La découverte au XVIIe siècle du premier spécimen de cygne noir en Australie (on les pensait alors tous blancs) illustre, pour Nassim Taleb, les limites de notre apprentissage par l’observation ou l’expérience : « Une seule observation est capable d’invalider une affirmation générale découlant du spectacle millénaire, entériné des millions de fois de cygnes blancs ; il suffit d’un seul (et très laid, paraît-il) cygne noir. » Au-delà de l’anecdote, l’expression Cygne Noir (avec majuscules) définit un événement improbable, une « valeur aberrante » ainsi que Nassim Taleb les nomme également dans son essai, dont les trois principales caractéristiques sont la rareté, un impact fort et une prévisibilité rétrospective. « Une poignée de Cygnes Noirs explique pratiquement tout du monde, du succès des idées et des religions à la dynamique des événements historiques et jusqu’à certains éléments de notre vie personnelle. »
Les Cygnes Noirs ne sont pas tous cependant des catastrophes négatives. Ils peuvent aussi avoir une valeur positive, « être liés à un heureux hasard », comme lors des découvertes fortuites de médicaments (ainsi de la pénicilline ou de certaines applications du laser). « La stratégie consiste alors à procéder au maximum par tâtonnements et à essayer d’engranger autant d’occasions que possible d’être exposé à l’éventualité de Cygnes Noirs. » Pour Nassim Taleb, cela induit d’abord de revoir notre grille de lecture du monde – en priorité accepter les limites de notre compréhension – et surtout de procéder de manière empirique, en n’excluant pas certains échecs.

Imprédictibilité des événements

Qui aurait pu prévoir la crise latino-américaine de 1982 ? L’écroulement du fonds alternatif Capital Management LP en 1998 lequel, avec près de quatre milliards de pertes, a entraîné la faillite de nombreux investisseurs ? Le krach boursier des marchés américains d’octobre 1987 ? Ou même les attentats du World Trade Center de 2001 ? Personne, affirme NNT. « Nous faisons comme si nous étions capables de prévoir les événements historiques ou mieux, comme si nous étions capables de changer le cours de l’histoire. (…) Les Cygnes Noirs étant imprédictibles, nous devons nous adapter à leur existence (au lieu de tenter naïvement de les prévoir). (…) De fait, dans certains domaines comme ceux des découvertes scientifiques et des investissements sur le capital-risque, les bénéfices qu’on peut tirer de l’inconnu sont disproportionnés, puisqu’on a généralement peu à perdre et beaucoup à gagner d’un événement rare. »

L’inégalité économique : les lois du hasard

Si la prise de risque est inhérente au capitalisme, c’est aussi le propre du capitalisme que de générer des Cygnes Noirs. D’une certaine façon, il s’agit d’un mode de régulation sauvage. Pour mieux exprimer son idée, Nassim Taleb rappelle les statistiques suivantes : sur les 500 plus grandes entreprises américaines en activité en 1957, seules 74 étaient encore mentionnées au sein du palmarès des Standard & Poor’s 500, 40 ans plus tard. Elles avaient fusionné avec d’autres, perdu de leur importance, ou tout simplement fait faillite. Ce qui intéresse Nassim Taleb ici, c’est de constater que ces entreprises se situaient aux États-Unis, pays du capitalisme roi par excellence. « Plus un pays penchait vers le socialisme, plus (ces grandes entreprises) parvenaient à s’y maintenir. Pourquoi est-ce le capitalisme (et non le socialisme) qui les a détruites ? (…) Les partisans de la liberté économique affirment qu’ils ne représentent aucune menace, parce que la concurrence permet de les maîtriser. Ce que j’ai vu à la Wharton (école de commerce américaine où Nassim Taleb a finalisé un MBA, NDLR) m’a convaincu que la vraie raison de ce phénomène réside dans une bonne dose d’autre chose : la chance. » Car, au même titre que les individus, c’est la chance qui, pour une très large part, explique le succès (ou l’échec) des entreprises. En développant un produit, une ligne, elles peuvent tout aussi bien supplanter les entreprises concurrentes que faire faillite. « En d’autres termes, le capitalisme permet de régénérer le monde en offrant la possibilité d’avoir de la chance ; c’est le facteur d’égalité par excellence, parce que quasiment tout le monde peut en bénéficier. Les gouvernements socialistes protégeaient leurs monstres et, ce faisant, ils tuaient dans l’œuf les nouveaux arrivants. »

La mondialisation accélère la survenue de Cygnes Noirs

Mais, avec le passage à l’ère industrielle, puis l’accélération de la mondialisation, la survenue de Cygnes Noirs s’accélère. Plus un système est stable ou global en apparence, plus, en fait, il est parcouru de tensions souterraines, qui fragilisent son fonctionnement. « En d’autres termes, la mondialisation produit des Cygnes Noirs foudroyants. Les institutions financières ont fusionné les unes avec les autres, donnant naissance à un nombre restreint de banques. Elles sont désormais presque toutes liées entre elles. Du coup, la chute de l’une entraîne celle des autres. La concentration des banques semble avoir pour effet de rendre les crises financières moins probables, mais quand elles se produisent, c’est à une échelle plus globale. » Cette idée, qui s’appuie sur “l’effet papillon” (le battement des ailes d’un papillon en Inde peut aboutir à une tornade aux États-Unis), illustre, selon l’auteur, l’équilibre entre volatilité et stabilité. Ainsi, dans l’industrie de la finance, certains banquiers sont, selon Nassim Taleb, assis sur une poudrière « mais se leurrent parce que leurs opérations semblent ronronner et manquent de volatilité ».

Être sceptique, où l’humilité revendiquée

« Dans la logique du Cygne Noir, ce qu’on ne sait pas, compte beaucoup plus que ce que l’on sait. » Cette vérité, pour Nassim Taleb, renvoie les experts et autres statisticiens à leur placard. Puisqu’un événement extrême ne peut guère se prévoir, les modèles mathématiques qui tentent de calculer l’avenir ou les rendements futurs d’un fonds sont obsolètes quand ils ne s’avèrent pas être une véritable supercherie intellectuelle, selon lui. L’assurance, l’arrogance de certains est alors d’autant plus dangereuse que leur aveuglement peut générer des Cygnes Noirs. Ce sont les “fous de Loecke”, des savants qui tiennent un raisonnement rigoureux (et honnête), mais sur la base d’hypothèses erronées. Ils créent ainsi des modèles d’incertitudes qui rendent le monde encore plus vulnérable aux Cygnes Noirs. « Eu égard à notre compréhension erronée des liens de causalité entre politique et actions, il est facile de déclencher des Cygnes Noirs, à cause d’un mélange d’ignorance et d’offensivité – comme un enfant jouant au “Petit chimiste”. »

Quand la normalité n’est pas la norme

Pour Nassim Taleb, il y a deux manières d’envisager le monde. La première consiste à se concentrer sur l’ordinaire, le “normal”. C’est ce que font les adeptes de la courbe en cloche, dite aussi courbe de Gauss (du nom de son inventeur), qui leur permet de calculer les chances de la survenue de différents événements, ce qu’on appelle une distribution. La courbe de Gauss fait apparaître une cloche où se concentrent les plus grosses moyennes, mais rejette les phénomènes qui se démarquent de l’attendu dans ses parties extrêmes, sur ses bords. Ne sachant pas ainsi comment les traiter, elle ignore les écarts. La seconde manière de concevoir le monde, celle que préconise Nassim Taleb, est de considérer que, pour comprendre un événement, « il faut commencer par prendre en compte les extrêmes – surtout si, comme le Cygne Noir, ceux-ci véhiculent un effet cumulatif extraordinaire ».

Médiocristan versus Extrêmistan

Pourquoi prendre en compte les extrêmes, plutôt que la moyenne ? Parce que nous vivons dans un monde dominé par l’extrême. Pour mieux se faire comprendre, Nassim Taleb distingue deux formes de hasard : le Médiocristan et l’Extrêmistan. Dans un stade, écrit-il, faites l’expérience suivante : alignez un échantillon de mille personnes représentatives. À ce panel, ajoutez l’homme le plus gros de la planète, quelqu’un qui, par exemple, pèserait 250 kilos. Quelle serait son incidence sur l’ensemble ? Insignifiante : l’homme le plus gros ne représenterait pas plus qu’une part infime du poids total de l’échantillon. Si vous augmentez la taille de l’échantillon, la part que l’homme le plus gros de la planète représentera sera même quasi inexistante. « Dans la province utopique du Médiocristan, chaque événement ne représente pas grand-chose pris individuellement – seulement collectivement. Je peux énoncer comme suit la règle du Médiocristan : quand l’échantillon est large, aucun événement ne peut modifier de manière significative l’agrégat ou le tout. Même s’il est impressionnant, le phénomène observé sera finalement insignifiant par rapport au tout. » Certaines professions, relate Taleb, appartiennent au monde du Médiocristan telles que dentiste, consultant, masseur professionnel… ou prostituée. « Si vous êtes prostituée, vous travaillez à l’heure et êtes (en général) payée à l’heure. De plus, votre présence est (je suppose) nécessaire pour dispenser les services que vous proposez. » Nulle surprise possible dans le déroulement des journées d’un dentiste (ou d’une prostituée). Quelle que soit la qualité de son engagement, de sa constance à l’ouvrage, ses revenus ont peu de chance de varier soudainement. La règle toutefois change du tout au tout, lorsque l’Extrêmistan domine. Nassim Taleb reprend son échantillon de 1 000 personnes, mais, cette fois, lui adjoint l’homme le plus riche de la planète, Bill Gates, dont la fortune est estimée à 80 milliards de dollars. Quelle part de la richesse globale, Bill Gates représenterait-il ? La réponse : 99,99 %. « Si vous avez affaire à des quantités relatives à l’Extrêmistan, vous aurez du mal à vous représenter la moyenne de n’importe quel échantillon observé, puisqu’elle peut dépendre énormément d’un seul et unique phénomène observé. (…) En Extrêmistan, un seul élément peut facilement avoir un effet disproportionné sur le tout. » Le monde de la finance (comme celui des arts) est dominé par l’Extrêmistan. Il est soumis à la tyrannie « du singulier, de l’accidentel, de l’imprévu ». Lorsque l’Extrêmistan domine votre vie, à l’image de l’écrivain ou du spéculateur, « vous pouvez gagner ou perdre toute votre fortune en l’espace d’une seule minute ». C’est en Extrêmistan que se produisent les Cygnes Noirs (non pas qu’ils soient impossibles en Médiocristan, simplement leurs conséquences y sont limitées). Or, affirme Nassim Taleb, les outils statistiques que nous employons pour analyser, voire prédire, les événements en Extrêmistan ne sont pas adaptés : ils s’appuient sur une vision moyenne, de type Médiocristan.

Le scepticisme comme grille de lecture du monde

Quelle solution dans ce cas ? Procéder, affirme Taleb, de manière empirique. Car Nassim Taleb a, au moins, tiré une leçon de son adolescence pendant la guerre civile libanaise : nous ne comprenons pas grand-chose de notre passé. Quand on regarde l’histoire, avance-t-il, on ne la voit pas dans toute son ampleur, mais seulement par petits bouts fragmentés, qui plus est, les plus flatteurs. Nous sommes de surcroît à peu près incapable de cerner l’avenir. « L’histoire est opaque. On voit le déroulement des événements, non le script qui le produit – le générateur de l’histoire. Il y a quelque chose de forcément incomplet dans notre compréhension de ces événements, car on ne voit pas ce qu’il y a à l’intérieur de la boîte, le fonctionnement du mécanisme. » Nos explications d’un événement, pour ce qu’elles valent, interviennent de fait toujours a posteriori pour donner un sens, ce que Nassim Taleb nomme une « illusion de compréhension ». Car notre esprit se montre incapable d’accepter l’idée d’imprédictibilité. La nature humaine s’y refuse. « La catégorisation conduit toujours à minimiser la complexité réelle des choses. » Notre esprit cherche une causalité, un enchaînement, qui lui permette d’accepter la survenue d’événements. C’est cependant un leurre, ce que Nassim Taleb dénomme une erreur de perception. « L’histoire et les sociétés ne rampent pas, elles sautent ; elles vont de fracture en fracture et sont soumises dans l’intervalle à quelques vibrations. » Accepter de n’avoir guère de prise sur les événements, mais chercher par l’observation à progresser : voilà ce qui définit les empiriques sceptiques antiques, des médecins, « les seuls qui ne tuaient pas leurs patients », dont Nassim Taleb revendique l’héritage. « Ils bricolaient jusqu’à trouver quelque chose qui marche. Ils faisaient le minimum de théorie. » Pour Nassim Taleb, un seul conseil prévaut donc : connaître l’histoire, certes, mais sans chercher à donner un sens, une causalité. « Apprenez à lire l’histoire, accumulez autant de connaissances que vous pouvez, ne méprisez pas l’anecdotique, mais n’établissez aucun lien de causalité, n’essayez pas de pratiquer à outrance l’ingénierie inverse – et si vous le faites, gardez-vous des grandes prétentions scientifiques. Souvenez-vous que les sceptiques empiriques respectaient la coutume : ils s’en servaient à défaut d’autre chose, comme d’une base pour l’action, mais c’est tout. »

Les fractales pour cerner le hasard

Dans le cadre d’une méthode d’analyse empirique, un élément peut aider à construire une théorie des risques en phase avec l’Extrêmistan : la géométrie fractale, que Benoît Mandelbrot a initiée. « La fractalité est la répétition à des échelles différentes de modèles géométriques révélant des versions de plus en plus petites d’eux-mêmes », rappelle Taleb. Selon cette théorie, tout se répond dans l’univers, chaque partie infinitésimale ressemble au tout, à l’image de la relation entre macrocosme et microcosme à laquelle croyaient les anciens. « Les veines des feuilles ressemblent à des branches ; les branches ressemblent à des arbres ; et les rochers à de petites montagnes. Quand la taille d’un objet change, il n’y a pas de changement qualitatif. (…) Cette caractéristique d’autoaffinité implique qu’un ordinateur ou, de manière plus aléatoire, Mère Nature peut utiliser une règle d’itération d’une brièveté et d’une simplicité trompeuses pour construire des formes apparemment très complexes. » Quel rapport cependant avec le monde de la finance ? La géométrie fractale s’applique aussi au hasard, aux événements improbables qu’elle peut aider à concevoir. « Les mesures numériques ou statistiques de la fractale restent (grosso modo) les mêmes à toutes les échelles – contrairement à ce qui se passe avec la courbe de Gauss, le ratio est le même. » Les fractales permettent d’accepter que des variables aléatoires interviennent dans la mise en œuvre d’événements extrêmes. Utilisées “par défaut”, comme une approximation ou un “cadre”, les fractales, a minima, permettent ainsi d’envisager la possibilité d’événements rares et imprédictibles, et donc de mieux s’y préparer.

Stratégie des Haltères

Nassim Taleb ne prône pas la résignation face à un avenir incertain, loin s’en faut. Il affirme, au contraire, qu’une méthode empirique et sceptique permet de ne pas se retrouver dans la position “du dindon de la farce”. Comment ? Simplement en cherchant à s’exposer le plus souvent possible aux Cygnes Noirs positifs « tout en restant paranoïaque vis-à-vis de ceux qui sont négatifs ». Pour s’y exposer de manière positive, Nassim Taleb suggère d’appliquer à la vie (ou à son portefeuille) ce qu’il nomme la « stratégie des Haltères ». Partant du principe qu’un portefeuille à profil de risque modéré ne signifie rien – puisqu’on est dans l’incapacité de mesurer le risque –, il préconise de placer 80 à 90 % de son argent dans des instruments extrêmement sûrs tels des bons du Trésor et de placer les 10 à 20 % restants dans des produits extrêmement spéculatifs, aussi bien positionnés que possible, comme les options, de préférence, de capital-risque. « Non contentes de tirer parti des Cygnes Noirs, les options sur les paris très risqués en tirent profit de manière démesurée. (…) Les bénéfices que rapportent ces options sont tellement importants que l’on n’a pas besoin de voir juste les probabilités : on peut se tromper sur ce point et réaliser néanmoins des bénéfices colossaux. » En d’autres termes, pour espérer gagner le “gros lot”, mieux vaut accepter l’idée de perdre quotidiennement un peu de son argent en achetant des options (à la hausse ou à la baisse) sur le cours des devises par exemple, mais en pariant qu’un jour l’allocation bénéficiera d’un événement exceptionnel, d’un Cygne Noir positif, qui vous permettra de “rafler la mise”. « Ainsi, vous ne dépendrez pas des erreurs de gestion des risques, aucun Cygne Noir ne pourra vous porter préjudice au-delà de votre “plancher”, le pécule que vous aurez placé dans des produits hypersécurisés. » Autre possibilité pour s’exposer aux “bons” Cygnes Noirs, choisir un portefeuille spéculatif et l’assurer (si possible) contre les pertes de plus de 15 %. « Vous réduirez votre risque incalculable, celui qui pourrait vous nuire. Plutôt qu’un risque moyen, vous aurez un risque élevé d’un côté et pas de risque du tout de l’autre. La moyenne donnera un risque modéré, mais représentera une exposition positive à l’éventualité d’un Cygne Noir. »

Attention nouvelle race : le Cygne Gris

Pour qu’un Cygne Noir soit (ou reste) noir, une règle s’impose : « Il faut qu’on se fasse avoir par lui. » Or, rappelle Nassim Taleb, nombre d’événements rares peuvent nous dévoiler leur structure : s’il n’est pas facile de calculer leur probabilité, il est cependant possible d’en deviner les contours généraux. Ainsi, pour Nassim Taleb, la crise des “subprime” n’est pas un Cygne Noir, plutôt “un Cygne Blanc” tant, pour lui, qui avait passé son temps à mettre les banquiers en garde, un risque réel de krach existait. Quand on le devine, le Cygne Noir devient un Cygne Gris ! Comment cependant passer de l’un à l’autre ? En utilisant ce que Nassim Taleb nomme « le hasard fractal » ou « Mandelbrotien », du nom du fondateur de la théorie des fractales, le mathématicien Benoît Mandelbrot. « Si l’on sait que le marché boursier peut effectivement s’effondrer, comme ce fut le cas en 1987, un tel événement n’est pas un Cygne Noir. Si l’on emploie une fractale avec un exposant de trois, cet effondrement n’est pas un ovni. Si l’on sait que les sociétés biotech peuvent développer un médicament, qui fera un tabac, ce sera une réussite bien plus énorme que tout ce qu’on a vu jusqu’à présent, ce ne sera pas un Cygne Noir et, si ce médicament fait effectivement son apparition sur le marché, on ne sera pas surpris. » Ce qu’il appelle ainsi des « Cygnes Gris » sont alors des événements plus ou moins prévisibles (pour l’homme ou le spéculateur averti) tels des tremblements de terre, des livres ayant un succès retentissant, ou encore des krachs boursiers – mais dont les propriétés demeurent en partie incompréhensibles (et pour lesquels il n’est donc pas possible de réaliser des calculs précis.)
Les théories de Benoît Mandelbrot n’ont cependant pas réponse à tout. Ainsi que le note Nassim Taleb, c’est une « lueur d’espoir », une voie à explorer. Certains événements restent malgré tout de purs Cygnes Noirs. De cette race “sauvage”, qui pourrait bien faire basculer l’humanité dans le chaos. « J’ai passé ma vie entière à étudier le hasard, à le pratiquer, à le détester. Plus le temps passe, plus les choses me semblent s’aggraver, plus je me mets à avoir peur, et plus Mère Nature me dégoûte. Plus je réfléchis à mon sujet, plus je découvre des preuves que le monde que nous avons en tête diffère de celui qui se joue à l’extérieur. Il m’apparaît chaque matin plus aléatoire que la veille et les êtres humains semblent encore plus dupes de lui qu’ils ne l’étaient hier. Cela devient insupportable. Il m’est pénible d’écrire ces lignes ; je trouve le monde révoltant. »