Jeudi 16 juin, à Genève, les 183 membres de l'Organisation internationale du travail (OIT) ont adopté une Convention (189e) et des recommandations (201e) destinée à améliorer le sort des quelque 52 millions de travailleurs domestiques - des femmes à 83 % selon l’OIT - à travers le monde.
Pour la première fois, ces « invisibles », selon le terme de l'organisation Caritas, pourront être protégés par un instrument juridique international.
 
Pour que cette convention entre en vigueur, il faut que deux pays au moins la ratifie. Plusieurs, dont Les Philippines et l'Uruguay, ayant annoncé  leur intention de l'intégrer dans leurs lois internes.
 
En discussion depuis un an, ce texte a été adopté à l'occasion de la 100e assemblée de l'OIT, qui regroupe des représentants des gouvernements, des employés et des employeurs. Il a recueilli 396 voix en sa faveur, contre 16 « non » et 63 abstentions. Tous les pays arabes ont approuvé le texte. Sur les cinq représentants libanais, seul le délégué patronal a voté contre.
 
« Les Etats vont devoir étudier comment conformer leurs lois à cette convention s’ils souhaitent la signer. Il y a deux possibilités : inclure ces employé(e)s parmi les personnes protégées par le code du travail, ou établir une loi spécifique qui reprennent les points clefs de la convention », explique Simel Esim, spécialiste de l'égalité des sexes auprès du bureau régional de l'OIT à Beyrouth.
 
L'OIT estime que 22 millions de domestiques vivent et travaillent dans les pays arabes. Au Liban, elles sont 150.000 à 250.000 employées de maison, ce qui représente 10 à 15 % de la population active. Au regard de la loi, ces domestiques sont soumises au code des obligations et des contrats de 1932 ainsi que par la loi sur le travail des étrangers votée en 1984.
 
Un projet de loi spécifique sur l'emploi des domestiques étrangères a été présenté en mars 2011 par l’ancien ministre du Travail, Boutros Harb, au conseil des ministres. Ce projet prévoit 10 heures de travail quotidien, un repos nocturne continu de 9 heures et 6 jours de congés annuels. Aucun salaire minimum n’est prévu, ni de congé maternité. 
 
« A la lumière de la convention de l’OIT, certains articles du projet de loi libanais vont devoir aller plus loin. Ainsi des congés et de l’application d’un salaire minimum non discriminant », prévient Simel Esim.
 
Car la convention de l'OIT va bien plus loin que le timide projet de loi libanais : elle garantit à ces travailleurs un jour de repos par semaine, un salaire clairement défini (payable mensuellement au maximum), des conditions de travail et de logement décentes, un congé maternité similaire à celui des autres salariées ou encore une protection contre le harcèlement et les abus. La convention requiert aussi des gouvernements de vérifier que ces travailleurs comprennent les termes de leur contrat (écrit) et prévoit des mécanismes leur permettant de saisir la justice. Elle rappelle que ces employé(e)s bénéficient d’une liberté de mouvement et interdit la confiscation du passeport par les autorités ou par l’employeur, comme c’est le cas au Liban et dans les pays arabes, adeptes du système du Kafeel (garant).Enfin, elle leur octroie un droit d’association et de négociations collectives.
 
Pour leur part, les recommandations, qui ne donnent pas lieu à des poursuites judicaires si elles ne sont pas appliquées, rappelle en particulier leur droit à l’intimité : l’une d’entre elles exige ainsi que les employé(e)s de maison « ne soient en aucun cas tenus de se soumettre à un dépistage du VIH ou à un test de grossesse », comme c’est le cas au Liban.
 
Si le Liban signe cette convention, le projet de loi  de Boutros Harb ne tiendra pas en l'état. Il y a de forte chance qu'il faille, dans ce cas, intégrer les employées de maison parmi les catégories de personnel protégées par le code du travail.
 
Le nouveau ministre du Travail, Charbel Nahas, a d'ores et déjà annoncé vouloir réétudier le projet de loi de son prédécesseur.