Depuis la fin officielle de la guerre en 2003, le Kurdistan irakien a vu débarquer une trentaine d’entreprises libanaises venues participer à la (re)construction de cette région autonome du nord de l’Irak. Plus souvent opérateurs qu’investisseurs, les Libanais connaissent des fortunes diverses sur ce marché vierge, où il y a encore beaucoup à faire.

Depuis 2003 et surtout 2006, date de la promulgation d’une loi sur la libéralisation des investissements, le Kurdistan irakien attire de plus en plus d’investisseurs et d’opérateurs libanais. Ce marché en plein boom économique – et dans la capitale Erbil en particulier – a tout pour plaire aux Libanais prêts à affronter le revers de la médaille : absence de planification, administration à réformer, corruption, amateurisme.

Les Libanais focalisés sur les services

« Je recommande évidemment d’aller investir au Kurdistan ! s’exclame Carl Bistany, directeur du réseau d’écoles Sabis. Il y a tout à faire là-bas. Les bases mêmes du commerce doivent être établies. Le Kurdistan est un eldorado, car c’est un endroit où l’on peut faire la différence. L’environnement est si stimulant que tout le monde travaille 15 heures par jour ! »
Une trentaine de sociétés libanaises sont présentes aujourd’hui au Kurdistan. Elles opèrent principalement dans le secteur tertiaire, de la banque à l’éducation en passant par l’aménagement urbain, la distribution ou l’hôtellerie, où les professionnels libanais ont le mieux fait leurs preuves. Selon Chakib Chéhab, vice-président de Malia Holding, « les Libanais doivent miser sur le design, la créativité et les services. Les investissements dans l’industrie ne sont pas à conseiller : les Chinois et les Turcs sont mieux placés. »
La réussite de la société Noor Aviation, appartenant au Libanais Raymond Rahmé, à laquelle la gestion de l’aéroport international d’Erbil a été confiée, est ainsi donnée régulièrement en exemple. C’est aussi une entreprise libanaise, Dar al-Handasah (voir Focus Construction), qui a été choisie par le chef du gouvernement kurde Nechirvan Barzani pour établir le plan directeur de l’aménagement urbain d’Erbil sur les vingt-cinq prochaines années. Un projet d’une telle ampleur que Nabil Haddad, directeur des opérations de Dar al-Handasah, le qualifie « d’inquantifiable » à quelque niveau que ce soit : humain, financier, technique.
Si la construction s’impose comme un secteur économique phare, le tourisme présente aussi un fort potentiel : « Le besoin d’expertise dans ce domaine est immense, note Pierre Achkar, le président du syndicat des hôteliers libanais, qui, il y a un an et demi, a servi de consultant à un groupe d’investisseurs irakiens pour l’aménagement du Sleimaniyé Palace, un important hôtel à l’est de la région. « Les Libanais ayant un vrai savoir-faire dans ce domaine, ils se voient offrir de nombreuses opportunités », précise Achkar. Jusqu’à présent, l’étroitesse de l’offre hôtelière (seulement deux 5 étoiles aux normes internationales) avait entravé tout développement touristique, mais de nombreux projets d’hôtels de luxe en cours de construction devraient modifier la donne dans les années à venir.
Les Libanais commencent aussi à investir le secteur bancaire, prometteur sur le long terme. Ce n’est qu’en 2003 que le Kurdistan s’est ouvert au secteur privé dans ce domaine ; les banques privées irakiennes tentent de s’y développer, mais elles manquent d’expérience face à des concurrentes étrangères comme la Banque Byblos, l’Intercontinental Bank of Lebanon (voir Focus Banques) ou HSBC via la banque irakienne Dar es-Salam, dont elle détient 80 % du capital.

Le savoir-faire libanais fait des merveilles

Les sources de motivation sont multiples pour les Libanais intéressés par une expansion au Kurdistan, d’autant que beaucoup y trouvent des débouchés désormais absents au Liban-même.
Rizgar Zebari, directeur marketing d’Erbil International Exhibitions Company (EIEC), souligne en premier lieu le manque de compétences dont souffre le pays et auquel les Libanais répondent parfaitement, ne serait-ce qu’en raison de l’aura dont ils bénéficient au Kurdistan. « Bien que le personnel qualifié quitte Bagdad – où le taux de chômage est de 60 % – pour venir ici, nous souffrons d’un manque de ressources humaines pour mettre en œuvre notre développement. Le Kurdistan a besoin de marchandises et de savoir-faire dans de nombreux domaines, et les Libanais l’ont bien compris. »
Partenaire de Zebari dans l’organisation de la 3e Foire internationale d’Erbil fin octobre, le PDG du groupe libanais International Fair & Promotion (IFP) Albert Aoun abonde dans ce sens : « Les produits libanais sont très respectés au Kurdistan. Une ancienne affinité lie les deux peuples. Il ne faut pas oublier que dans les années 40-50 les Irakiens venaient estiver au Liban. » De l’avis général, la proximité des cultures entre le Liban et le Kurdistan est un atout essentiel – et parfois irrationnel – pour la bonne implantation des Libanais à Erbil. « Pour les Kurdes, le Liban est synonyme de beauté », renchérit Nizar Zakka, secrétaire général de UAIA (une ONG évoluant dans le secteur informatique).
Enfin, leur aptitude à évoluer sur des marchés difficiles constitue un atout supplémentaire pour les investisseurs libanais au Kurdistan. « Les Libanais excellent sur ce type de marché sortant d’un contexte de guerre et relativement anarchique. Ils savent ouvrir des portes qui resteraient fermées aux Occidentaux », ajoute Fadi Jreissati, directeur général adjoint d’IFP, qui organise du 29 octobre au 2 novembre la 3e Foire internationale d’Erbil.
Selon l’équipe d’IFP, les sociétés libanaises présentes à Erbil ont une belle marge de progression. Si la plupart d’entre elles sont de grands groupes (Khatib & Alami, ICC ou Dar al-Handasah dans la construction, Malia Holding ou Fattal dans la distribution par exemple), de petites et moyennes entreprises libanaises commencent elles aussi à s’implanter. C’est le cas, entre autres, de la société de sanitaires Habib Khoury, basée à Fanar. Fadi Jreissati et Albert Aoun constatent que « tout le monde peut se faire une place au Kurdistan qui a pris du retard dans tous les domaines après des décennies d’oppression sous le régime de Saddam Hussein. Les Kurdes sont souvent impressionnés par le savoir-faire des étrangers et les Libanais ont une carte à jouer ».

Un tremplin vers le reste de l’Irak ?

Si toute la région offre des opportunités, c’est surtout vers sa capitale Erbil que les Libanais se sont tournés. D’abord parce que, comme le déclare Carl Bistany, Erbil a le potentiel de devenir un carrefour intéressant pour toute la région. Ensuite parce qu’au Kurdistan, « le partage du territoire est net : Erbil aux Libanais, Sleimaniyé aux Turcs », précise Nizar Zakka. Selon ce dernier, les Libanais titulaires d’un permis de travail ne sont que 600 à Sleimaniyé (la ville la plus peuplée du pays avec 1,6 million d’habitants contre 1,3 million à Erbil), où les Turcs sont présents en force, mais ils sont 4 500 à Erbil, où leurs compétences sont extrêmement appréciées. Enfin, « 75 % du commerce vers l’Irak passe aujourd’hui par Erbil, affirme Nizar Zakka. C’est l’endroit où il faut être pour faire des affaires en Irak ».
L’installation à Erbil constitue un passage obligé vers le reste de l’Irak en attendant que le retour de la sécurité permette d’envisager une expansion, que ce soit pour les nouveaux arrivants en Irak ou ceux qui se sont repliés dans le Kurdistan, la situation à Bagdad étant devenue intenable. Ainsi, les libanaises Banque Byblos et Intercontinental Bank of Lebanon ont commencé leurs opérations au Kurdistan en attendant le feu vert pour partir à la conquête du marché irakien, autrement plus intéressant que le seul marché kurde limité à quatre millions d’habitants (contre 24 millions d’habitants sur l’ensemble du territoire). Dans le second cas de figure, al-Mared, filiale de Malia Holding, a déplacé son siège vers Erbil, tout en conservant ses entrepôts dans la capitale irakienne.
L’objectif du gouvernement autonome kurde est donc de faire de sa capitale – autrefois une ville prospère sur la route de la soie – un nouveau Dubaï à l’horizon 2030, et les Libanais apportent un réel savoir-faire dans cette entreprise de construction. « Dubaï, qui était auparavant un désert, a décollé il y a 30 ans », remarque Kamel Cabbabé, PDG de la société de graphic design Early Bird.
Mais l’instabilité du reste de l’Irak et de la frontière turque constitue une épée de Damoclès au-dessus de la tête des Kurdes et des investisseurs étrangers. « Il est très difficile de prévoir l’évolution du pays d’ici à cinq ans, reconnaît Semaan Bassil, directeur général de la Banque Byblos. Qui peut se permettre de faire un pronostic ? »



La longue marche vers la libéralisation économique

Entre 1980 et 1991, le régime de Saddam Hussein a annihilé toute velléité de prospérité au Kurdistan, réduisant volontairement à néant l’industrie et l’agriculture, et provoquant un exode rural massif. Le pouvoir central à Bagdad intègre alors une grande partie de la population dans l’Administration : aujourd’hui encore, plus d’un million de Kurdes sont fonctionnaires, sur une population de quatre à cinq millions d’habitants. Après la guerre du Golfe, la zone acquiert un semblant d’autonomie, avec la création d’un Parlement en 1992, mais la région continue de faire l’objet des brimades du régime de Saddam Hussein. Ainsi, sous le programme onusien “Pétrole contre nourriture”, l’Administration kurde ne touche pas sa part des revenus pétroliers correspondant aux quantités extraites de son sous-sol, ce qui entrave inévitablement son développement. Sur toute la durée du programme (1997-2003), quatre milliards de dollars doivent revenir au Trésor kurde qui ne reçoit finalement que 1,4 milliard de dollars en 2003 sur décision de l’Administration américaine en Irak. En 2004, le nouveau gouvernement central de Bagdad, sous l’impulsion américaine, prévoit le partage des revenus pétroliers irakiens entre les différentes régions. Le Kurdistan se voit attribuer, sur le papier, 17 % des revenus du pays. Une manne virtuelle, car Bagdad ne débloque toujours pas les fonds. Pourtant, le gouvernement kurde, comptant sur ce pactole et sur l’aide financière de la communauté internationale, a déjà lancé la machine et initié de vastes travaux d’infrastructures (routes, électricité, eau…), rêvant de faire d’Erbil un nouveau Dubaï d’ici à 25 ans. « La région était moyenâgeuse à l’époque, se souvient un banquier libanais installé à Erbil. La piste de l’aéroport était même en terre battue ! Depuis, le visage de la capitale Erbil change d’un mois sur l’autre, tant il y a de chantiers et de grues. »
Un premier boom économique intervient et la croissance du PIB kurde passe de -3,4 % en 2001 à près de +10 % en 2004. Mais en 2006, confronté au blocage financier de Bagdad et à un manque crucial de liquidités, le gouvernement autonome d’Erbil change de stratégie de développement : il freine l’investissement public tout en lançant une vaste opération de séduction vers le secteur privé. La loi sur les investissements étrangers est votée en juillet 2006, libéralisant à outrance le marché ; les ministères bénéficient d’une relative autonomie de décision et établissent de véritables partenariats avec les investisseurs privés qu’ils incitent à financer eux-mêmes divers projets de grande ampleur (universités, laboratoires, etc.). La ruée vers l’eldorado kurde est lancée.



Le règne de la démesure

« L’autre Irak », « Une ouverture pour les investissements en Irak », « La plus grande opportunité au monde pour les investisseurs »... Depuis mai 2003 et la fin officielle de la guerre en Irak, l’Administration américaine n’a pas lésiné sur les plans marketing pour vendre le Kurdistan aux investisseurs occidentaux (américains en premier lieu) et pour le distinguer des autres régions irakiennes en plein chaos. Depuis quatre ans, Washington considère la région nord de l’Irak comme un tube à essai pour le reste du pays. Tout est mis en œuvre pour en faire un “paradis capitaliste”. Et cela fonctionne apparemment bien, à en croire Jalal Talabani, le président irakien, un Kurde, qui affirme avec fierté que le nombre de millionnaires (en dollars) est passé de 12 à 2 000 depuis 2003 rien qu’à Sleimaniyé, l’une des plus grandes villes de la région. C’est surtout dans le secteur de la construction que s’illustre l’explosion économique kurde : en mars 2007, 44 % des 4 610 sociétés inscrites au registre du commerce kurde opéraient dans ce domaine, où les projets immobiliers sont souvent pharaoniques. À Dohuk, l’une des principales villes du Kurdistan irakien, le supermarché Mazi, le plus grand d’Irak avec ses 7 000 m2, sort de terre. En plein centre d’Erbil, le centre commercial Nishtiman, est en cours de construction. Budget annoncé : un milliard de dollars.
« Le Kurdistan est un paradis pour les investisseurs, lance Rizgar Zebari, directeur marketing d’Erbil International Exhibitions Company (EIEC). C’est une région qui promet des retours sur investissements colossaux. Tout reste à faire, nous sommes en plein essor économique. »



La loi de 2006 sur les investissements étrangers

En juillet 2006, le Parlement kurde a voté une loi destinée à faciliter les investissements étrangers au Kurdistan.
Elle vise 10 secteurs d’activité :
• Industrie et usines électriques.
• Agriculture.
• Tourisme.
• Santé et environnement.
• Science et technologie.
• Communications et transports.
• Banques et assurances.
• Construction et réhabilitation.
• Zones franches.
• Éducation.

Elle prévoit :
• Une exemption fiscale totale durant 10 ans à partir de la mise en service du projet.
• Une exemption des taxes douanières sur les biens d’équipement importés servant à la mise en œuvre du projet.
• Une exemption des taxes douanières sur les matériaux bruts importés pendant les cinq premières années d’activité.
• Des exemptions supplémentaires sont prévues pour les investissements étrangers dans des zones sous-développées du Kurdistan ou dont le but est de mettre en place une joint-venture avec des partenaires locaux.
• La possibilité pour les investisseurs étrangers d’être actionnaires à 100 % dans leur projet.
• La possibilité pour les investisseurs étrangers de rapatrier la totalité de leurs bénéfices acquis au Kurdistan.

Cette loi ne fait pas l’unanimité au Kurdistan. Selon ses détracteurs, elle participe d’une stratégie économique américaine pour vampiriser le pays à moindre coût. Le texte serait, selon eux, le prolongement de l’instauration du “nouveau dinar” irakien en octobre 2003 qui, en favorisant les investissements étrangers, pénaliserait l’économie kurde à long terme, en raison de la faiblesse du taux de change imposée par les Américains (un dollar = 1 240 dinars irakiens).


Le pétrole, pierre angulaire du futur

Le fonctionnement de l’économie kurde est actuellement assez simple : ses ressources proviennent quasi exclusivement de ses gisements d’hydrocarbures, alors que ses dépenses sont presque totalement consacrées à l’importation de biens de consommation courante. Le gouvernement autonome du Kurdistan estime ses réserves d’or noir à 45 milliards de barils (sur les 115 milliards de réserves globales irakiennes) et à 100 000 milliards de mètres cubes de gaz. Un trésor utilisé comme hameçon pour appâter les compagnies pétrolières étrangères. Pour l’instant, l’instabilité sécuritaire et politique régnant dans le reste du pays freine l’appétit des sociétés américaines, mais quatre compagnies (venant de Norvège, du Canada, de Turquie et du Royaume-Uni) prospectent au Kurdistan. Selon le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani, les investisseurs étrangers auraient déjà dépensé 100 millions de dollars en prospection pétrolière depuis 2003. En 2005, le groupe turc Genel Enerji (associé au suisse Addax), a signé un contrat sur 25 ans avec le gouvernement kurde pour exploiter le site de Taq Taq. La production y débutera à la fin de l’année, avec comme objectif 30 000 barils par jour. La réserve de Taq Taq est estimée à 1,2 milliard de barils, soit 2,5 % de la réserve de la province. D’ici à 2012, la production kurde devrait s’élever à 1 million de b/j et la production globale irakienne à 6 millions de b/j. À titre comparatif, la production actuelle de l’Arabie saoudite, nº 1 au monde avec 13 % de la production mondiale, tourne autour de 9,5 millions de b/j.
Le contrat signé avec les compagnies étrangères stipule que, selon un système de partage de production, le gouvernement percevra une part de 20 % des revenus qui seront alors partagés avec les autres régions de l'Irak.
L’Irak est dans une situation paradoxale : le pays est assis sur les troisièmes réserves mondiales, mais il reste obligé d’importer du pétrole, la production n’ayant pas retrouvé son niveau d’avant l’invasion américaine de 2003 pour cause d’infrastructures défaillantes ou sabotées. Le partage du pactole pétrolier irakien est une affaire compliquée. Le gouvernement central de Bagdad a présenté une loi en juillet dernier sur la répartition des revenus de l’or noir entre les 18 provinces du pays. Le Kurdistan est censé recevoir 18 % de cette manne, mais des détails bloquent encore l’application de cette loi, en particulier sur le partage des revenus de futurs forages encore non découverts. Jusqu’à présent, Erbil ne touche que 8,4 % des revenus pétroliers, Bagdad justifiant cette amputation par le règlement de “dépenses de souveraineté”. « Nous ne recevons pas notre part des revenus de Bagdad. On peut l’attribuer soit à un manque de volonté politique, soit à leur incompétence », déclare Khalid Salih, porte-parole du gouvernement kurde.



La Barzani connection

Depuis leur retour au Kurdistan en 1991, les membres de la famille Barzani contrôlent la vie politique et économique de la région autonome. Après une guerre civile entre deux partis politiques dirigés par deux de ses membres, la famille Barzani – aujourd’hui fidèle alliée de Washington – s’est ressoudée au moment des élections de janvier 2006, se partageant les pouvoirs : le leader du PDK Massoud Barzani est devenu président, tandis que son neveu Nechirvan (leader de l’UPK) a pris le poste de Premier ministre. Le duo règne en maître sur une quarantaine de ministères. D’autres membres de la famille occupent des postes à responsabilité, dans le public comme dans le privé : l’oncle du président, Hoshyar Zebari, est ministre des Affaires étrangères, plusieurs cousins sont ambassadeurs ou propriétaires d’entreprise dans les secteurs des télécoms ou de la construction.
Selon le Middle East Forum (une association américaine néoconservatrice), la famille Barzani serait à la tête d’une fortune de deux milliards de dollars. Cette mainmise sur le Kurdistan serait accentuée par le manque de transparence des comptes de l’État, par la corruption, les détournements d’aides étrangères et par l’absence de libertés (individuelle ou d’expression). Toujours selon le MEF, l’attribution de projets sensibles à des entreprises étrangères serait tributaire de l’adjonction d’un “ghost partner” issu de la famille Barzani.



Construction : Les Libanais, bâtisseurs du futur Erbil

Tout est à construire au Kurdistan. En 2006, les investissements dans ce secteur économique se sont élevés à 1,5 milliard de dollars (4,4 milliards sur les quatre dernières années). Plus de 40 % des sociétés inscrites au registre du commerce d’Erbil évoluent dans ce domaine. Dans ce paysage où les grues poussent comme des champignons, les sociétés de construction et d’ingénierie libanaises comme Dar al-Handasah, ACC et Malia Holding sont très bien placées pour les grands chantiers, alors que la concurrence turque vise des chantiers de moindre importance.

Dar al-Handasah : « Nous dessinons l’Erbil de 2030 »

Date d’installation en Irak : 2004
Date d’installation au Kurdistan : 2005
Principaux clients au Kurdistan : gouvernement autonome kurde, Korek Telecom, Banque mondiale, Alfagate
Nombre d’employés au Kurdistan : 20 architectes et ingénieurs
Chiffre d’affaires au Kurdistan : NC
Part du chiffre d’affaires au Kurdistan dans le chiffre d’affaires global de la société : NC

Chez Dar al-Handasah, on voit les choses en grand. Cette société libanaise de construction est responsable du plan directeur de la ville d’Erbil, qui sera au final un grand cercle de 30 km de diamètre. « Nous avons dessiné la ville dans 25 ans, en estimant sa population à 2,5 millions d’habitants. Nous prévoyons tout : l’emplacement des habitations, des industries, les infrastructures pour l’eau, l’électricité, le pétrole… », explique Nabil Haddad, directeur des opérations en Irak.
Opératrice en ingénierie et en design architectural, cette entreprise libanaise se félicite de sa présence en Irak où elle a commencé à travailler il y a 40 ans avant de s’en retirer à la fin des années 90. Dar al-Handasah est revenu sur ses pas en 2004, ouvrant un premier bureau de représentation à Bagdad, puis un autre à Erbil en 2005. « Nous avons réalisé 200 plans pour la région d’Erbil, en mélangeant les influences occidentales et orientales, explique Haddad. Un cabinet européen n’aurait pas pu faire le même travail, la force des Libanais est de comprendre la culture kurde. » C’est d’ailleurs cette culture commune qui a poussé les Kurdes à faire appel à Dar al-Handasah. « Les membres du gouvernement kurde, en visite à Beyrouth, ont vu Solidere et ont voulu confier les plans de leur capitale au même cabinet, se souvient Haddad. C’est aussi simple que cela. »
Les clients de Dar al-Handasah sont principalement institutionnels : le gouvernement central irakien, mais aussi le gouvernement autonome kurde et la Banque mondiale, pour laquelle la firme libanaise réalise en ce moment les plans de deux grandes tours en plein centre-ville d’Erbil. La société libanaise travaille également pour des clients privés comme la firme pétrolière anglaise Alfagate ou la compagnie kurde de téléphonie mobile, Korek Telecom. Sur le terrain, Dar al-Handasah se spécialise donc dans les grands projets comme, par exemple, la construction de l’université américaine de Sleimaniyé (budget : 140 millions de dollars), qui accueillera à terme 5 000 étudiants. Cette construction se fera en quatre phases, la première devant être achevée pour la rentrée 2008.
Mais pour Dar el-Handasah, le Kurdistan n’est pas une fin en soi. L’entreprise développe déjà d’autres projets dans le reste de l’Irak, comme des centrales électriques à Bagdad et au Sud, ainsi que d’autres plans directeurs pour des villes du Sud.

Malia Holding : « Un investissement risqué, mais payant à long terme »

Malia, Construction & Télécommunications (MCT)
Date d’installation en Irak : 1997
Date d’installation au Kurdistan : 2003
Principaux clients au Kurdistan : hôtels, ministères de la Santé et des Affaires sociales
Nombre d’employés au Kurdistan : NC
Chiffre d’affaires au Kurdistan : 75 millions de dollars
Part du chiffre d’affaires au Kurdistan dans le chiffre d’affaires global de la société : NC

Présente à Bagdad depuis 1997, Malia Holding opère en Irak dans deux secteurs, dont la construction à travers sa société Malia, Construction & Telecommunications (MCT) qui réalise un chiffre d’affaires annuel de 75 millions de dollars.
C’est en 2002 que la société libanaise commence à s’intéresser au nord de l’Irak, avec un premier projet de réhabilitation d’un hôtel à Mossoul. L’année suivante, MCT s’installe dans la capitale kurde et reprend un projet laissé en jachère depuis de nombreuses années : le fameux hôtel que la chaîne internationale Sheraton avait initié dans les années 80. MCT termine alors les travaux dans cet immense bâtiment, resté à l’état de squelette de béton. L’Irbil International Hotel – l’un des deux seuls hôtels 5 étoiles aux normes internationales actuellement à Erbil – voit le jour. « Nous misons sur le Kurdistan, explique Chakib Chéhab, vice-président de Malia Holding. C’est un investissement risqué, mais probablement payant à long terme. »
Dans le domaine de la construction, MCT travaille autant pour le secteur public que pour le secteur privé. Pour ce dernier, l’hôtellerie représente le plus vaste marché. Selon Chéhab, la construction au Kurdistan ressemble un peu à celle du Liban en 1990 : il y a tout à faire. Par exemple, il existe très peu d’hôtels, qui sont petits et chers. Ainsi, MCT vient de débuter la construction d’un nouvel hôtel 5 étoiles de 205 chambres, pour un investissement de 55 millions de dollars. Malia Holding a signé début septembre un accord de partenariat avec Rotana Hotels pour le management de cet hôtel, qui devrait être livré en octobre 2009. « Pour les hôtels de grand standing, il y a encore de la place : dans l’idéal, il en faudrait six ou sept à Erbil. Nous avons également deux autres projets en cours, dont un complexe de 400 habitations », ajoute Chéhab. La question des habitations individuelles est plus complexe, dans une ville où les habitants n’ont aucun moyen. Selon les professionnels du secteur, le prix du mètre carré est passé de 15 à 2 000 dollars en seulement trois ans. « Les prix de l’immobilier sont exorbitants, d’autant qu’à Erbil, les immeubles sont très bas. La capitale aurait besoin de 400 000 unités d’habitation », poursuit Chéhab. Un chiffre bien au-delà des prévisions, qui parlent de 205 500 unités d’habitation à l’horizon 2011 (voir tableau Construction), selon la conférence sur les échanges commerciaux entre les Émirats arabes unis et le Kurdistan irakien.
Côté secteur public, la demande est également vaste et renouvelée sans cesse par un État prenant en charge la construction des grandes infrastructures. MCT s’est imposé comme l’un des opérateurs incontournables pour le gouvernement autonome kurde. La filiale de Malia Holding travaille donc énormément avec les ministères. Par exemple, MCT a livré clés en main un hôpital pour cancéreux de 880 lits pour celui de la Santé. Ce même ministère a commandé un laboratoire de contrôle de qualité pour les industries agroalimentaire et pharmaceutique. Actuellement en période de tests, ce dernier ouvre officiellement en octobre 2007. MCT travaille également sur un centre pour malentendants et malvoyants, pour le compte du ministère des Affaires sociales… Dans le privé comme dans le public, les 25 prochaines années sont synonymes de vastes chantiers. Malia Holding a donc encore de quoi se retrousser les manches.

Joe Ingea, architecte indépendant : « Un marché difficile »

Début d’activité au Kurdistan : 2005
Principaux clients au Kurdistan : Emerald Bank
Nombre d’employés au Kurdistan : 0
Chiffre d’affaires au Kurdistan : NC
Part du chiffre d’affaires au Kurdistan dans le chiffre d’affaires global de la société : 30 %

« Je réalise actuellement 30 % de mon activité au Kurdistan irakien », assure Joe Ingea, architecte indépendant à la tête d’un petit cabinet beyrouthin. C’est la situation “catastrophique” du secteur libanais de l’architecture – un domaine devenu frustrant selon lui – qui l’a poussé à regarder si l’herbe était plus verte ailleurs, de Ryad à Abou Dhabi, en passant par l’Autriche. « J’ai rencontré un banquier irakien en septembre 2005, se souvient-il. Il m’a proposé une collaboration, mais j’étais partagé entre crainte et enthousiasme. »
Joe Ingea se lance finalement dans le projet : le design du siège social de la banque irakienne Emerald, en partenariat avec un cabinet d’architecte local, Sardar. Mais la façon de travailler au Kurdistan ne s’avère pas aussi idyllique que prévu : « Erbil compte de nombreux projets immobiliers, souvent hors normes, qui sont très jolis sur le papier, mais calamiteux au final. Rien n’est planifié. Pour notre première expérience, le travail sur le terrain a été compliqué. Les Kurdes ont envie de bien faire, mais ils manquent de compétence. C’est un marché difficile, même si la concurrence est faible : il n’y a pas d’architectes locaux, il y a surtout des Turcs. Malgré tout, j’ai décidé de continuer de travailler là-bas, mais seulement projet par projet. Rien ne sert de s’emballer. Même si la situation est mauvaise au Liban, elle n’est pas meilleure au Kurdistan. »
Actuellement, le cabinet de Joe Ingea travaille sur un second projet, un hôtel dont la construction coûtera 10 millions de dollars. « Le business-plan est encore en cours d’élaboration, et je vais être très prudent là-dessus », affirme l’architecte.


Banques : Le secteur bancaire découvre l’ère du privé

Après des décennies d’étatisation du secteur bancaire, le Kurdistan irakien s’est ouvert au secteur privé à partir de 2003. Une trentaine de banques locales fraîchement privatisées tentent de moderniser leurs services, leurs nombreuses carences ayant permis aux banques étrangères de s’installer au Kurdistan. Mais les difficultés ne manquent pas sur ce marché en friche, car la population kurde reste très méfiante et préfère les transactions en liquide à des modes plus modernes. Plusieurs banques libanaises ont tenté l’aventure.

Intercontinental Bank of Lebanon : « Le secteur privé se porte très bien »

Date d’installation en Irak : 1994
Date d’installation au Kurdistan : 2003
Principaux clients au Kurdistan : des investisseurs et des banques privées irakiens
Nombre d’employés au Kurdistan : 37
Capital : 64 millions de dollars
Bilan : 1,6 milliard de dollars
Dépôts : 1,4 milliard de dollars

Une stratégie à long terme. Voilà comment résumer la façon d’aborder l’Irak à l’Intercontinental Bank of Lebanon (IBL). L’histoire a commencé en 1994. Lors du programme de l’ONU “Pétrole contre nourriture”, la banque libanaise s’associe avec sa consœur française BNP Paribas et développe des liens avec l’Irak de Saddam Hussein. L’IBL découvre alors un marché bancaire sous-développé, où quelques banques privées embryonnaires vivotaient dans un pays où l’État avait la mainmise sur le secteur bancaire. En 2003, avec la chute du régime, l’IBL souhaite se placer avantageusement en Irak et choisit directement le Kurdistan. « Nous avons voulu être au plus près des affaires en cours en Irak, explique Samir Tawilé, directeur central de l’IBL. Un représentant de notre banque est donc resté à Erbil, puis nous avons posé une demande de permis pour officialiser cette présence. Notre bureau d’affaires a ouvert officiellement en 2005, puis nous avons obtenu un permis pour ouvrir des agences en 2006. La banque est donc opérationnelle depuis septembre. »
Durant cette première période d’approche (2003-2005), l’IBL a focalisé son activité sur l’aide aux banques irakiennes désireuses de promouvoir leurs relations internationales. « Nous nous efforcions également de sensibiliser petit à petit les hommes d’affaires irakiens à la culture bancaire. Pour l’anecdote, j’ai vu un businessman payer une livraison de blé avec des palettes entières remplies de sacs de billets de banque », se souvient Samir Tawilé en souriant.
Aujourd’hui, la banque possède des bureaux à Erbil (trois employés libanais), à Sleimaniyé (deux Libanais) et à Dohuk (deux Libanais). Une trentaine d’employés locaux complètent l’équipe. « Pour nos salariés irakiens, nous faisons de la formation sur les produits bancaires (principalement les lettres de crédit), poursuit Samir Tawilé. Nous avons même ouvert une école d’anglais pour eux. » Selon l’IBL, le marché kurde est très prometteur : « Le flux d’argent in et out à travers les banques opérantes au Kurdistan s’est élevé à plus d’un milliard de dollars en 2006. Pour les années à venir, nous nous attendons à réaliser plusieurs milliards », sans préciser combien. Toujours est-il que Samir Tawilé parie avec conviction sur le développement du secteur privé face à un secteur public en plein ralentissement. Selon lui, le besoin en investissements va grandissant pour les échanges commerciaux, pour l’immobilier (surtout dans le secteur touristique) et dans l’agroalimentaire.
Pour l’IBL, le Kurdistan est également une porte d’entrée vers le reste du territoire irakien. La banque a déjà obtenu son permis pour opérer à Bagdad et à Bassora. « Rien n’est opérationnel de ce côté-là, mais nous sommes prêts au cas où la situation sécuritaire s’améliore », assure Tawilé.

Banque Byblos : « Mieux vaut commencer petit »

Date d’installation en Irak : 2007
Date d’installation au Kurdistan : 2007
Principaux clients au Kurdistan : ONG, multinationales, entreprises locales, particuliers fortunés
Nombre d’employés au Kurdistan : 15
Capital : NC
Bilan : NC
Dépôts : NC

« À la base, nous voulions nous installer à Bagdad, mais la situation sécuritaire ne l’a pas permis, explique Semaan Bassil, directeur général de la Banque Byblos. Nous avons donc ouvert notre première branche à Erbil au début du mois de juin dernier, deux autres devraient suivre d’ici à fin 2008. L’expansion vers Bagdad dépendra de la sécurité dans le reste du pays. » Comme de nombreuses banques libanaises, la Banque Byblos – qui dispose de 6,7 milliards de dollars de dépôts – a choisi de sortir de ses frontières : elle est présente au Soudan depuis trois ans, en Syrie depuis l’an passé et recherche constamment des marchés vierges à fort potentiel de croissance. « Nous diversifions géographiquement les risques en créant une synergie dans toute la région, poursuit Bassil. En Irak, nous avons donc choisi de commencer petit. Nous n’avons pas mis de fonds propres comme la loi kurde l’exige. Ce n’est pas une filiale, mais une agence de la société libanaise. Mais notre but à long terme est de transformer le réseau créé en filiale. »
La Banque Byblos a donc investi plusieurs millions de dollars, avec l’achat d’un terrain et la rénovation d’un immeuble à Erbil. Elle emploie une trentaine d’employés locaux et envoie régulièrement des expatriés ayant une expertise pour former le personnel irakien.
La Banque Byblos a donc choisi de commencer “petit”, dans un pays dont la population n’a aucune culture bancaire. Il a ainsi fallu adapter sa stratégie à ce marché particulier. La banque vise ainsi les grosses entreprises locales afin de les connaître et de connaître le marché à travers elles. Pour le détail et les prêts aux particuliers, elle cible en priorité les employés de ces grosses entreprises, les petites et moyennes entreprises ne se familiarisant que très lentement à la culture bancaire moderne.
Selon Semaan Bassil, le marché kurde semble très prometteur avec 5 millions d’habitants, la concurrence y étant quasi inexistante : les banques privées locales ne se sont développées qu’après 2003, car sous Saddam Hussein il n’y avait que des banques étatiques. Pour l’instant, les marges sont très élevées, les taux d’intérêt étant supérieurs à ceux pratiqués au Liban en raison des risques.
Parallèlement, la Banque Byblos travaille avec les multinationales et les ONG implantées au Kurdistan pour les transferts d’argent et les lettres de crédit, et compte jouer les intermédiaires pour les banques irakiennes souhaitant développer leurs activités hors de leur pays.

Banque Audi : « Nous avons préféré nous désengager »

Comme de nombreux acteurs économiques libanais, la Banque Audi s’est sérieusement penchée sur la question de l’Irak après la chute de Saddam Hussein en 2003. Très sérieusement même, au point de poser une demande auprès de la Banque centrale à Bagdad, afin d’opérer sur tout le territoire irakien, en commençant par le Nord et le Sud, avec pour objectif de transformer cette première présence en véritable filiale.
En 2004, une licence en poche pour toutes les régions irakiennes, la Banque Audi a fait un tour de table avec des partenaires irakiens potentiels, dont certains actionnaires actuels de la Banque Audi. Le capital requis était de 50 milliards de dinars irakiens (environ 40 millions de dollars). « Nous n’attendions plus que l’heure H au niveau politique et sécuritaire, car les études à l’époque n’étaient pas aussi pessimistes qu’aujourd’hui. En 2006, nous avons décidé de limiter notre présence au seul Kurdistan. Notre directeur exécutif sur place a alors établi un plan financier pour Erbil, prévoyant le recrutement de 30 universitaires kurdes et leur formation en Jordanie. Mais la situation ne s’améliorant pas dans le reste de l’Irak, nous avons préféré nous désengager totalement. »
L’aventure irakienne est donc suspendue pour la Banque Audi, qui concentre actuellement son expansion sur d’autres marchés à fort potentiel, comme l’Algérie et la Tunisie.



Transports : La concurrence est rude, sur terre comme dans les airs

Avec deux aéroports internationaux construits depuis 2003 à Erbil et Sleimaniyé, le Kurdistan s’est ouvert au monde. Signe que la région intéresse de plus en plus les investisseurs étrangers, la compagnie autrichienne Austrian Airlines vient d’ouvrir la première liaison directe entre une capitale européenne et Erbil. Sur terre, les grands travaux d’infrastructure et la sécurité ont porté leurs fruits : le transport routier est le premier vecteur de commerce, depuis la Turquie, l’Iran, la Syrie et vers le reste du pays. Le secteur des transports est donc très concurrentiel et les sociétés libanaises désireuses de percer le marché kurde doivent viser des niches très spécialisées.

Flying Carpet : « Le taux d’occupation a beaucoup augmenté depuis 2003 »

Début d'activité vers le Kurdistan : 2003
Principaux clients au Kurdistan : hommes d’affaires, journalistes, frêt aérien
Nombre d’employés au Kurdistan : NC
Chiffre d’affaires au Kurdistan : NC
Part du chiffre d’affaires au Kurdistan dans le chiffre d’affaires global de la société : 50-55 %

L’histoire ne vient pas des Mille et une nuits, mais l’ascension de Flying Carpet tient tout de même du conte de fées. Pharmacien, passionné d’aviation, Mazen Bissat passe sa licence de pilotage et achète un avion de quatre places en 2001, « juste pour mon plaisir ». Puis il acquiert un jet de 19 places pour faire des liaisons charter vers la Turquie, l’Égypte, la Grèce, l’Iran… Il loue alors son avion à des hommes d’affaires, des chanteurs en tournée, pour 1 500 dollars de l’heure, tous services compris. L’invasion de l’Irak intervient au printemps 2003, et la jeune compagnie se lance dans les liaisons Beyrouth-Bagdad, puis Beyrouth-Erbil depuis que la capitale kurde s’est dotée d’un aéroport international. Ses cibles ? Les journalistes pendant la guerre, puis les businessmen libanais, américains et européens dès la fin officielle du conflit. « Le taux d’occupation des vols a beaucoup augmenté depuis 2003, affirme Bissat, PDG de Flying Carpet, car beaucoup de sociétés ont déménagé au Kurdistan à cause de la situation sécuritaire à Bagdad. »
Les deux Boeing de la compagnie libanaise sont les seuls à proposer des vols directs vers Erbil à partir de Beyrouth. Ils opèrent deux rotations par semaine (les mardis et vendredis) et transportent, outre des passagers, du fret (fleurs, équipement de cuisine, imprimés bancaires…). « Notre objectif est de passer à trois rotations, plus une vers Sleimaniyé, qui se trouve à trois ou quatre heures de voiture d’Erbil », explique le PDG de Flying Carpet, qui affiche un capital de quatre millions de dollars. À cause de la concurrence des vols avec escale (principalement via Amman en Jordanie), le prix des billets Beyrouth-Erbil a chuté l’année dernière : de 1 000 dollars aller-retour, il est tombé à 650 dollars cette année.
La compagnie aérienne est en pleine expansion : de 30 employés en 2006, elle est passée à 65 cette année. Depuis peu, elle dessert depuis Beyrouth plusieurs villes en Europe (Hanovre, Berlin, Malmö). « Avant notre développement vers l’Europe, l’Irak représentait 75 % de notre activité, avance Bissat. Maintenant, la part de cette destination est tombée à 50-55 % de notre chiffre d’affaires. »

Carrosserie Abillama : « La concurrence turque est trop forte »

Date d’installation en Irak : 1999 puis retrait partiel en 2003
Principaux clients au Kurdistan : Scania et ministères kurdes
Nombre d’employés en Irak : 0
Nombre d’employés en Irak par une société partenaire : 40
Chiffre d’affaires au Kurdistan : 350 000 dollars
Part du chiffre d’affaires au Kurdistan dans le chiffre d’affaires global de la société : moins de 5 %

Prudence est mère de sûreté, à écouter Daniel Abboud, directeur général de la société libanaise Carrosserie Abillama, carrossier constructeur de superstructures pour camions (remorques, semi-remorques, bennes…) et fournisseur officiel de Renault et Scania pour le Moyen-Orient.
Aujourd’hui, la situation sécuritaire en Irak pèse beaucoup sur l’activité du carrossier libanais, qui réalise 97 % de son chiffre d’affaires à l’international. « En 2001, pendant la période “Pétrole contre nourriture”, nous avons réalisé en Irak 6 millions de dollars de chiffre d’affaires. Nous sommes tombés à 600 000 dollars aujourd’hui, déplore Abboud. Les difficultés sont multiples : le gouvernement, qui est notre principal client car lié directement à Scania, commande moins de camions équipés et nous avons du mal à vendre aux opérateurs privés, car les termes de paiement sont plus risqués. Nous restons bien évidemment à Bagdad (où la société a ses ateliers