Après avoir longtemps été l’apanage de fast-foods américains de type McDonald’s ou Burger King, voire de certains restaurants libanais de montagne, les espaces de jeux pour enfants sont en train de faire leur apparition au Liban dans un segment du marché plus haut de gamme, comme par exemple l’ABC Achrafié, qui a récemment inauguré une aire de jeux de 850 m2 ou des restaurants comme le Living Colors et le Peninsula, inaugurés l’un début octobre 2008 et l’autre en août 2007.
Ce “kid’s business” répond à un réel besoin des parents d’enfants en bas âge. La totalité des personnes interrogées pour cet article disent d’ailleurs avoir investi dans le concept en se fondant sur leur propre expérience. « Étant moi-même père, je sais à quel point il est difficile de trouver un lieu où l’on peut emmener les enfants », témoigne Raymond Baroudi, propriétaire du Peninsula à Dbayé. Son établissement qui accueille près de 450 personnes les dimanches offre une pelouse de 5 000 m2 pour que les petits gambadent pendant que les adultes dégustent un menu italien sophistiqué. « Un fast-food n’offrirait pas la même expérience », explique Raymond Baroudi.
C’est dans ce même esprit que Jean-Paul Ramy, directeur de Blends Food Development, une entreprise qui a développé le Waterlemon et le Café Blanc, a eu l’idée d’ouvrir un restaurant adapté aux enfants, Living Colors d’un invetissement total de 1,8 millions de dollars. « J’ai quatre enfants, dit-il. Les lieux qui leur sont adaptés se comptent sur les doigts d’une main. » Une pénurie dont il compte profiter pour optimiser son taux de remplissage : « Si l’on considère qu’il faut sortir les enfants deux fois par semaine, et qu’il n’existe que cinq destinations possibles, les enfants reviendront chez nous au moins deux fois par mois. » Ce nouveau “diner” s’étend sur 1 000 m2 à l’intérieur et près de 2 000 m2 à l’extérieur, le tout spécifiquement équipé pour les jeunes.

De gros investissements

L’espace est la principale contrainte du “kids’ business”. « On me demande pourquoi je n’ouvre pas à Achrafié, dit Baroudi. Tout simplement parce que c’est impossible de trouver une parcelle de 12 000 m2 à Beyrouth et, le cas échéant, son prix serait rédhibitoire. » L’investissement est en revanche amortissable hors de la capitale. Baroudi a dépensé quelque 3,5 millions de dollars sur cet établissement à Dbayé et alloué plus de 140 000 dollars à des jeux divers sophistiqués importés des États-Unis (toboggans et balançoires...) qu’il met gracieusement à la disposition de ses clients. « Certains parents ne boivent qu’un café pendant que leurs enfants jouent gratuitement tout l’après-midi. »
Le Living Colors facture quant à lui l’accès à l’aire de jeux 8 000 livres par tête (un peu plus de cinq dollars). « C’est symbolique, précise Jean-Paul Ramy. Mais un enfant qui passe deux ou trois heures à jouer finit par avoir faim et les parents voudront manger aussi. » L’entrée du Jungleland de l’ABC Achrafié est de 5 000 livres la première heure (un peu plus de trois dollars) et de 3 000 livres pour chaque heure supplémentaire, pour éviter que les parents ne profitent d’un espace gratuit pour aller faire leur shopping ailleurs, comme cela se produisait par le passé, explique Nicole Maassab, partenaire gérante du projet à travers sa société, Le Club des deux clowns.
Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas le tarif d’accès à l’espace de jeux qui assure la rentabilité du projet. Pour l’ABC, celui-ci a coûté 400 000 dollars. « Évidemment, l’ABC pourrait faire beaucoup plus d’argent en louant cet espace à différents magasins, dit Tania Ezzedine directrice du marketing et de la communication. Mais nous considérons cet investissement comme un service intégré à l’offre de l’ABC dont il faut prendre en compte le chiffre d’affaires de façon globale. »
Si à l’ABC, la possibilité de confier ses enfants accroît les ventes du grand magasin et des boutiques du centre commercial, dans les restaurants, comme Living Colors et Peninsula, les recettes proviennent de repas servis à une clientèle adulte classique – déjeuners d’affaires en semaine – que les deux établissements fidélisent à travers leurs enfants. « Notre avantage est d’avoir acquis très vite une base de clientèle énorme », dit Jean-Paul Ramy, qui attire 500 enfants chaque week-end. Même son de cloche chez Raymond Baroudi du Peninsula qui considère l’aire de jeux comme une stratégie marketing. « C’est grâce aux enfants que nous avons connu une expansion aussi rapide. Nous en accueillons une cinquantaine chaque après-midi. Leurs parents sont incités à dîner chez nous. »
Mais la véritable vache à lait, ce sont les anniversaires. Le Living Colors et Jungleland affichent complet chaque après-midi jusqu’à février, et le Peninsula, qui organise des anniversaires de juin à septembre, a déjà sept réservations pour l’été prochain. Pour Living Colors, les anniversaires représentent 50 % du chiffre d’affaires du play-space, l’espace enfant. Les habitudes libanaises en la matière sont une vraie manne : finis les pains au lait et les mini-croissants, les enfants (ou plutôt leurs parents) veulent désormais des “pastas stations” et des pizzas italiennes servies sur des planches de bois. Au Peninsula, le buffet est de 800 dollars au minimum et les jeux gonflables à louer coûtent jusqu’à 650 dollars l’un. Quant au Living Colors et à Jungleland, ils proposent des anniversaires complets, avec des options d’animations, de magiciens et même des cadeaux de retour pour un minimum de 340 dollars pour l’un et de 210 dollars pour l’autre. Peninsula
Ticket moyen des repas : enfant : 12 dollars ; adulte : 35-40 dollars.
Investissement : 3,5 millions de dollars. Durée de l’amortissement : deux ans. Nombre moyen de repas servis un dimanche : 450 repas.

Living Colors Ticket moyen des repas : enfant : 10 000 LL ; adulte : 20 000 LL. Investissement : 1,8 million de dollars. Durée de l’amortissement : NC. Nombre moyen de repas servis un dimanche : 500 repas.

Jungleland (ABC)
Entrée : 3 dollars minimum.
Investissement : 400 000 dollars.