
Quelque 27 chambres pensées et agencées par Shahé Kalaidjian et Christophe Pillet. Le premier est un Libanais né à Beyrouth mais qui a passé son enfance à Londres. Diplômé de l’École hôtelière en 1988, il est arrivé à Paris en 1992. Depuis, la presse spécialisée ne cesse de louer son travail. Après avoir tenu un établissement à Disneyland Paris pendant près de 6 ans, il ouvre Le Pavillon de Paris en 1999, dans un savant mélange de design et de classicisme. Il s’agit d’un boutique hôtel de 30 chambres près de la place de Clichy, à la fois design et très zen.
À l’époque, c’est l’architecte d’intérieur Joseph Karam qui fut chargé d’agencer les lieux. Une réussite stratégique qui a réalisé un chiffre d’affaires de 930 000 euros en 2003.
«Je suis toujours le gérant du Pavillon, mais comme je voulais diversifier, j’ai ouvert le Sezz», explique Kalaidjian. L’homme d’affaires a donc confié à son ami Christophe Pillet le soin de l’audace. Pillet est un designer renommé ; élu créateur de l’année en 1994, il a notamment collaboré avec JC Decaux, Lacoste, L’Oréal, Whirlpool ou encore les Champagnes Veuve Clicquot. «Il a du talent et le Sezz est son premier hôtel. Son nom est un des éléments qui encourage les réservations», raconte Kalaidjian.
Le résultat est sublime, alliant aussi bien le grand confort que l’innovation technique et les lignes épurées. «Nous avons investi 3,5 millions d’euros pour l’ensemble des travaux. Nous avons désormais un très bel outil de travail à rentabiliser», poursuit Shahé Kalaidjian, seul actionnaire de la société exploitante.
Le Sezz a ouvert à la fin du mois d’avril dernier. Le démarrage est bon, la presse enthousiaste, et l’année 2006 s’annonce déjà très intéressante. «On se fait connaître avec de bonnes relations presse et avec des prix d’appels assez bas», des chambres de 250 à 600 euros la nuit Le Sezz propose une panoplie d’outils comme l’accès gratuit au Wifi (l’Internet sans fil). «C’est un plus que la clientèle, jeune, japonaise ou d’affaires, apprécie, puisque la plupart des autres établissements facturent ce service».
Shahé Kalaidjian songe déjà à de nouveaux projets. «Pas dans l’immédiat, mais l’éventualité d’ouvrir, au Caire, un hôtel design avec un grand groupe égyptien est en gestation. Tout comme un investissement à Dubaï», conclut-il. Un retour donc aux sources moyen-orientales, comme l’ont fait avant lui Robert Mouawad avec son Village de Broummana, ou les Nammour avec l’Albergo.
• Le George V à Paris est parfois considéré comme le plus bel hôtel du monde, plusieurs fois primé de la sorte par la presse spécialisée. Depuis 1996, il est la propriété du prince libano-saoudien al- Walid ben Talal. Al-Walid, qui détient à 50 ans, selon Forbes, 24 milliards $, soit la 5e fortune mondiale. Le prince a donc, pour 140 millions d’euros, racheté le George V, avant de le confier en gérance au groupe canadien Four Seasons, dont il détient 25 %. Une opération judicieuse pour un hôtel qui compte 245 chambres dont 61 suites et réalise un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros par an, pour un résultat net approchant les 3 millions d’euros.
• L’Hôtel Meurice (160 chambres), situé rue de Rivoli, appartient au sultan de Brunei, Hassan Bolkiah. Qui possède, par ailleurs, le Plazza Athénée (180 chambres), avenue Montaigne, où officie le grand chef français Alain Ducasse. Les deux hôtels sont gérés par le groupe Dorchester.
• Le Ritz (162 chambres) de la place Vendôme appartient toujours à l’Égyptien Mohamed al-Fayed. Depuis deux ans, il cherche à s’en séparer mais son prix d’appel n’a pas encore trouvé d’acquéreur potentiel.
• Le Crillon (147 chambres) est depuis l’été dernier sous le joug de la société d’investissements Starwood Capital, qui possède les chaînes hôtelières Sheraton et Westin. La société américaine, qui a investi 2,1 milliards d’euros pour cette acquisition, souhaite confier la gérance en externe, et là, le marché est ouvert. On parle encore du prince al-Walid avec l’une de ses chaînes, Fairmont, mais aussi du groupe Jumeirah International, originaire de Dubaï. On dit à ce propos que la famille al-Maktoum souhaite absolument s’offrir un palace parisien.