Quel rôle joue le crédit dans le développement économique des pays ?
Le crédit joue plusieurs rôles : tout d’abord, il assure des liquidités pour les projets ; en deuxième, il réduit le coût des investissements puisque le capital en fonds propres doit toujours avoir une rémunération plus élevée que le capital emprunté ; et, enfin, il permet la détermination du coût des ressources.
En l’absence de crédit, seuls les projets ayant une très forte rentabilité ou ceux dont les initiateurs disposeraient de moyens très importants verraient le jour. Dans les pays en développement, où il y a tant à faire, la restriction du crédit est donc très inhibitrice pour le développement.

Qu’est-ce qui freine les activités de crédit dans les pays en voie de développement ?
Si l’on ne prend que le crédit bancaire, les banques limitent leurs crédits pour deux raisons principales : le risque d’actif et le risque de passif. Le premier va de soi et c’est en quelque sorte le service donné par les banques, tant aux emprunteurs qu’aux déposants, d’identifier et de soutenir les meilleurs projets. Le second est plus typique des pays en développement. Les banques prêtent moins, parce qu’elles craignent qu’une forte demande des déposants leur crée des difficultés. En conséquence, leur offre de crédit est réduite même s’il existe des projets valables non financés et même si elles disposent de liquidités. Dans ces pays, généralement, les banques souhaitent conserver un ratio de liquidité de plus de 20 %.

Pour faciliter le crédit, vous proposez donc la création d’un instrument appelé certificat hypothécaire. Quel est cet instrument et comment pourrait-il accélérer la croissance au Liban ?

Le certificat hypothécaire est un cautionnement réel en faveur de l’ensemble des créanciers d’une banque pour la durée où il est déposé à cette banque. La banque peut ainsi utiliser une plus grande part de sa liquidité, puisque ces cautionnements peuvent, en cas de nécessité, servir de support pour son financement.
Ces certificats seront déposés, pour des périodes identiques à celles des dépôts en espèces, par des propriétaires de biens immobiliers contre une rémunération offerte par la banque.
Il est très important de noter que le propriétaire ne cède pas son bien, il ne le loue pas ; il en garde la totale disposition. C’est une simple garantie qui est donnée.
De cette manière, le certificat hypothécaire permettra de mobiliser l’actif immobilier disponible pour des projets productifs, de faire participer les propriétaires de biens immobiliers à l’accroissement de la prospérité qui en sera issue et dynamisera les banques en leur donnant une plus grande sécurité et de nouvelles opportunités.

Pourquoi avoir choisi l’immobilier, parmi d’autres actifs ?
L’immobilier est le principal élément de patrimoine dans les pays en développement et particulièrement au Liban. C’est aussi un actif qui a une faible liquidité et qui, pour l’instant, est peu exploité.
Sachant que l’immobilier libanais représente plus de dix fois le PIB, imaginons combien de nouvelles possibilités existeraient si ce capital était mis à contribution. C’est plus de quarante fois l’aide accordée à la conférence de Paris III. L’instrument a la capacité de générer de telles ressources.

Quelles sont les limites de cet instrument et quels risques comporte-t-il ?
Le certificat hypothécaire, comme tout dépôt auprès des banques, est soumis au risque de faillite de la banque auprès de qui il est déposé. Comme dans toute intermédiation, il existe un risque systémique. En d’autres termes, la faillite d’une grande banque peut entraîner la chute des prix de l’immobilier, le retrait des dépôts auprès des banques et la raréfaction des crédits. En fait, exactement ce que l’on observe aujourd’hui dans les pays occidentaux. Cela signifie que les autorités doivent mettre en place certaines mesures préalables qui sont autant de limites à cet instrument : les plus importantes sont une politique du crédit, une politique immobilière et une réforme du droit de la faillite. Le certificat hypothécaire n’est pas un instrument que le secteur privé gérera sous le regard indifférent de l’État, il doit faire l’objet d’un soin constant du fait de son importance et de son potentiel.

Quels sont les obstacles à sa mise en œuvre au Liban ?
Ce sont essentiellement des obstacles juridiques et techniques. Il faut créer les lois et les institutions nécessaires. En revanche, il me semble que le marché accueillera facilement cet instrument, les Libanais étant très ouverts à l’innovation, les banques solides et respectées, et l’immobilier abondant.
Une démarche conjointe du secteur privé, de l’État et d’institutions internationales pourrait en accélérer la mise en œuvre.

(*) L’ouvrage, intitulé “Risque et crédit, le certificat hypothécaire : une solution pour les pays émergents”, est disponible dans les Librairie Antoine, Librairie Orientale et Virgin, aux éditions Bruylant, Delta ou L.G.D.I. Le certificat hypothécaire : mode d’emploi

L’instrument proposé par Riad Obegi repose sur la création d’une agence indépendante, auprès de laquelle les propriétaires immobiliers peuvent se rendre pour évaluer leur bien et obtenir un certificat hypothécaire d’une valeur inférieure à la valeur réelle du bien. Si le bien a été évalué à 500 000 dollars, par exemple, un certificat de 250 000 dollars sera remis au propriétaire. Ce dernier pourra ensuite déposer ce certificat à la banque, en échange d’une rémunération, tout en continuant à exploiter son bien. Cette rémunération sera inférieure à celle d’un dépôt en numéraire, car l’agent ne subit pas un coût d’opportunité. Il encourt toutefois le risque de saisie du bien en cas de faillite de la banque.
À son tour, la banque pourra utiliser ce cautionnement pour se financer auprès de ses pairs, à des conditions plus favorables. Elle mettra les certificats hypothécaires en gage et empruntera en contrepartie. Grâce à cette liquidité potentielle, la banque pourra ensuite augmenter ses crédits aux agents économiques.