Après huit ans d’existence, Bayt.com s’affirme comme le leader du recrutement en ligne dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). La société cofondée par des Libanais vient d’ouvrir sa onzième filiale à Beyrouth, après Casablanca en mars. Le site enregistre environ 1,2 million de visiteurs uniques par mois, 7 000 nouvelles offres d’emplois quotidiennes publiées en période de pic, qui drainent chacune environ 600 CV. Bayt.com a aussi d’une base de plus de 2,2 millions de CV en ligne.
Malgré la concurrence de sociétés d’e-recrutement indiennes qui disposent de filiales bien implantées dans le Golfe, le succès de Bayt.com est aujourd’hui incontestable. Pourtant, la société est partie de rien, ou presque. À l’origine, trois jeunes Libanais et un Jordanien, qui, après des études à l’étranger, ont choisi de s’installer aux Émirats arabes unis. C’est Rabea Ataya, un trentenaire libanais d’origine palestinienne, l’actuel PDG, qui a eu l’idée de développer le recrutement en ligne au Moyen-Orient, alors quasi inexistant dans la région. Une vraie intuition au moment où les employeurs se tournent de plus en plus vers Internet pour recruter, alors que de nombreux diplômés qualifiés cherchent à travailler au Moyen-Orient, sans savoir à qui s’adresser. Après un an d’observation, Rabea et ses trois associés se jettent à l’eau, en prenant comme modèle Monster, le géant de l’e-recrutement Outre-Atlantique. Ils apportent des fonds propres et recherchent des sociétés de capital-risque à même de financer et d’accompagner leur projet. C’est finalement une société d’origine jordanienne (dont le nom n’a pas été communiqué) qui, après plusieurs rounds de financement, permettra à Bayt.com de voir le jour, en juin 2000. Au total, l’investissement initial est de sept millions de dollars. En 2006, alors que la société fonctionne bien, l’investisseur en capital-risque revend sa part à la société américaine Tiger, qui entre au capital à hauteur de 40 %, soit à peu près une part équivalente à celle de la société jordanienne.

Une forte implantation locale, clé de la réussite

« Dès ses débuts, Bayt.com a rencontré un franc succès, puisqu’elle a été rentable au bout d’à peine un an et demi, explique Dany Farha, directeur en chef des opérations de vente. Le chiffre d’affaires annuel est actuellement de 20 millions de dollars, en croissance annuelle de 100 %. » La société consacre une part importante de son budget au marketing, afin de développer des partenariats, sur la Toile et au-delà. Mais là où Bayt.com se distingue de ses concurrents, c’est qu’elle investit massivement en personnel, avec plus de 300 employés répartis dans 11 pays, la plupart dans le Golfe. La société démarche sur place de nouveaux employeurs, car son modèle économique est loin d’être « purement virtuel », selon les termes de Dany Farha. Un avantage net par rapport à ses concurrents, « en majeure partie des sites de recrutement indiens disposant de filiales dans le Golfe, comme Monster Gulf, issu de Monster India, ou Naukri Gulf, issu de Naukri India, qui ne sont pas implantés sur le terrain », explique le directeur des opérations. À chaque fois que Bayt.com s’installe dans un nouveau pays, elle doit affronter des concurrents locaux. Au Maroc, la tâche s’annonce par exemple ardue, car le marché du recrutement en ligne y est florissant, notamment avec le gros calibre Rekrute.com. Au Liban, en revanche, le marché est presque vierge. Sur l’ensemble de la région MENA, Dany Farha affirme que la société dispose d’environ 80 % de parts de marché. Les annonces publiées dans les journaux ne constituant plus une réelle concurrence comme auparavant. Selon un sondage effectué récemment par Bayt.com, ils ne seraient que 15 % d’employeurs à utiliser ce mode de recrutement traditionnel.

Un produit plus cher, mais plus sophistiqué

Environ 30 000 employeurs utilisent Bayt.com, affirme la direction de la société basée à Dubaï. Ils sont issus essentiellement des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite (sur les 7 000 annonces quotidiennes, environ 150 proviennent d’employeurs libanais). Chaque recruteur doit payer en moyenne 150 dollars s’il souhaite publier une offre d’emploi valable pour une durée de 30 jours et un forfait mensuel de 900 dollars pour consulter la CVthèque de Bayt.com. Les tarifs sont dégressifs, si les employeurs publient un grand nombre d’annonces. Les candidats peuvent en revanche consulter les annonces gratuitement. Les prix proposés par Bayt.com sont un peu plus élevés que ceux des autres sites de recrutement en ligne, mais Dany Farha le justifie par les innovations apportées par le site Web : « Face à l’avalanche de CV que reçoivent les employeurs, nous avons mis en place un système qui leur permet de filtrer les candidats en utilisant 24 critères (employeur actuel, formation, secteur d’activité et compétences, lieu de résidence, nationalité...). Les autres sites disposent en général de moins de critères, ou ne filtrent qu’avec des mots-clés. » Si les employeurs ne souhaitent pas faire le filtrage eux-mêmes, Bayt.com peut fournir ce service pour environ 200 dollars. Autre valeur ajoutée du site : Bayt.com dispose depuis quelques mois d’une plate-forme de recrutement trilingue, en arabe, français et anglais. Le site fournit enfin certains services supplémentaires : le candidat peut intégrer au CV plusieurs recommandations, l’employeur peut utiliser des questionnaires en ligne pour avoir davantage d’informations sur les candidats et télécharger des CV avec photos. Des améliorations qui ont souvent été suggérées par les employeurs eux-mêmes. Bayt.com investit en effet environ 200 000 dollars par an pour recueillir les observations de ses clients afin d’accroître l’efficacité du site. La consultation des CV et les publications d’offres d’emploi constituent 90 % des recettes annuelles de Bayt.com, qui se finance autrement par du marketing direct à hauteur de 5 % et par la publicité en ligne à hauteur de 5 % (soit un million de dollars). Cette dernière source de revenus est amenée à augmenter rapidement, dans la mesure où les publicités peuvent aisément atteindre leur cible, le site disposant de données précises sur les candidats. La prochaine étape de l’expansion est prévue au début de l’année 2009 avec l’ouverture d’une nouvelle filiale en Égypte.

Les fondateurs de Bayt.com
Rabea Ataya, président, libanais. Diplômé de l'Université de Stanford, en Californie, il a commencé sa carrière chez Alex. Brown and Sons, une banque d'investissement américaine. Il a ensuite travaillé pour la société Ranya pour la conclusion des marchés, avant de fonder sa propre société en 1997, Infofort, entreprise leader dans le stockage de données au Moyen-Orient.
Dany Farha, directeur en chef des opérations de vente, libanais. Il a commencé sa carrière à Londres avec Lehman Brothers dans les ventes à prix fixe. Il a constitué Intercat, une importante société de restauration basée à Dubaï puis, plus récemment, a participé à la constitution de Butlers, devenue la première société de blanchisserie et de nettoyage à sec à Dubaï.
Mona Ataya, responsable du marketing, libanaise. Elle a entamé sa carrière chez Procter & Gamble. Elle a ensuite travaillé chez BBDO Worldwide, où elle s'occupait de la stratégie publicitaire au Moyen-Orient pour des marques internationales telles J&J et Pepsi. Avant d’intégrer Bayt.com, elle a fait un passage dans la société Johnson & Johnson.
Akram Assaf, directeur en chef de technologie, jordanien. Après des débuts chez Andersen Consulting, il a rejoint Oracle, où il était en charge de l'exécution des applications et bases de données pour des clients institutionnels.