L’accord de Doha et l’élection présidentielle vont probablement redynamiser le secteur touristique au Liban. La saison estivale aura été sauvée in extremis après plusieurs étés identiques : une catastrophe les précéde toujours. L’assassinat de Rafic Hariri en février 2005, l’offensive d’Israël contre le Liban en juillet 2006, la crise de Nahr el-Bared en mai 2007 ou encore le retour de la guerre des rues à Beyrouth et dans la Montagne en mai 2008.
Pour la quatrième année consécutive, les “événements” (un doux euphémisme apprécié des Libanais depuis la guerre de 1975-1990) ont failli anéantir les espoirs du secteur touristique, déjà bien essoufflé. Le choc a été d’autant plus dur, que l’année 2004, qui a précédé ces crises, était une année record au Liban pour les gens du métier, sans parler de la croissance fulgurante que connaissent des pays voisins comme la Jordanie, l’Égypte ou même la Syrie qui accroît la frustration du Liban.
La saison estivale est cruciale au Liban, qui a l’habitude de recevoir ses expatriés, retournant rendre visite à leur famille, ainsi que les Arabes du Golfe, mieux reçus au Liban qu’en Europe et aux États-Unis depuis septembre 2001, et qui fuient traditionnellement le climat étouffant de juillet et d’août dans leurs pays.
Avant les incidents de mai 2008, le Liban était déjà bon dernier de la liste des capitales arabes tant au niveau des montants d’investissement dans le secteur qu’au niveau des taux d’occupation des hôtels.
Beyrouth est ainsi bonne dernière sur une liste de dix capitales arabes avec un taux d’occupation des hôtels de 38,5 % en 2007 alors que la moyenne régionale est à 71,6 % et que Dubaï est à 84,2 %. L’enquête annuelle menée sur les hôtels au Proche-Orient en 2007 par Deloitte & Touche (voir Le Commerce du Levant, n° 5578, mars 2008) montre que le taux d’occupation des hôtels à Beyrouth est en 2007 en recul de 48,6 % par rapport à 2006. Le constat est le même dans l’étude réalisée par le cabinet Ernst & Young pour le premier trimestre 2008 : le taux d’occupation des hôtels à Beyrouth a été de 36 %. Il est certes en hausse de 4 % par rapport à la même période de 2007, mais il est le plus faible parmi 19 marchés répertoriés de la région. Le tarif moyen par chambre à Beyrouth a été de 123 dollars, inférieur au tarif moyen régional qui était de 198,3 dollars. Et le revenu par chambre disponible s’est situé à 45 dollars contre 42 dollars au cours du premier trimestre de l’an dernier.

Les restaurants à la peine

Les restaurants, qui sont globalement moins affectés que l’hôtellerie en raison de la vigueur de la demande interne, surtout à Beyrouth, ont été tout aussi touchés par la dernière crise. Ils ont été contraints de fermer leurs portes pendant quelques jours. Certains comme La Table d’Alfred ont dû annoncer par voie de presse que leur restaurant était encore ouvert. D’autres encore, comme Da Giovanni, ont fait coïncider leurs fermetures annuelles avec ces fermetures forcées. « Je continue d’être optimiste malgré tout, affirme Giovanni Casa copropriétaire et gérant de ce restaurant situé non loin du ring. Je continue d’ailleurs le chantier de Margherita, la pizzeria que nous sommes en train de développer à Gemmayzé, rue Gouraud, et qui devrait ouvrir début juin. »
Ramzi Adada et Dany Aprat qui ont formé la société Riva ont signé un contrat de gestion avec Salloum & Cie, la société exploitant le Riviera. S’ils avaient pris le parti d’avancer prudemment, ils pensent aujourd’hui lancer tout le projet, composé de trois restaurants et de plusieurs piscines. Eux aussi ont souffert de la situation, puisque le projet a pris du retard dû au manque d’ouvriers, tous partis au moment des troubles de Beyrouth.
Les repreneurs du Riviera ont investi huit millions de dollars pour racheter 75 % de l’hôtel. Parmi eux, la famille koweïtienne Sultan (qui vient aussi de racheter Monoprix et Géant) a repris à elle seule 40 % de l’établissement. Riva compte employer environ 240 personnes pour gérer la plage et les restaurants ; le processus d’embauche a pour sa part commencé.
Pour Ramzi Adada, également propriétaire du Asia, place Riad el-Solh, les événements de mai 2008 sont venus s’ajouter à d’autres problèmes politiques et sécuritaires dans le pays, puisque le sit-in du centre-ville en décembre 2006 lui avait déjà valu un manque à gagner en termes de profits nets de près de 1,5 million de dollars. Avec la levée du sit-in, le secteur retrouve le sourire. Performances hôtelières
(1er trimestre 2008)
Taux Rev. par Var. sur un
d’occupation chambre an du rev.
(%) (dol.) par ch. (%)
Dubaï – appt 93 198 22,1
Dubaï – plage 91 459 15,4
Dubaï-ville 90 244 17,0
Dubaï (global) 90 289 16,6
Abou Dhabi 88 268 20,2
Charm el-Cheikh 86 38 14,9
Riyad 84 164 25,9
Le Caire-ville 82 99 30,5
Le Caire (global) 83 95 32,5
Hurghada 81 44 20,9
Doha 79 245 21,6
Al-Aïn 76 128 39,3
Manama 75 169 22,3
Amman 67 87 36,9
Djeddah 64 83 0,7
Koweït 63 155 5,4
La Médine 44 46 -15,9
La Mecque 39 82 -11,8
Beyrouth 36 45 7,1.