Ni la situation économique morose ni la crise politique n’ont eu raison de leur détermination à rester au Liban. Certains cadres ne cèdent pas au “chant des sirènes” et font le choix délibéré de ne pas s’expatrier, au point d’apparaître comme des exceptions, alors qu’un nombre incalculable de Libanais qualifiés vont chercher fortune dans le Golfe ou ailleurs.
Recherchés pour leurs qualifications, les cadres salariés ont la particularité de représenter une ressource humaine facilement exportable, contrairement aux dirigeants d’entreprises familiales dont l’attachement au Liban est de nature économique ou encore à ceux qui exercent des professions libérales pour qui il est plus difficile d’abandonner une clientèle.
Fortement sollicités par des chasseurs de têtes, des petites annonces… dans un environnement où l’expatriation est quasiment devenue une règle – comme le prouve le creux de la pyramide des âges dans la tranche qui les concerne –, les cadres libanais sont tous confrontés un jour ou l’autre à la nécessité de choisir.
La décision de “rester” est parfois d’ordre patriotique et politique. Mais les motivations correspondent le plus souvent à un arbitrage rationnel prenant aussi bien en compte des éléments de la vie familiale et sociale que des facteurs purement professionnels. Une troisième catégorie de cadres particulièrement privilégiés opte pour le Liban, car ils y conservent non seulement le cadre familial et social qui leur plaît mais ils ont aussi la chance d’appartenir à des entreprises très dynamiques dont les plans de carrière et les salaires n’ont presque rien à envier à leurs pairs régionaux ou internationaux.
Le Liban est toujours victime d’une hémorragie de ressources humaines vers les pays du Golfe, mais les cadres et les cadres supérieurs réfléchissent désormais à deux fois avant d’accepter une offre s’ils doivent se déplacer en famille. « La mobilité est plus difficile qu’il y a deux ou trois ans en raison de l’inflation », explique Costa Doumani, PDG de la société de consultants Mavens, qui est aussi spécialisée dans le recrutement de cadres supérieurs.
Les loyers ont particulièrement flambé, tandis que la scolarisation des enfants coûte trois fois plus cher qu’au Liban. Pour des expatriés qui viennent d’Europe, cette inflation est encore acceptable, car elle est perçue comme un substitut à l’impôt, mais pour certains cadres libanais, qui cherchent aussi à se constituer une épargne, les conditions sont de moins en moins alléchantes, explique Doumani. « Tout est fait comme si la politique de Dubaï consistait à ce que les salaires versés soient entièrement dépensés sur place. »
Pour les couples mariés, l’évaluation des conditions financières – qui prennent aussi en compte le salaire du conjoint si mari et femme travaillent – s’ajoute donc à des considérations plus personnelles comme l’environnement dans lequel ils souhaitent éduquer leurs enfants.
Les cadres et surtout les cadres supérieurs sont généralement plus exigeants que les plus jeunes ou les célibataires qui sont prêts à tenter l’aventure sans arrière-pensée, dit Patricia Zaher, directrice des ressources humaines au Near East Consulting Group. Il faut que l’offre soit qualitativement et financièrement suffisamment attractive pour qu’ils renoncent à ce que beaucoup considèrent comme « un cadre de vie unique » au Liban.
« Ils placent la barre très haut. À Dubaï par exemple, il faut que l’offre représente deux fois leur salaire au Liban et que le “package” comprenne le logement, la scolarisation des enfants et des billets d’avion », poursuit-elle.
D’autant qu’avoir le statut de cadre ou de cadre supérieur signifie pour un Libanais qu’il s’est déjà ménagé une situation professionnelle acceptable, alors que les candidats les plus nombreux au départ sont les jeunes nouveaux entrants sur le marché du travail, ou en tout début de carrière, car ils ne trouvent pas d’emploi correspondant à leurs aspirations.
Ces derniers sont tentés par une expérience régionale pour enrichir leur CV. « Un employé qui touche 800 à 1 000 dollars est prêt à quitter le Liban pour 1 500 dollars, si le package comprend les allocations pour le logement », affirme Patricia Zaher.
Ceux pour qui il est quasiment exclu d’aller chercher ailleurs si l’herbe est plus verte sont les cadres d’entreprises entrées, à partir du Liban, dans l’ère de la régionalisation et de la mondialisation. Il s’agit des équipes dirigeantes des filiales libanaises de multinationales, mais aussi d’entreprises entièrement “Made in Lebanon” qui réussissent, car elles sont tournées vers l’extérieur.
Les premières sont de moins en moins nombreuses, une vague de délocalisation à Beyrouth ayant été interrompue par la crise. « Je connais plusieurs sociétés basées à Dubaï qui envisageaient d’établir au Liban leur staff dirigeant, composé essentiellement de Libanais, car l’émirat est en train de se transformer en centre de loisirs et de divertissement, plutôt qu’en centre d’affaires », explique Doumani.
Les secondes en revanche ont tendance à se multiplier. Le secteur bancaire qui est le plus médiatisé en est l’exemple, mais il est loin d’être le seul. « Bien que basés au Liban, ces cadres passent souvent la moitié de leur temps à l’étranger. »


Aline Karam
Téléphonie mobile
Responsable de la communication chez Alfa
Master en Marketing & Communication et MBA de l’ESA
Master en pub et vente de l’USJ
Double nationalité : libanaise et grecque. Divorcée, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai récemment reçu trois offres de travail. Deux d’entre elles, proposées par des chasseurs de têtes, concernaient un job au Liban mais qui nécessitaient de consacrer 60 % de son temps à des voyages dans la région. Pour la dernière, j’ai été sollicitée par la compagnie mère d’un groupe international, basée dans les pays du Golfe. Je pouvais facilement prétendre à un salaire 30 % plus élevé que mon package actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne souhaite pas pour l’instant, pour des raisons familiales, me déplacer régulièrement ou vivre dans un autre pays. Mais si je n’avais pas pu décrocher mon job actuel, je crois que je ne serais pas rentrée à Beyrouth.


Georges Boustany
Distribution
Directeur marketing du groupe Admic (BHV, Monoprix et Géant Casino)
Parcours universitaire : diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Majeur : communication et pub
Expérience professionnelle : Banque libano-française, Unilever (France) Eurotunnel (France)
Double nationalité : libanaise et française. Marié, deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Oui, essentiellement en provenance de compagnies de distribution et d’agences de publicité basées à Dubaï, au Qatar et au Koweït. Mais excepté durant la guerre de juillet 2006 je n’ai pas cherché moi-même à m’expatrier. Les salaires proposés étaient supérieurs de 50 % par rapport à celui que je touche actuellement.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je les ai refusées principalement pour des raisons familiales. Ma femme et moi avons des relations sociales très denses, des emplois satisfaisants et un excellent niveau de vie. C’est un confort que nous ne serions pas sûrs de retrouver dans le Golfe. Mais il est certain que si la situation économique et politique devait continuer à se dégrader ou même à stagner au Liban, je serais poussé à revoir mes options.


Maria Sabbah
Transport aérien

Responsable des ventes chez BMI Fly
Parcours universitaire : BA en Business management à Londres, de University of London
Expérience professionelle : Middle East Airlines
Double nationalité : anglaise et libanaise. Situation familiale : célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu plusieurs offres ces dernières années, mais je les ai toutes déclinées. Ces propositions émanaient surtout lors de réunions d’affaires, en particulier avec des professionnels du secteur du transport aérien. Mais je n’ai jamais été tentée de partir, même pour des salaires plus élevés.

Pourquoi les avoir refusées ?
J’ai vécu 16 ans au Royaume-Uni et je suis rentrée au Liban il y a huit ans dans le but d’y rester. Cette décision a été motivée par des considérations familiales et par un amour indicible pour mon pays.


Guy Salmé
Relations publiques
Chef de groupe chez Prevent et journaliste à L’Orient-Le Jour (section sport)
Parcours universitaire : BS en sciences informatiques et BS en Business marketing de la LAU
Expérience professionnelle : chef de publicité chez Euro RSCG
Nationalité libanaise. Célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu des offres au début de l’année 2007, principalement de la part d’agences de publicité et de relations publiques basées au Qatar et à Dubaï. Je peux facilement prétendre à une majoration de 75 % de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Le coût de la vie dans les pays arabes, que ce soit à Dubaï ou à Qatar, n’est pas compensé par la différence des salaires. De plus, la qualité de vie est relativement dérisoire dans les pays arabes. Une combinaison de motivations familiales et professionnelles pèse aussi dans ma décision de rester au Liban. C’est également un défi personnel : je voudrais réussir au Liban tout en maintenant une qualité de vie bien supérieure à celle des expatriés.


Gilberte Tanios
Informatique
Chef de projet chez CME Offshore
Parcours universitaire : maîtrise en informatique de l’Université libanaise
Expérience professionnelle : 12 ans d’expérience, dont six à Paris
Double nationalité : libanaise et française. Mariée, 2 enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Il y a deux ans, j’ai pris la décision de retourner dans mon pays natal. À Paris où je travaillais, mon salaire était 30 % plus élevé que celui que je touche au Liban. En prenant en compte l’évolution de la parité euro/dollar, elle dépasserait aujourd’hui de 50 % mon salaire actuel.
Je voulais retourner vivre et élever mes enfants dans mon pays natal, au sein de ma famille. Je voulais qu’ils aient une vie sociale, qu’ils apprennent la langue arabe orale et écrite. À l’étranger, il est difficile de socialiser, le temps passe vite, les journées de travail sont longues, etc. Au final, il reste peu de temps pour soi-même. Les Libanais qui vivent à l’étranger ont intégré ce rythme de vie et ont perdu les mœurs libanaises.


Iyad Boustany
Banque
Directeur général du groupe BSEC
Parcours universitaire : École supérieure de commerce de Paris
Expérience professionnelle : Banque d’affaires
Nationalité libanaise. Marié, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je suis souvent sollicité par des banques d’affaires. Il y a deux mois, j’ai reçu une offre d’emploi à Dubaï pour le double de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je suis bien au Liban. Le cadre et la qualité de vie y sont encore uniques, quoiqu’en perte de vitesse. Pour quelqu’un comme moi qui ne travaille pas moins de 14 heures par jour, la distraction apportée par des activités telles que le ski et la chasse est essentielle. Quand je travaille, je travaille. Quand je m’amuse, je m’amuse. “Work hard play hard” dit-on en anglais. Le Liban offre la combinaison qui me convient.


Fadia Gebran
Transport maritime
Responsable de la communication/presse Liban, Syrie, Égypte chez CMA CGM
Parcours universitaire : MBA de l’ESA et BA en Business administration de l’AUB
Expérience professionnelle : 17 ans dans les domaines de la publicité, des relations publiques, de l’événementiel et de la communication d’entreprise
Nationalité libanaise. Mariée, deux garçons

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je n’ai pas cherché moi-même à m’expatrier. Mais je suis tout le temps sollicitée par des agences de relations publiques, des chasseurs de têtes, des compagnies qui cherchent des responsables en communication. Ces offres concernent principalement les pays du Golfe. En particulier, les Émirats arabes unis et le Qatar où les salaires peuvent atteindre trois fois le niveau de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne voulais pas quitter le Liban. J’ai des enfants encore en bas âge et mon mari est bien installé ici. La famille, les amis, le soutien des proches y comptent aussi pour beaucoup. De plus, la qualité de vie au Liban ne se trouve nulle part ailleurs. Si j’étais célibataire, j’aurais peut-être été amenée à réfléchir à un éventuel départ à l’étranger.


Walid Nasser
Électroménager
Directeur adjoint chez ACES
Parcours universitaire : maîtrise en publicité de l’USJ.
Expérience professionnelle : Tamer Frères, Pharaon Appliances
Nationalité libanaise. Marié, 2 enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu une proposition en 2002-2003 pour aller travailler à Dubaï dans le domaine médical. Un an plus tard, j’ai été sollicité pour un autre emploi en Arabie saoudite dans mon domaine, celui du marketing. On m’a proposé un salaire trois fois supérieur à celui du Liban, mais je l’ai aussi décliné.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne veux pas quitter le Liban. Je suis satisfait au niveau professionnel. J’ai le sentiment d’avoir créé cette compagnie. Je dois aussi dire que je ne suis pas vraiment intéressé par un job dans les pays arabes. Mais une offre d’emploi dans d’autres pays ne changerait pas vraiment la donne, à l’exception peut-être de l’Europe. J’ai récemment reçu une offre en Afrique que j’ai refusée sans même la considérer. Pour tout dire, je cherche surtout à obtenir une autre nationalité, canadienne par exemple, pour me ménager une sortie de secours au cas où la situation se détériore complètement au Liban.
Mais ma décision tient surtout à des raisons familiales. Je suis marié depuis huit ans et j’ai des enfants. Je pense à la stabilité de mes enfants. Si j’étais célibataire, les choses auraient peut-être été différentes. Il y a aussi une part de patriotisme : je me dis qu’il faut des gens qui restent dans ce pays pour prendre la relève. À mon âge, partir à l’étranger signifie quitter définitivement le Liban. Je n’y songerai que si la situation est désespérée. Je crois que le pays peut se relever.


Jihane el-Murr
Commerce

Conseiller juridique de British American Tobacco pour la région du Levant et du Yémen
Parcours universitaire : diplôme en droit de l’USJ et DEA de l’Université La Sagesse en jumelage avec l’Université de Montpellier.
Expérience professionnelle : cabinet d’avocat 1995-2005, puis conseiller juridique de British American Tobacco pour la région du Levant et Yémen
Nationalité libanaise. Situation familiale : mariée, mère de deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu durant les 18 derniers mois quatre offres de travail à l’étranger. Je suis sollicitée par des multinationales opérant dans les pays du Golfe pour des postes couvrant la Syrie, la Jordanie, la Palestine, l’Irak ainsi que les pays du Golfe. Les propositions salariales que je reçois sont de l’ordre de 15 à 20 % plus élevées que le salaire local. Elles sont complétées par des avantages en termes de logement, voiture, éducation, assurances, etc. qui viennent se greffer au salaire.

Si oui, pourquoi les avoir refusées ?
J’ai refusé Dubaï qui, pour moi, n’a pas d’âme et où la vie est trop rapide et trop agitée. J’étais prête à partir pour Djeddah, mais il semble que des problèmes de logistique liés au fait que je suis une femme avaient été sous-estimés par la compagnie qui m’offrait le poste. Mais s’il est évident que les grandes villes ont plus à offrir au niveau professionnel, je reste attachée à ce merveilleux pays.
Étant maman de deux filles en bas âge, j’aimerai qu’elles profitent le plus longtemps possible de la douceur de vivre au Liban et de l’amour de la famille malgré tous les maux dont souffre le pays.
Cependant, je ne sais pas combien de nouvelles offres je serais tentée de décliner et à quel prix... Il est sûr que la situation politique joue un grand rôle dans la décision de partir ou de rester.


Habib Lahoud
Banque
Senior Manager – Responsable de la banque de détail à Intercontinental Bank of Lebanon SAL
Formation : maîtrise en économie internationale de l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne
Expérience professionnelle : 23 ans d’expérience bancaire dont 13 en tant que cadre supérieur
Double nationalité : libanaise et égyptienne. Marié, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je ne cherche pas à m’expatrier, mais je reçois en moyenne une proposition sérieuse par trimestre pour un poste à l’étranger. Des compagnies de “chasseurs de têtes” ou de “chasseurs de cadres” me contactent régulièrement. Deux banques avec qui j’ai collaboré par le passé m’ont aussi fait une offre directe de travail. Les trois dernières offres concernaient le Qatar. Des postes au Koweït, en Égypte, en Jordanie, aux Émirats arabes unis et en Syrie m’ont aussi été proposés.
En général, le package salarial se situe dans une fourchette comprise entre 2,5 et 3,5 fois mon salaire actuel. Il inclut les frais de logement, d’avion, de transport, d’école, d’assurances et parfois le bonus minimum.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je suis satisfait de mon plan de carrière au Liban et du potentiel qu’offre mon poste actuel. J’ai opté pour la continuité ici. Les opportunités au Liban sont bien réelles et mon ambition peut être satisfaite par mon parcours actuel.
Il est également certain que la qualité de vie de ma famille joue un rôle essentiel dans ma prise de décision. Mon fils est bien intégré à l’école et ma femme a ses repères au Liban. Ces considérations ont une valeur primordiale.


Vincent Chamoun
Publicité
Directeur général chez Impact BBDO
Maîtrise HEC en gestion industrielle
Publicitaire depuis plus de 20 ans
Double nationalité : libanaise et française. Marié, deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Oui, tout récemment encore, pour le Golfe. Ces propositions sont fréquentes. Je suis surtout repéré par des chasseurs de têtes, basés soit dans la région, soit en Europe, mais qui opèrent pour la région. Mais, je n’ai pas cherché et je ne cherche pas à m’expatrier, du moins pour le moment.
En ce qui concerne la rémunération, la différence n’est pas nécessairement substantielle, étant donné la tranche de salaire dans laquelle je me trouve. Bien sûr, je parle de salaire et non pas de package qui comporte toutes les primes d’expatriation.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je n’ai aucune envie de quitter le pays. En fait, il fait bon vivre ici malgré tout ce qui se passe (je devrais dire, ce qui ne se passe pas). Ce pays avec tous ses attraits, je dirais quasi uniques, a un tel pouvoir de séduction que je n’ai pas envie de me déraciner et de vivre ailleurs. Bien entendu, ma situation financière conforte ce choix.
Si pour subsister il ne me restait pas d’autre choix que de partir, dans ce cas seulement je pourrais penser prendre la douloureuse décision de vivre ailleurs.


Mazen Soueid
Banque
Économiste en chef et responsable du département de la recherche de la BankMed
Parcours universitaire : doctorat en économie de la Brown University aux États-Unis
Expérience professionnelle : consultant pour la Deutsche Bank à Londres et New York (1998-2000) et économiste au FMI
à Washington (2000-2006)
Nationalité libanaise. Célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je suis souvent sollicité, à travers les chasseurs de têtes, par des institutions financières ou des banques, particulièrement pour des postes dans les pays du Golfe. J’ai aussi reçu une offre d’emploi d’une banque internationale basée à Londres avant de rentrer au Liban en 2006, mais je l’ai déclinée. Depuis, je n’ai jamais plus postulé moi-même pour un job à l’étranger. Je ne cherche même pas à savoir les salaires qui me sont proposés, même si je sais que les cadres supérieurs dans les pays du Golfe gagnent bien leur vie.

Pourquoi les avoir refusées ?
Ma décision de rester dans le pays tient à plusieurs raisons. D’abord, je pense que le Liban a besoin de jeunes talents durant cette période critique de son histoire. La famille compte également beaucoup pour moi, surtout après 11 ans passés à l’étranger. Enfin, je crois que la BankMed, sous sa direction actuelle, possède un potentiel énorme pour devenir un acteur majeur sur les scènes locale et régionale.
Je ne veux pas quitter ce pays. Le Liban est comme une cité entourée par la muraille de Chine. Tous ceux qui y vivent cherchent à tout prix à s’expatrier et vice versa. Personnellement, je suis très content d’y être.

Ni la situation économique morose ni la crise politique n’ont eu raison de leur détermination à rester au Liban. Certains cadres ne cèdent pas au “chant des sirènes” et font le choix délibéré de ne pas s’expatrier, au point d’apparaître comme des exceptions, alors qu’un nombre incalculable de Libanais qualifiés vont chercher fortune dans le Golfe ou ailleurs.
Recherchés pour leurs qualifications, les cadres salariés ont la particularité de représenter une ressource humaine facilement exportable, contrairement aux dirigeants d’entreprises familiales dont l’attachement au Liban est de nature économique ou encore à ceux qui exercent des professions libérales pour qui il est plus difficile d’abandonner une clientèle.
Fortement sollicités par des chasseurs de têtes, des petites annonces… dans un environnement où l’expatriation est quasiment devenue une règle – comme le prouve le creux de la pyramide des âges dans la tranche qui les concerne –, les cadres libanais sont tous confrontés un jour ou l’autre à la nécessité de choisir.
La décision de “rester” est parfois d’ordre patriotique et politique. Mais les motivations correspondent le plus souvent à un arbitrage rationnel prenant aussi bien en compte des éléments de la vie familiale et sociale que des facteurs purement professionnels. Une troisième catégorie de cadres particulièrement privilégiés opte pour le Liban, car ils y conservent non seulement le cadre familial et social qui leur plaît mais ils ont aussi la chance d’appartenir à des entreprises très dynamiques dont les plans de carrière et les salaires n’ont presque rien à envier à leurs pairs régionaux ou internationaux.
Le Liban est toujours victime d’une hémorragie de ressources humaines vers les pays du Golfe, mais les cadres et les cadres supérieurs réfléchissent désormais à deux fois avant d’accepter une offre s’ils doivent se déplacer en famille. « La mobilité est plus difficile qu’il y a deux ou trois ans en raison de l’inflation », explique Costa Doumani, PDG de la société de consultants Mavens, qui est aussi spécialisée dans le recrutement de cadres supérieurs.
Les loyers ont particulièrement flambé, tandis que la scolarisation des enfants coûte trois fois plus cher qu’au Liban. Pour des expatriés qui viennent d’Europe, cette inflation est encore acceptable, car elle est perçue comme un substitut à l’impôt, mais pour certains cadres libanais, qui cherchent aussi à se constituer une épargne, les conditions sont de moins en moins alléchantes, explique Doumani. « Tout est fait comme si la politique de Dubaï consistait à ce que les salaires versés soient entièrement dépensés sur place. »
Pour les couples mariés, l’évaluation des conditions financières – qui prennent aussi en compte le salaire du conjoint si mari et femme travaillent – s’ajoute donc à des considérations plus personnelles comme l’environnement dans lequel ils souhaitent éduquer leurs enfants.
Les cadres et surtout les cadres supérieurs sont généralement plus exigeants que les plus jeunes ou les célibataires qui sont prêts à tenter l’aventure sans arrière-pensée, dit Patricia Zaher, directrice des ressources humaines au Near East Consulting Group. Il faut que l’offre soit qualitativement et financièrement suffisamment attractive pour qu’ils renoncent à ce que beaucoup considèrent comme « un cadre de vie unique » au Liban.
« Ils placent la barre très haut. À Dubaï par exemple, il faut que l’offre représente deux fois leur salaire au Liban et que le “package” comprenne le logement, la scolarisation des enfants et des billets d’avion », poursuit-elle.
D’autant qu’avoir le statut de cadre ou de cadre supérieur signifie pour un Libanais qu’il s’est déjà ménagé une situation professionnelle acceptable, alors que les candidats les plus nombreux au départ sont les jeunes nouveaux entrants sur le marché du travail, ou en tout début de carrière, car ils ne trouvent pas d’emploi correspondant à leurs aspirations.
Ces derniers sont tentés par une expérience régionale pour enrichir leur CV. « Un employé qui touche 800 à 1 000 dollars est prêt à quitter le Liban pour 1 500 dollars, si le package comprend les allocations pour le logement », affirme Patricia Zaher.
Ceux pour qui il est quasiment exclu d’aller chercher ailleurs si l’herbe est plus verte sont les cadres d’entreprises entrées, à partir du Liban, dans l’ère de la régionalisation et de la mondialisation. Il s’agit des équipes dirigeantes des filiales libanaises de multinationales, mais aussi d’entreprises entièrement “Made in Lebanon” qui réussissent, car elles sont tournées vers l’extérieur.
Les premières sont de moins en moins nombreuses, une vague de délocalisation à Beyrouth ayant été interrompue par la crise. « Je connais plusieurs sociétés basées à Dubaï qui envisageaient d’établir au Liban leur staff dirigeant, composé essentiellement de Libanais, car l’émirat est en train de se transformer en centre de loisirs et de divertissement, plutôt qu’en centre d’affaires », explique Doumani.
Les secondes en revanche ont tendance à se multiplier. Le secteur bancaire qui est le plus médiatisé en est l’exemple, mais il est loin d’être le seul. « Bien que basés au Liban, ces cadres passent souvent la moitié de leur temps à l’étranger. »


Aline Karam
Téléphonie mobile
Responsable de la communication chez Alfa
Master en Marketing & Communication et MBA de l’ESA
Master en pub et vente de l’USJ
Double nationalité : libanaise et grecque. Divorcée, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai récemment reçu trois offres de travail. Deux d’entre elles, proposées par des chasseurs de têtes, concernaient un job au Liban mais qui nécessitaient de consacrer 60 % de son temps à des voyages dans la région. Pour la dernière, j’ai été sollicitée par la compagnie mère d’un groupe international, basée dans les pays du Golfe. Je pouvais facilement prétendre à un salaire 30 % plus élevé que mon package actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne souhaite pas pour l’instant, pour des raisons familiales, me déplacer régulièrement ou vivre dans un autre pays. Mais si je n’avais pas pu décrocher mon job actuel, je crois que je ne serais pas rentrée à Beyrouth.


Georges Boustany
Distribution
Directeur marketing du groupe Admic (BHV, Monoprix et Géant Casino)
Parcours universitaire : diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Majeur : communication et pub
Expérience professionnelle : Banque libano-française, Unilever (France) Eurotunnel (France)
Double nationalité : libanaise et française. Marié, deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Oui, essentiellement en provenance de compagnies de distribution et d’agences de publicité basées à Dubaï, au Qatar et au Koweït. Mais excepté durant la guerre de juillet 2006 je n’ai pas cherché moi-même à m’expatrier. Les salaires proposés étaient supérieurs de 50 % par rapport à celui que je touche actuellement.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je les ai refusées principalement pour des raisons familiales. Ma femme et moi avons des relations sociales très denses, des emplois satisfaisants et un excellent niveau de vie. C’est un confort que nous ne serions pas sûrs de retrouver dans le Golfe. Mais il est certain que si la situation économique et politique devait continuer à se dégrader ou même à stagner au Liban, je serais poussé à revoir mes options.


Maria Sabbah
Transport aérien

Responsable des ventes chez BMI Fly
Parcours universitaire : BA en Business management à Londres, de University of London
Expérience professionelle : Middle East Airlines
Double nationalité : anglaise et libanaise. Situation familiale : célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu plusieurs offres ces dernières années, mais je les ai toutes déclinées. Ces propositions émanaient surtout lors de réunions d’affaires, en particulier avec des professionnels du secteur du transport aérien. Mais je n’ai jamais été tentée de partir, même pour des salaires plus élevés.

Pourquoi les avoir refusées ?
J’ai vécu 16 ans au Royaume-Uni et je suis rentrée au Liban il y a huit ans dans le but d’y rester. Cette décision a été motivée par des considérations familiales et par un amour indicible pour mon pays.


Guy Salmé
Relations publiques
Chef de groupe chez Prevent et journaliste à L’Orient-Le Jour (section sport)
Parcours universitaire : BS en sciences informatiques et BS en Business marketing de la LAU
Expérience professionnelle : chef de publicité chez Euro RSCG
Nationalité libanaise. Célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu des offres au début de l’année 2007, principalement de la part d’agences de publicité et de relations publiques basées au Qatar et à Dubaï. Je peux facilement prétendre à une majoration de 75 % de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Le coût de la vie dans les pays arabes, que ce soit à Dubaï ou à Qatar, n’est pas compensé par la différence des salaires. De plus, la qualité de vie est relativement dérisoire dans les pays arabes. Une combinaison de motivations familiales et professionnelles pèse aussi dans ma décision de rester au Liban. C’est également un défi personnel : je voudrais réussir au Liban tout en maintenant une qualité de vie bien supérieure à celle des expatriés.


Gilberte Tanios
Informatique
Chef de projet chez CME Offshore
Parcours universitaire : maîtrise en informatique de l’Université libanaise
Expérience professionnelle : 12 ans d’expérience, dont six à Paris
Double nationalité : libanaise et française. Mariée, 2 enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Il y a deux ans, j’ai pris la décision de retourner dans mon pays natal. À Paris où je travaillais, mon salaire était 30 % plus élevé que celui que je touche au Liban. En prenant en compte l’évolution de la parité euro/dollar, elle dépasserait aujourd’hui de 50 % mon salaire actuel.
Je voulais retourner vivre et élever mes enfants dans mon pays natal, au sein de ma famille. Je voulais qu’ils aient une vie sociale, qu’ils apprennent la langue arabe orale et écrite. À l’étranger, il est difficile de socialiser, le temps passe vite, les journées de travail sont longues, etc. Au final, il reste peu de temps pour soi-même. Les Libanais qui vivent à l’étranger ont intégré ce rythme de vie et ont perdu les mœurs libanaises.


Iyad Boustany
Banque
Directeur général du groupe BSEC
Parcours universitaire : École supérieure de commerce de Paris
Expérience professionnelle : Banque d’affaires
Nationalité libanaise. Marié, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je suis souvent sollicité par des banques d’affaires. Il y a deux mois, j’ai reçu une offre d’emploi à Dubaï pour le double de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je suis bien au Liban. Le cadre et la qualité de vie y sont encore uniques, quoiqu’en perte de vitesse. Pour quelqu’un comme moi qui ne travaille pas moins de 14 heures par jour, la distraction apportée par des activités telles que le ski et la chasse est essentielle. Quand je travaille, je travaille. Quand je m’amuse, je m’amuse. “Work hard play hard” dit-on en anglais. Le Liban offre la combinaison qui me convient.


Fadia Gebran
Transport maritime
Responsable de la communication/presse Liban, Syrie, Égypte chez CMA CGM
Parcours universitaire : MBA de l’ESA et BA en Business administration de l’AUB
Expérience professionnelle : 17 ans dans les domaines de la publicité, des relations publiques, de l’événementiel et de la communication d’entreprise
Nationalité libanaise. Mariée, deux garçons

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je n’ai pas cherché moi-même à m’expatrier. Mais je suis tout le temps sollicitée par des agences de relations publiques, des chasseurs de têtes, des compagnies qui cherchent des responsables en communication. Ces offres concernent principalement les pays du Golfe. En particulier, les Émirats arabes unis et le Qatar où les salaires peuvent atteindre trois fois le niveau de mon salaire actuel.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne voulais pas quitter le Liban. J’ai des enfants encore en bas âge et mon mari est bien installé ici. La famille, les amis, le soutien des proches y comptent aussi pour beaucoup. De plus, la qualité de vie au Liban ne se trouve nulle part ailleurs. Si j’étais célibataire, j’aurais peut-être été amenée à réfléchir à un éventuel départ à l’étranger.


Walid Nasser
Électroménager
Directeur adjoint chez ACES
Parcours universitaire : maîtrise en publicité de l’USJ.
Expérience professionnelle : Tamer Frères, Pharaon Appliances
Nationalité libanaise. Marié, 2 enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu une proposition en 2002-2003 pour aller travailler à Dubaï dans le domaine médical. Un an plus tard, j’ai été sollicité pour un autre emploi en Arabie saoudite dans mon domaine, celui du marketing. On m’a proposé un salaire trois fois supérieur à celui du Liban, mais je l’ai aussi décliné.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je ne veux pas quitter le Liban. Je suis satisfait au niveau professionnel. J’ai le sentiment d’avoir créé cette compagnie. Je dois aussi dire que je ne suis pas vraiment intéressé par un job dans les pays arabes. Mais une offre d’emploi dans d’autres pays ne changerait pas vraiment la donne, à l’exception peut-être de l’Europe. J’ai récemment reçu une offre en Afrique que j’ai refusée sans même la considérer. Pour tout dire, je cherche surtout à obtenir une autre nationalité, canadienne par exemple, pour me ménager une sortie de secours au cas où la situation se détériore complètement au Liban.
Mais ma décision tient surtout à des raisons familiales. Je suis marié depuis huit ans et j’ai des enfants. Je pense à la stabilité de mes enfants. Si j’étais célibataire, les choses auraient peut-être été différentes. Il y a aussi une part de patriotisme : je me dis qu’il faut des gens qui restent dans ce pays pour prendre la relève. À mon âge, partir à l’étranger signifie quitter définitivement le Liban. Je n’y songerai que si la situation est désespérée. Je crois que le pays peut se relever.


Jihane el-Murr
Commerce

Conseiller juridique de British American Tobacco pour la région du Levant et du Yémen
Parcours universitaire : diplôme en droit de l’USJ et DEA de l’Université La Sagesse en jumelage avec l’Université de Montpellier.
Expérience professionnelle : cabinet d’avocat 1995-2005, puis conseiller juridique de British American Tobacco pour la région du Levant et Yémen
Nationalité libanaise. Situation familiale : mariée, mère de deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
J’ai reçu durant les 18 derniers mois quatre offres de travail à l’étranger. Je suis sollicitée par des multinationales opérant dans les pays du Golfe pour des postes couvrant la Syrie, la Jordanie, la Palestine, l’Irak ainsi que les pays du Golfe. Les propositions salariales que je reçois sont de l’ordre de 15 à 20 % plus élevées que le salaire local. Elles sont complétées par des avantages en termes de logement, voiture, éducation, assurances, etc. qui viennent se greffer au salaire.

Si oui, pourquoi les avoir refusées ?
J’ai refusé Dubaï qui, pour moi, n’a pas d’âme et où la vie est trop rapide et trop agitée. J’étais prête à partir pour Djeddah, mais il semble que des problèmes de logistique liés au fait que je suis une femme avaient été sous-estimés par la compagnie qui m’offrait le poste. Mais s’il est évident que les grandes villes ont plus à offrir au niveau professionnel, je reste attachée à ce merveilleux pays.
Étant maman de deux filles en bas âge, j’aimerai qu’elles profitent le plus longtemps possible de la douceur de vivre au Liban et de l’amour de la famille malgré tous les maux dont souffre le pays.
Cependant, je ne sais pas combien de nouvelles offres je serais tentée de décliner et à quel prix... Il est sûr que la situation politique joue un grand rôle dans la décision de partir ou de rester.


Habib Lahoud
Banque
Senior Manager – Responsable de la banque de détail à Intercontinental Bank of Lebanon SAL
Formation : maîtrise en économie internationale de l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne
Expérience professionnelle : 23 ans d’expérience bancaire dont 13 en tant que cadre supérieur
Double nationalité : libanaise et égyptienne. Marié, un enfant

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je ne cherche pas à m’expatrier, mais je reçois en moyenne une proposition sérieuse par trimestre pour un poste à l’étranger. Des compagnies de “chasseurs de têtes” ou de “chasseurs de cadres” me contactent régulièrement. Deux banques avec qui j’ai collaboré par le passé m’ont aussi fait une offre directe de travail. Les trois dernières offres concernaient le Qatar. Des postes au Koweït, en Égypte, en Jordanie, aux Émirats arabes unis et en Syrie m’ont aussi été proposés.
En général, le package salarial se situe dans une fourchette comprise entre 2,5 et 3,5 fois mon salaire actuel. Il inclut les frais de logement, d’avion, de transport, d’école, d’assurances et parfois le bonus minimum.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je suis satisfait de mon plan de carrière au Liban et du potentiel qu’offre mon poste actuel. J’ai opté pour la continuité ici. Les opportunités au Liban sont bien réelles et mon ambition peut être satisfaite par mon parcours actuel.
Il est également certain que la qualité de vie de ma famille joue un rôle essentiel dans ma prise de décision. Mon fils est bien intégré à l’école et ma femme a ses repères au Liban. Ces considérations ont une valeur primordiale.


Vincent Chamoun
Publicité
Directeur général chez Impact BBDO
Maîtrise HEC en gestion industrielle
Publicitaire depuis plus de 20 ans
Double nationalité : libanaise et française. Marié, deux enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Oui, tout récemment encore, pour le Golfe. Ces propositions sont fréquentes. Je suis surtout repéré par des chasseurs de têtes, basés soit dans la région, soit en Europe, mais qui opèrent pour la région. Mais, je n’ai pas cherché et je ne cherche pas à m’expatrier, du moins pour le moment.
En ce qui concerne la rémunération, la différence n’est pas nécessairement substantielle, étant donné la tranche de salaire dans laquelle je me trouve. Bien sûr, je parle de salaire et non pas de package qui comporte toutes les primes d’expatriation.

Pourquoi les avoir refusées ?
Je n’ai aucune envie de quitter le pays. En fait, il fait bon vivre ici malgré tout ce qui se passe (je devrais dire, ce qui ne se passe pas). Ce pays avec tous ses attraits, je dirais quasi uniques, a un tel pouvoir de séduction que je n’ai pas envie de me déraciner et de vivre ailleurs. Bien entendu, ma situation financière conforte ce choix.
Si pour subsister il ne me restait pas d’autre choix que de partir, dans ce cas seulement je pourrais penser prendre la douloureuse décision de vivre ailleurs.


Mazen Soueid
Banque
Économiste en chef et responsable du département de la recherche de la BankMed
Parcours universitaire : doctorat en économie de la Brown University aux États-Unis
Expérience professionnelle : consultant pour la Deutsche Bank à Londres et New York (1998-2000) et économiste au FMI
à Washington (2000-2006)
Nationalité libanaise. Célibataire

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Je suis souvent sollicité, à travers les chasseurs de têtes, par des institutions financières ou des banques, particulièrement pour des postes dans les pays du Golfe. J’ai aussi reçu une offre d’emploi d’une banque internationale basée à Londres avant de rentrer au Liban en 2006, mais je l’ai déclinée. Depuis, je n’ai jamais plus postulé moi-même pour un job à l’étranger. Je ne cherche même pas à savoir les salaires qui me sont proposés, même si je sais que les cadres supérieurs dans les pays du Golfe gagnent bien leur vie.

Pourquoi les avoir refusées ?
Ma décision de rester dans le pays tient à plusieurs raisons. D’abord, je pense que le Liban a besoin de jeunes talents durant cette période critique de son histoire. La famille compte également beaucoup pour moi, surtout après 11 ans passés à l’étranger. Enfin, je crois que la BankMed, sous sa direction actuelle, possède un potentiel énorme pour devenir un acteur majeur sur les scènes locale et régionale.
Je ne veux pas quitter ce pays. Le Liban est comme une cité entourée par la muraille de Chine. Tous ceux qui y vivent cherchent à tout prix à s’expatrier et vice versa. Personnellement, je suis très content d’y être.Lamia Bissat
Administration
Directrice de l’Institut des finances
Parcours universitaire : MBA (en cours) à l’ ESA - Maîtrise en économie agricole et développement, AUB, diplôme d’ingénieur agronome (AUB)
Expérience professionnelle : conseiller en développement auprès des Nations unies, chef de projet au cabinet du ministre de la Réforme administrative
Nationalité libanaise. Mariée, 2 enfants

Avez-vous récemment reçu des propositions de travail à l’étranger ou cherché vous-même à vous expatrier ?
Oui, des sociétés de consultation dans le secteur privé m’ont proposée un travail dans les pays du Golfe pour une rétribution deux fois supérieure à celle que je reçois actuellement.

Pourquoi les avoir refusées ?
Il me serait difficile d’émigrer avec ma famille ou de faire la “navette” entre deux pays. Ce choix est plutôt de nature philosophique. Il découle de mon mode de vie familial et professionnel. Mon mari est copropriétaire de terrains agricoles. Son travail est donc lié à sa terre. Ma fille aînée a quatre ans. Elle est inscrite dans un établissement scolaire au Liban. La petite a moins d’un mois. Ma mère vit seule et je prends soin d’elle. Par ailleurs, mon mari et moi avons un souci de cohérence avec nous-mêmes et des valeurs que nous désirons transmettre à nos filles.
Nous sommes très attachés à notre terre et à nos familles respectives. Nous préférons vivre les quelques moments de notre vie entourés de ce qu’on aime le plus.