Tout discours politiquement correct rappelle immanquablement la nécessité des réformes administratives pour le bon fonctionnement de l’État. Désormais, une telle réforme ne peut réussir que si elle s’appuie sur un développement technologique soutenu et généralisé.

L’émergence de modèles de gouvernement
électronique (e-gov) est assez
récente et n’est que l’un des aspects
du concept plus large de gouvernance électronique
qui vise à améliorer la vie des
citoyens en leur offrant un service efficace et
contrôlable. Les nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC)
n’en sont que le support matériel. Et l’on peut
dire que la e-gouvernance est plutôt une nouvelle
philosophie de la République et de la
relation entre l’État et le citoyen.
Comment y arriver ? L’Administration publique
est destinée à se réduire en une fenêtre
unique (One-stop-shop government) qui
englobe l’accès aux services publics en un
seul portail. Cette fenêtre unique pourrait
être un bâtiment public, un centre d’appel
ou bien, dans la forme la plus élaborée de
la e-gouvernance, un site Internet multifonctionnel.
Pour cela, plusieurs conditions
doivent être remplies, comme la disponibilité
de l’infrastructure, l’éclatement des
contraintes d’espace et de temps, la facilité
de l’accès, la sécurité des transactions,
et surtout un cadre réglementaire qui assure
les droits des citoyens et de l’État.
Le guichet unique pourrait alors faciliter les
démarches par une liaison électronique. Un
simple click doit accélérer la procédure administrative
sans nécessairement court-circuiter
la composition technocratique et hiérarchique
qui prévaut actuellement dans les administrations.
Le passage d’un click à un autre correspond
au passage entre un bureau et un autre.
Certes, à long terme et avec l’expérience, les
technologies permettront de repenser la
structure de l’État vers une architecture plus
légère. On pourrait alors librement introduire
le e-vote, la e-démocratie, le e-référendum…
OÙ EN EST-ON ?
La stratégie nationale pour le développement
du e-gov au Liban a été lancée par le bureau
du ministre d’État à la Réforme administrative
(OMSAR), en décembre 2002. Ce document
comprend trois volets : le premier fournit une
description de l’état actuel de l’introduction
des NTIC dans l’activité publique ; le deuxième
concerne l’infrastructure matérielle, juridique,
informatique et informationnelle nécessaire au
lancement du e-gov ; et le troisième volet
porte sur le plan d’intégration progressive du
gouvernement électronique.
L’application pratique de cette stratégie reste
modeste. Il est vrai que la plupart des ministères
ont désormais des sites Web, mais leur
contenu se limite aux informations d’ordre
général. Parmi les rares sites dont la conception
s’insère dans la philosophie du e-gov, on
pourrait citer le site d’information
(informs.gov.lb) qui présente un grand nombre
de formalités administratives à télécharger. Le
site du ministère des Finances (finance.gov.lb)
fournit des formulaires de déclaration fiscale
et des modes d’emploi de la régularisation fiscale.
Ces sites ne font qu’accélérer la procédure
administrative, mais la finalisation de la
transaction et le paiement se font toujours sur
place dans l’une des agences gouvernementales
concernées.
Bien que modeste, l’intégration du e-gov dans
les pratiques quotidiennes n’est cependant
plus au stade embryonnaire : le Liban a été
classé 74e sur 178 pays répertoriés par les
Nations unies selon l’indicateur du e-gov readiness
(prédisposition au e-gov).
Mais le e-gov ne sera vraiment fonctionnel
que s’il répond à une insistance de la part des
citoyens qui y trouveraient alors une solution
aux problèmes de lourdeur administrative et
de corruption. Encore faut-il que les mentalités
soient ouvertes. Cette tâche devrait se
faire à partir de la base de la hiérarchie sociale
et non pas en amont.
(*) Rayan Haykal fait partie du centre d’études CEDREC de
l’USJ, et Halim el-Khazen est étudiant (2e année) de la
faculté des sciences économiques de l’USJ. Les 2 textes
ont paru, dans des versions plus élaborées, dans Écolibre,
la revue biannuelle de la faculté.
C
Selon des études réalisées par l’Union
internationale des télécommunications, le
Liban a occupé la 67e place mondiale par
rapport à son accès aux NTIC et 5e parmi
17 pays arabes. L’indice a été calculé selon
une étude englobant l’infrastructure, les
coûts, le niveau de l’éducation, la qualité
des services, et l’usage de l’Internet. En
outre, le Liban a occupé la 1re place parmi
les pays arabes pour la pénétration des
lignes cellulaires et des services Internet
ainsi que pour l’utilisation des ordinateurs
personnels.
Cependant, en raisonnant au-delà de ces
statistiques, il est intéressant de noter que
l’usage intensif de l’Internet ou l’achat
régulier d’un nouveau portable n’implique
pas nécessairement que le niveau libanais
est supérieur, puisque la supériorité d’une
nation se mesure non seulement à partir de
ce qu’elle consomme mais surtout en fonction
de ce qu’elle produit et innove.
Malheureusement, en comparant avec le
Liban de 1975, le niveau de production
actuel est beaucoup trop faible, ce qui
implique que ce pays tend vers une société
de consommation qui perd sa créativité.
Aujourd’hui, le danger est donc de faire de
ces NTIC une finalité de consommation
alors qu’elles peuvent être un instrument
utile au service du producteur.
Halim el-Khazen – 2e année*
Les NTIC productives