Après s’être annoncée morose durant les premiers mois, puis catastrophique du fait des combats de mai, l’année 2008 s’est finalement révélée excellente pour le tourisme. Entre janvier et décembre, le Liban a accueilli 1 332 551 touristes, selon le ministère du Tourisme, soit 31 % de plus qu’en 2007 et autant qu’en 2004, l’année qui représentait un record absolu au Liban depuis 1974 en matière de fréquentation touristique.
Cet afflux a généré des recettes de plus de six milliards de dollars.
Autre record, le nombre de passagers qui ont emprunté l’aéroport international de Beyrouth (arrivées, départs, transit) s’est élevé à 4 085 334 personnes sur l’année, soit une hausse de 19,8 % par rapport à 2007.
L’accord de Doha, signé fin mai, a créé un véritable déclic, en rétablissant un climat de relative confiance (début de stabilisation politique, lancement du dialogue national sous le patronage du président Sleiman) et en favorisant ainsi le retour des touristes. L’été, particulièrement dynamique (412 155 touristes en juillet et en août), a été suivi par les fêtes (al-Adha, Noël, Nouvel An), qui ont permis de prolonger les bons résultats saisonniers.
Les principaux hôtels ont atteint des records de 100 % d’occupation à l’occasion de Noël et du Nouvel An. Pour Pierre Achkar, président du Syndicat des hôteliers, la période des fêtes a été « excellente », avec un taux global d’occupation pour les hôtels de Beyrouth de 81,5 % en décembre.
Sur l’année, 75,2 % des visiteurs auront gagné le Liban entre juin et décembre. Ce que reflète la courbe du taux d’occupation des hôtels de Beyrouth qui est ainsi passée de 43 % en janvier à 29 % en mai, puis 61 % en juin, 69 % en juillet, pour atteindre 91 % en août – un niveau que le Liban n’avait plus atteint depuis 2004. Les tarifs par chambre ont suivi cette évolution, passant de 115 dollars en moyenne sur les quatre premiers mois de l’année, contre une moyenne régionale de 180,7 dollars, à 164 dollars sur les huit premiers mois de l’année, soit une progression de 74 % par rapport à l’année 2007. Sur la période, le revenu disponible par chambre est passé de 42 dollars en début d’année à 84 dollars.
Cet essor a profité essentiellement aux régions de Beyrouth et du Mont-Liban, puis au Nord, non seulement du fait de leur plus grande capacité hôtelière, mais également parce qu’ils sont perçus comme des lieux plus sûrs, au contraire des régions du Sud ou de la Békaa – la laissée-pour-compte en matière de tourisme, malgré la richesse de sites comme celui de Baalbeck. À Tyr, l’activité touristique reste également très faible, s’appuyant en grande partie sur la clientèle des militaires de la Finul en poste au sud du Litani.
Ces bons résultats devraient relancer certains projets en suspens dans le secteur du tourisme. La croissance du flux de visiteurs et les perspectives de développement du marché libanais en 2004 avaient en effet encouragé les développeurs, notamment au niveau de l’hôtellerie, à investir dans de nouvelles structures. Une démarche qui bénéficiait d’un bon accueil, alors que le marché libanais doit élargir sa capacité d’accueil durant les périodes de pic, et que la présence des chaînes internationales et régionales contribue à une plus grande visibilité du pays sur le marché mondial du tourisme.
L’instabilité politique des dernières années a conduit au report de certaines ouvertures programmées en 2008. Elles sont attendues pour 2009, bien qu’aucune annonce officielle n’ait encore été faite en ce sens. À défaut, si le tourisme poursuit la tendance enregistrée au cours du second semestre de 2008, l’offre de chambres d’hôtel pourrait se révéler défaillante en 2009, plus particulièrement à l’occasion des Jeux francophones que le Liban accueillera en septembre prochain.
Contrairement à l’hôtellerie, le secteur de la restauration, pour sa part, a connu une « forte croissance » au cours des deux dernières années, malgré les soubresauts sécuritaires, et grâce à la demande intérieure, selon le Syndicat des propriétaires de restaurants, cafés et boîtes de nuit. C’est ainsi que 360 nouveaux restaurants ont obtenu des licences en 2007-2008, selon Paul Ariss, président de l’organisation. Parmi les régions connaissant l’élan le plus notable : Gemmayzé, Hamra, Verdun, Antélias et Dbayé. Dans son ensemble, la restauration dans le Grand Beyrouth – jusqu’à Jounié – a enregistré une augmentation de 30 % de son chiffre d’affaires par rapport à 2007, estime Paul Ariss. « 2008 a été une année faste pour le secteur, dans tout le pays durant l’été, et particulièrement pour le Grand Beyrouth durant les fêtes, précise-t-il. Les pubs et cafés ont réussi à doubler le nombre de couverts servis pendant les fêtes, tandis que les restaurants de standing étaient pleins et réservés plusieurs jours à l’avance. ».
Un point noir néanmoins dans ce tableau : les difficultés rencontrées par les restaurants du centre-ville de la capitale, qui n’ont toujours pas retrouvé leur activité d’avant 2006. « Sur les quelque 104 restaurants répertoriés avant le sit-in, il n’y en a plus que 40, et seules une dizaine d’adresses autour de la municipalité continuent de bien fonctionner », rapporte Ariss.
Enfin, au niveau des plages, alors que des ouvertures d’établissements balnéaires avaient eu lieu chaque été depuis 1999, aucune n’a été signalée en 2008, et il faudra attendre probablement un an ou deux avant de voir de nouvelles enseignes. Il s’agit là d’une conséquence, à retardement, de la guerre de 2006. Mais cela traduit aussi le fait que les barrières à l’entrée sur ce marché sont désormais beaucoup plus élevées (notamment les loyers), alors que le panel d’offres est déjà étoffé. Particularité du secteur en 2008, le recentrage effectué sur Beyrouth, avec l’ouverture de la plage du Riviera, dont l’investissement a été de l’ordre de 10 millions de dollars. Ce recentrage s’explique par les nouvelles opportunités offertes à Beyrouth mais aussi par la tendance actuelle à favoriser l’offre de proximité.
Les bonnes performances du secteur touristique n’ont cependant pas été sans difficultés : la crise traversée par le Liban depuis 2005 a provoqué une émigration importante de la main-d’œuvre qualifiée vers les pays voisins. Et de fait, au démarrage de la saison 2008, les ressources humaines ont manqué, notamment au niveau des établissements balnéaires (Voir Le Commerce du Levant n° 5586, novembre 2008). La situation s’est néanmoins améliorée au moment des fêtes, pour les hôtels et les restaurants. Cette difficulté devrait finir de se résorber, puisqu’on assiste aujourd’hui à un flux contraire, c’est-à-dire à un retour des expatriés employés dans le secteur touristique.
Outre les orientations qu’il doit définir pour se placer sur le marché régional en expansion, le Liban doit aussi relever plusieurs défis : restructuration du réseau routier, amélioration de l’infrastructure touristique (assistance technique à apporter à de nombreux sites, promotion et développement commercial, renforcement des bureaux d’informations touristiques), développement du système de télécommunications (téléphonie et Internet).
À plus court terme, le Liban pourra-t-il confirmer les chiffres de l’année dernière en 2009 ? Les acteurs de l’industrie du tourisme font preuve de prudence. Certes, des événements, comme les Jeux francophones, auxquels près de 10 000 athlètes doivent prendre part – sans compter les officiels, les journalistes et les spectateurs –, sont une opportunité pour le pays. Réussir son organisation, grâce aux efforts des secteurs public et privé, favorisera aussi le repositionnement du Liban sur la carte du tourisme mondial.
Mais l’année est également marquée par des échéances électorales importantes, aux niveaux régional et national, alors que les élections parlementaires ont été fixées au 7 juin. De quoi nourrir un climat d’expectative. « Les élections sont source d’inquiétude. Nous prévoyons que les mois d’avril et de mai seront probablement difficiles. Ensuite, cela dépendra du niveau de stabilité politique », estime Pierre Achkar.
Les années précédentes ont montré la fragilité du marché du tourisme libanais, pénalisé au premier incident sécuritaire. De plus, la crise financière mondiale pourrait ralentir les activités, même si elle semble avoir pour l’heure plutôt servi l’afflux touristique vers le Liban au cours du dernier trimestre, en positionnant le pays comme destination plus proche et moins chère, au niveau régional. Si le marché a montré sa capacité de reprise en 2008, la croissance du tourisme en 2009 est donc tout sauf un fait acquis. Performance des hôtels du Moyen-Orient, janvier-avril 2008
Lieu Taux d’occupation Tarif moyen par Revenu disponible Évolution du revenu
(%) chambre (dol.) par chambre (dol.) disponible par chambre (%)
Moyen-Orient 74,3 180,7 134 19,4
Dubaï 88,6 356 315 12,5
Abou Dhabi 86,7 291 252 24,4
Mascate (Oman) 84,2 275 232 35,4
Doha 77,3 274 212 1,8
Manama (Bahreïn) 72,1 231 166 21,9
Riyad 82,8 249 206 22,9
Le Caire 83 125 104 31,3
Amman 54,5 129 83 37,1
Alexandrie 71,4 80 57 44,7
Beyrouth 36,8 115 42 20,5
Hurghada (Égypte) 76,2 45 34 23,3
Taba (Égypte) 68,1 36 25 107,7
Source : Hotel Benchmark Survey, enquête Deloitte.
Projets en développement et inauguration d’hôtels en prévision (échantillon)
Nom de l’hôtel Capacité d’accueil Date d’ouverture Emplacement
(chambres/suites) prévue
Raouche Rotana Suites 170 2009 Raouché
Hilton Beirut 167 2009 Centre-ville
Four Seasons 234 2009 Centre-ville
Grand Hyatt 354 2010 Centre-ville
Campbell Gray Hotel 100 2009 Centre-ville
Solidere Rotana Suites 250 2010 Centre-ville.