Profitant du succès éclair de ce casse-tête venu du Japon, une kyrielle de jeux de déduction va bientôt déferler sur la France.

Le phénomène Sudoku tourne à la
folie ! L’ampleur du succès de ce
jeu de réflexion a de quoi faire pâlir
d’envie les plus grands spécialistes de
marketing. Dans le métro, à l’arrêt du
bus, dans les gares, les salles d’attente
des aéroports et même les bureaux, on
croise désormais des acharnés du
Sudoku (prononcez sudokou), qui, armés
d’un crayon et d’une gomme, remplissent
fébrilement des grilles. Derrière ce
nom japonais, qui peut se traduire par
chiffre unique, se cache un jeu de
déduction aux règles très simples, qui a
conquis des milliers d’adeptes. Une
grille de Sudoku se compose de 9 carrés
de 9 chiffres. Le joueur doit remplir les
81 cases afin que chaque carré, chaque
ligne et chaque colonne ne contiennent
qu’une seule fois les chiffres de 1 à 9.
Pour aider les joueurs, quelques chiffres
sont disposés dans les grilles. Comptez
au minimum un bon quart d’heure pour
achever les modèles les plus faciles et
UNE PERCÉE
ÉDITORIALE
Une vingtaine
de revues
ont vu le jour pour les passionnés
de ce jeu chiffré. Et
déjà 40 livres consacrés au
sujet ont été publiés, dont
plusieurs best-sellers.
UNE PRESSE
CONQUISE
Le Figaro et
Libération ont
été les premiers
à publier des Sudoku
pendant l’été 2005, imités
par la presse quotidienne
régionale et par de nombreux
magazines.
ET UNE RELÈVE
DÉJÀ ASSURÉE
Le Kakuro,
une sorte de
mots - fléchés
avec des chiffres de 1 à 9, vise
le même succès que le Sudoku.
Et d’autres jeux de déduction du
même genre, comme le
Gomoku, le Hitori ou le Fillomino,
vont bientôt débarquer.
UNE AVALANCHE
DE PRODUITS
DÉRIVÉS
Sacs, teeshirts
ou
tasses, jeux vidéo, versions
pour téléphones mobiles, sites
Internet... tout est bon pour tirer
parti du succès de ce cassetête,
notamment chez les
cadres de 30 à 45 ans. déduction japonais. Un coup d’oeil sur le
site Web de l’éditeur Nikoli laisse imaginer
la déferlante qui attend nos joueurs :
Gomoku (un jeu de morpion amélioré),
Hitori, Nurikabe, Fillomino, etc.
EXPORTABLE
SANS AUCUNE TRADUCTION
Tous ces jeux ont en commun de fonctionner
avec des chiffres. Et ce pour une raison
simple : les idéogrammes japonais ne se
prêtent pas à nos traditionnels mots croisés
ou fléchés. Loin de les concurrencer, le
Sudoku conquiert une nouvelle clientèle,
plus jeune, plus diplômée. Un nombre
croissant d’enfants lâchent leurs consoles
pour s’adonner à ces jeux sur papier. Les
plus accros sont les cadres de 30 à 45 ans
qui travaillent dans l’informatique. Autre
atout, ces jeux ne nécessitent aucune
connaissance. «Au Québec, des hôpitaux
nous commandent des grilles pour faire
travailler la mémoire des patients atteints
de la maladie d’Alzheimer», raconte
Stéphane Bataillon. Surtout, ces jeux sont
adaptables partout, sans nécessité de traduction
ni même d’adaptation, et ne coûtent
presque rien à fabriquer. Un pur produit
de la mondialisation.
(*) Légende rajoutée par la rédaction du CDL.
Factory. En quelques mois, leur start-up est
venue casser le marché en proposant à la
presse des grilles concurrentes de celles
de Gould pour 3 ou 4 euros l’unité. «Nos
tarifs varient de quelques euros pour des
grilles simples à 80 euros pour un jeu complet
avec les réponses, les règles, des
astuces», explique Stéphane Bataillon. Ils
sortent aussi des livres de méthode et de
combines. Et, déjà, 10 000 joueurs se
connectent tous les jours sur leur site pour
assouvir gratuitement leur passion. Mais
les deux compères ne comptent pas en
rester là. Car, conscients que l’attrait pour
ce Rubik’s Cube des temps modernes
devrait se tasser, ils préparent en secret le
lancement dès le mois de janvier de son
remplaçant, le Kakuro.
Cet autre jeu japonais fonctionne avec les
mêmes recettes que le Sudoku. «C’est une
sorte de mots fléchés avec des chiffres de
1 à 9. Dans chaque colonne et dans chaque
ligne, la somme des chiffres doit être égale
au résultat indiqué», explique Stéphane
Bataillon. De bons moments en perspective
pour les futurs accros. «Ce jeu est déjà n° 1
en Angleterre et devrait cartonner en
France», assure le fondateur de Sudoku
Factory. Des livres, des revues et des sites
vont très probablement envahir le marché
dès le début de l’année. Une stratégie qui
ouvre la voie à toute une famille de jeux de
une nuit entière pour les versions diaboliques.
Conseil d’initiés : surtout ne pas
abandonner une grille avant la fin. Au
risque de ne jamais la reprendre.
Cette version améliorée du carré magique,
inventé par le Suisse Leonhard Euler au
XVIIIe siècle, popularisée au Japon dans les
années 80 par l’éditeur Nikoli, n’est apparue
en Angleterre que fin 2004 avec la
publication des premières grilles dans le
Times. Quelques mois plus tard, le jeu traverse
la Manche pour trouver refuge dans
Le Figaro puis dans Libération, Le Monde et
des titres de la presse quotidienne régionale
comme La Provence. Depuis, son développement
est époustouflant : une dizaine
d’hebdomadaires (Femme actuelle, Télé 7
jours, etc.) publient des grilles, une vingtaine
de revues ont été créées par des éditeurs
comme Keesing (le leader du jeu en
France avec Sport cérébral et Monceau), et
plus de 40 livres sont sortis en trois mois,
dont plusieurs best-sellers. L’ouvrage 100
Sudoku, de l’éditeur First, est en tête des
ventes sur le site de la Fnac, alors que
L’Indispensable du Sudoku, de Sudoku
Factory, caracole à la première place du
hit-parade d’Amazon, juste devant... le dernier
Harry Potter. Sans compter les milliers
de sites Internet, les jeux vidéo, les versions
pour téléphone mobile, les produits
dérivés (tee-shirts, tasses, sacs), etc. Des
compétitions nationales et internationales
voient même le jour.
DES GRILLES À PRIX CASSÉS
À 3 OU 4 EUROS L’UNITÉ
Un succès phénoménal qui ne doit rien au
hasard. À l’origine de l’offensive, on trouve
un homme, Wayne Gould, juge néozélandais
à la retraite à Hong Kong qui a
conçu en 2004 le premier logiciel pour
élaborer des grilles. Il passe des accords
avec une centaine de quotidiens occidentaux
qui font de la publicité pour son site
Internet en échange de ses grilles. Puis il
vend les droits exclusifs de son jeu à des
éditeurs de livres comme HarperCollins
aux États-Unis ou First Editions en
France. Une stratégie ingénieuse, mais
mal bordée juridiquement. Très vite, le
développement du jeu échappe à Gould et
à ses clients. D’autant que le mot Sudoku
n’est pas déposé et que n’importe quel
informaticien un peu doué peut mettre au
point un logiciel de conception ad hoc.
C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Stéphane
Bataillon et Stéphane Mattern, les deux
jeunes fondateurs français de Sudoku
C
Les Libanais ont aussi été conquis par le Sudoku : grand succès en librairie et aussi dans les pages
de L’Orient-Le Jour*.