Alors que l’Europe et les États-Unis peinent à relever la tête, le Liban peut se féliciter de traverser la crise financière sans trop de dommages. Une situation enviable qui n’a pas échappé aux banquiers de l’Ancien Continent, prêts à se tourner vers de nouveaux horizons pour renouer avec les profits. C’est ainsi que les banques privées du Crédit agricole suisse et sa consœur plus modeste Mirabaud s’attaquent à la clientèle libanaise fortunée disposée à investir dans des actifs et des fonds. Car, si les établissements bancaires libanais ont une grande expérience des dépôts, ils sont encore peu nombreux à proposer des services de banque privée. Installé au cœur de Beyrouth depuis 2006, le Crédit agricole suisse gère d’ores et déjà la fortune de gros clients à la fois au Liban et depuis l’étranger. Prochaine étape pour cette filiale de la banque suisse : « Devenir un centre d’expertise régional », selon les termes de Christophe Gancel, directeur général de la banque. De sept salariés actuellement, la filiale compte passer à une dizaine avant la fin de l’année. Le gros des embauches étant des experts financiers spécialisés dans les problématiques financières régionales, telles que la finance islamique, l’immobilier, ou encore les produits structurés. « Nous développons cette année nos services d’expertise financière », explique Mario Jamhouri, qui dirige le bureau libanais. La banque proposait jusqu’ici une gestion de comptes davantage généraliste, et donc plus axée sur l’aspect commercial que purement financier. Si l’échéance de cette augmentation des effectifs n’est pas décidée, la banque suisse va certainement miser gros sur ses clients libanais, qui représentent déjà 5 % des actifs globaux de la banque et 30 % des actifs de la zone Moyen-Orient.
Un potentiel qui intéresse aussi sa compatriote helvétique Mirabaud. Cette banque privée plus confidentielle ne propose pas de produits directement à ses clients, mais investit et gère des actifs en leur nom. Ici aussi les chiffres sont éloquents : « Près de 40 milliards de dollars américains sont investis en Suisse par des Libanais, note Rudolf Mueller, vice-président de la banque. Mais cet argent est majoritairement placé dans les grands établissements financiers. » À défaut d’une casquette commerciale, reste alors aux banques privées plus modestes leur expertise financière en placement et gestion de patrimoine. Chez Mirabaud, les spécialités sont entre autres la gestion alternative et le conseil en succession. La banque est présente à Dubaï, où elle souhaite doubler ses effectifs pour atteindre 25 employés dans les 12 mois à venir. « Nous souhaitons embaucher principalement des banquiers locaux formés par des établissements internationaux : ils nous apporteront leur expertise des marchés régionaux », note Rudolf Mueller. À Beyrouth, Mirabaud développe une toute autre stratégie. Aucun bureau n’est pour l’instant prévu, la banque privée est au stade du démarchage et de la prospection. « Nous allons proposer aux banques libanaises nos services de courtage et de gestion d’actifs », annonce Mueller. Un partenariat donnant-donnant, les Suisses bénéficiant d’une entrée sur le marché régional en échange de leur connaissance des marchés financiers internationaux. Mirabaud promeut également ses produits destinés aux clients institutionnels – ici, les banques libanaises. Conseil et préparation des successions, gestion d’actifs et de fonds, courtage, services de conservation… la banque propose également à ses clients de les aider à créer leurs fonds.
Autre cible : les entrepreneurs libanais, qui bénéficient à l’étranger d’une forte réputation de businessmen avertis. Lors de son séjour, Rudolf Mueller a ainsi invité 250 chefs d’entreprise membres de la Chambre de commerce internationale – dont le portefeuille s’élève à plus de cinq millions de dollars – à se sensibiliser à la problématique de la succession et de l’héritage. Encore peu connue au Liban, la question de la passation de pouvoirs et de fortune dans les entreprises familiales concerne nombre d’entrepreneurs. La banque propose conseils et suivi financier depuis son siège de Genève aux clients intéressés.