Vos clients tardent à vous payer, leur cellulaire est toujours hors réseau, ils sont en réunion perpétuelle. L’affacturage pourrait être un médicament pour votre migraine.

L’affacturage figure parmi les outils de financement interentreprises les plus modernes. Il serait en pleine expansion au Liban. La Banque du Liban a, par une circulaire datée du 19/6/1999, encouragé les établissements de crédit à intégrer cette activité à leurs services. Elle a, par la même occasion, réglementé les éventuelles opérations de factoring au sein des banques.
Ipso Facto, la seule institution de factoring au Liban et peut-être au Moyen-Orient, suit le mouvement puisqu’elle est en pleine mutation. Elle traverse une phase de capitalisation qui va lui permettre de passer d’un capital d’un million et demi à neuf millions de dollars après le retrait des deux actionnaires, la Banque Saradar et la Banque Libanaise pour le Commerce. La souscription à l’augmentation de capital sera effectuée par des groupes financiers libanais et étrangers à l’exclusion des banques.

Mais qu’est-ce que l’affacturage?

L’affacturage ou factoring est un service de financement et de recouvrement des factures par une tierce partie, le “factor”. C’est une technique de gestion financière proposée aux entreprises pour améliorer leur masse de liquidité. L’affacturage repose essentiellement sur trois services: la gestion du compte client, la gestion du risque et le paiement immédiat de la facture. Ces trois services sont modulables selon la demande du client pour créer un produit global.
La gestion du compte client concerne la facture à partir du moment où elle est émise jusqu’au moment où elle est encaissée, en plus du suivi de l’ensemble de ce compte.
Pour la gestion du risque, la société d’affacturage assure auprès de l’entreprise cliente le rôle d’un département de crédit et la garantit contre les factures impayées.
Quant au paiement immédiat de la facture, le “factor” paie 70% du montant de la facture, les 30% restants lui sont versés quand le débiteur s’acquitte de sa dette.
L’engagement de la société d’affacturage est tributaire de son approbation globale accordée sur un compte acheteur. Cet engagement prend en considération la situation financière de l’acheteur, son activité sur le marché, sa moralité et sa réputation.
L’approbation n’est pas statique. Donnée aujourd’hui, elle peut être retirée, deux semaines plus tard. Donc, elle est dynamique. Elle évolue selon les besoins du client de la société d’affacturage et de la situation de son débiteur.
Le factoring ne requiert aucune garantie réelle. L’acceptation des factures d’une entreprise n’est donc nullement tributaire de l’ampleur de ses actifs.
Il faut surtout que la relation entre le client et son débiteur soit récurrente pour que le contrat d’affacturage soit plus rapidement conclu.

Un moyen d’“outsourcing”

L’affacturage n’est plus comme par le passé synonyme d’entreprises en difficulté. Avec la sophistication des techniques de financement et des nouveaux besoins des marchés, l’affacturage représente un moyen “d’outsourcing”. Ainsi l’entreprise n’a plus à gérer elle-même ses comptes acheteurs, elle peut donc se concentrer sur son cœur de métier tout en assurant une protection pour ses actifs.
«On opère au Liban sur base d’achat de créances (factures ou traites) de l’entreprise, c’est-à-dire sur base de cession de créance», explique Nagi Schoucair, PDG d’Ipso Facto.
«L’achat des factures ou des traites de nos clients peut s’effectuer sans recours (c’est-à-dire de façon ferme, définitive et irrévocable) ou encore d’une façon conditionnelle. Dans ce cas, si l’acheteur ne paie pas, notre client nous resterait redevable des montants. Les formules proposées sont modulables selon le profil du débiteur, puisqu’il demeure un élément-clé du maillon économique de notre client direct. Le produit proposé par Ipso Facto correspond aux créances à court terme dont les délais de remboursement ne dépassent pas les six mois. Il s’agit aussi des créances interentrepises», dit M. Schoucair.

À quel prix?

Le coût des services n’est pas fixe. Il dépend de la qualité du portefeuille du client, c’est-à-dire du risque et du volume de la créance achetée par la société d’affacturage. Celle-ci perçoit en contrepartie deux commissions: la commission de factoring et la commission d’avance sur le financement. La première représente un pourcentage de la facture achetée et la deuxième rémunère les avances payées sur la créance. Celle-ci s’aligne sur le taux débiteur bancaire classique appliqué sur le marché. Une fois l’analyse financière du client achevée et l’approbation des lignes de crédit accordées, la commission devient fixe pour le client. «C’est notre corps de métier, l’encaissement. Cela dit, nous recouvrons les factures 10 à 15% plus vite que les entreprises», souligne le PDG d’Ipso Facto.
Combien de fois relancez-vous les clients pour le recouvrement des factures? «Tout dépend des secteurs d’activité», dit-il. Certains secteurs sont très lents, comme le secteur hospitalier, en raison notamment des arriérés que l’État lui doit. Dans d’autres secteurs, comme celui de la publicité, l’encaissement est nettement plus rapide. Les opérations d’affacturage sont nombreuses dans l’alimentaire, le commerce des jouets et des articles de sport.
«C’est le marché qui nous a conduits vers ces secteurs», souligne M. Schoucair.
L’affacturage comble certaines lacunes au niveau du financement des entreprises par les banques. Cet outil de financement est d’autant plus adapté aux petites et moyennes entreprises qu’il peut accorder à un même client plusieurs lignes de crédit suivant la qualité de ses débiteurs.
Mais même des multinationales figurent parmi les clients d’Ipso Facto.
Le factoring permet aux entreprises de maîtriser toutes les contraintes financières que génère leur croissance et d’améliorer la gestion financière de leur poste-client et de leur trésorerie.

Ipso Credit Watch

Ipso Facto fait une gestion statique de son client. Ipso Credit Watch (ICW), une société-sœur, lancée il y a près de deux mois, est chargée d’une gestion dynamique du portefeuille des débiteurs du client initial. Elle a été créée pour répondre à un besoin pressant des acteurs économiques preneurs de risques de s’informer sur le profil des entreprises. ICW fait du rating, du scoring, de la gestion du risque, ou tout ce qu’on appelle le “Business Intelligence”. «Étant donné qu’on ne peut appliquer les modèles étrangers, on réfléchit par secteur», affirme Iyad Boustani, responsable au sein d’ICW.
À partir de panels de statistiques par secteur d’activité, ICW réussit à dessiner un profil pour chaque entreprise et à connaître le risque approximatif à prendre. Le risque d’erreurs ne dépasse pas généralement les 10 à 15%. «Nous appliquons des méthodologies qui nous permettent par extrapolation, par des statistiques sectorielles de pouvoir jauger l’entreprise», souligne M. Boustani. La banque de données dont ICW dispose couvre - paraît-il - plus de 200 000 entreprises.

En attendant un code spécifique

Le vide juridique au niveau d’une réglementation spécifique de l’affacturage soulève un problème de taille pour les différents acteurs économiques concernés. Les sociétés d’affacturage au Liban, bien qu’elles s’adonnent à une activité financière, sont soumises au régime juridique appliqué aux sociétés commerciales. Jusqu’à présent, la BDL assimile l’affacturage à un achat de créance. Elle laisse donc faire jusqu’à nouvel ordre sous forme de société commerciale. «Il manque une législation qui réglemente tous les outils de financement modernes», dit M. Schoucair.
L’interprétation des articles 178 et suivants du Code de la monnaie et du crédit libanais donnée par la Banque centrale affirme que rien dans les textes ne soumet l’activité de l’affacturage à son contrôle ou à sa tutelle. «Entre la Banque centrale et Ipso Facto, il y a une relation de suivi et de bonnes relations à l’initiative de l’entreprise», affirme M. Schoucair. Il estime par ailleurs qu’Ipso Facto est confrontée à la lenteur de la machine judiciaire, le statut de la facture n’étant pas aussi solide que celui d’une traite.
La récession économique a d’ailleurs compliqué les opérations de recouvrement des factures. «Il y a une activité. Mais il y a un manque de liquidités dans le pays. Ceci nous pénalise et rend l’encaissement plus difficile», dit-il.

Regard vers l’international

Partenaire avec la Société française de factoring (SFF), Ipso Facto cherche à s’assurer une expansion à l’international et un transfert d’un savoir-faire actualisé. À partir d’octobre, Ipso Facto introduira un produit de factoring international permettant aux exportateurs libanais de vendre à l’étranger sur base de compte courant et évitant par là même les lourdeurs des procédures de lettres de crédit.
L’affacturage, le marché local y a été réceptif à coup d’une forte campagne de sensibilisation et d’information. Il fallait faire passer le message que l’affacturage n’allait rien changer à la relation commerciale entre le vendeur et l’acheteur.