La concurrence télévisuelle, libanaise et panarabe, est à son apogée. À l’ère des satellites,
se faire une place devient de plus en plus difficile. Depuis le 1er juillet dernier, NBN a trouvé
un créneau différent : rien que des documentaires, des nouvelles et des talk-shows. Cette expérience à la CNN a-t-elle réussi ?

Nahi Ghorayeb, directeur général de NBN, nous raconte la naissance de cette idée. «Un groupe de réflexion mis en place a déduit qu’il y avait une place au Liban pour une chaîne de nouvelles. Le Libanais étant un accro de la politique, cette idée ne pouvait que marcher. Il fallait donc trouver une nouvelle formule qui ne soit pas ennuyeuse. Ainsi, les nouvelles sont éparpillées le long d’une grille rapide, c’est-à-dire des programmes de 5, 10, 15 ou 30 minutes. Pourquoi ? Parce que nous sommes à l’époque du zapping. Il existe cinq ou six chaînes libanaises et des dizaines de chaînes satellites réceptionnées au Liban avec plus de 35 % de pénétration à cause du piratage, d’autant plus que l’abonnement au “dish” ne coûte que 10 dollars par mois. Par ce moyen, nous “obligeons” le téléspectateur à zapper le moins possible. S’il est en train de regarder un beau programme de cinq minutes, il le suit, et dès qu’il se termine, il attend pour voir ce qui vient après. Si c’est aussi bon, il reste devant son petit écran, parce que les durées sont très courtes. En ce qui concerne la NBN, nous avons découvert que tout au long de la journée nous avons presque la même pénétration».
Si la pénétration est la même toute la journée, n’empêche que l’audience de la NBN est toujours en 5e position. En effet, le Libanais peut aimer les talk-shows, mais si l’invité n’a pas quelque chose de nouveau à dire (ce qui est rarement le cas), le téléspectateur peut se détourner facilement du programme. Surtout que les invités sont les mêmes sur toutes les chaînes locales. De plus, Nabih Berry et ses alliés jouissent généralement d’une attention spéciale, ce qui confère une coloration politique à la chaîne et peut limiter l’audience, malgré une couverture assez large des événements. Est-ce que de l’avis de M. Ghorayeb, l’expérience d’une chaîne spécialisée en nouvelles a-t-elle réussi ? «En fait, nos talk-shows sont variés. Nous avons aussi un autre atout : les téléspectateurs se branchent sur la NBN pour être au courant des dernières nouvelles. De plus, nous avons programmé une grande émission de nouvelles de 22h30 à 23h30 : les gens ont eu le temps de rentrer chez eux, de se reposer et ils peuvent suivre un bulletin qui couvre tout : le local, le monde arabe et l’international. Nous avons mis au point des programmes culturels qui sont aussi une nouveauté au Liban. En local, la NBN a 36 programmes, autant que toutes les télévisions libanaises réunies multipliées par deux». En réalité, la NBN a considérablement varié ses programmes dernièrement, la politique n’étant plus qu’une composante de sa grille.

Publicités ciblées

Qu’en est-il des publicités ? Le téléspectateur a l’impression qu’elles sont rares sur la NBN. Ce qui n’est pas du tout l’avis de Nahi Ghorayeb. «Ce n’est pas vrai que nous avons peu de publicités. Nous vendons le spot de 30 secondes à 500 dollars». D’après lui, les autres chaînes le vendent aussi à 500 dollars, mais offrent avec des compensations par exemple des spots gratuits. «Ce qui peut donner l’impression qu’elles ont plus de publicités». Mais il est évident que les premières chaînes en audience sont plus chères et que le prix du spot est plus important selon le taux d’audience par heure et par programme.
Pourquoi la NBN ne propose pas de spots supplémentaires à ses clients ? «Nous ne le faisons pas car nous sommes spécialisés. Nos clients sont des banques ou des sociétés d’assurances ou de voitures. Notre audience est formée à 70 % d’hommes. Au Liban, ce sont surtout les hommes qui s’intéressent aux nouvelles. Les femmes préfèrent généralement les feuilletons mexicains. Les téléspectateurs qui regardent NBN le matin sont en majorité des hommes d’affaires qui regardent aussi CNN. Nous ne pouvons pas nous comparer à la CNN, même s’il est vrai que nous nous sommes inspirés de cette chaîne pour la formule. Il y a d’autres chaînes internationales de nouvelles parfois aussi importantes, comme la CBS».

Des émissions
de 300 à 4 000 $

Au niveau des coûts, est-ce que la formule de la NBN est moins chère ? Probablement, puisqu’il est connu que des fictions ou des programmes importés coûtent chers. Nahi Ghorayeb nous fournit une idée des coûts : «Certaines émissions coûtent 300 dollars, d’autres peuvent aller jusqu’à 30 000 dollars. “Hikayat Kasr” coûte 2 000 dollars par émission. Nous avons déjà 13 enregistrements et toutes les grandes universités du pays nous ont demandé des copies pour les présenter à leurs étudiants. “Moukhtassar Moufid” coûte également 2 000 dollars par émission, puisqu’il y a toute une équipe de recherches et de préparation du programme. “Bass Chou Nakso” est l’émission la plus chère, elle coûte 4 000 dollars, parce qu’elle contient beaucoup d’animations. Mais l’essentiel n’est pas le coût immédiat. Ce genre d’émissions est un investissement, alors qu’un programme acheté, une fois diffusé à l’antenne, n’est plus à nous et donc à long terme, il coûte plus cher».
Est-ce que les salaires des journalistes sont très élevés ? Nahi Ghorayeb répond : «Le journaliste le mieux payé chez nous touche 6 000 dollars par mois».
À propos des projets futurs, il précise : «Nous allons émettre sur satellite à partir de ce mois, sinon au plus tard en février. La place est déjà réservée. Nous passons sur le Nile Sat ; cependant, le gouvernement n’est pas encore très clair au sujet de ce que nous devons payer. En ce qui concerne les programmes en préparation, permettez-moi d’être discret pour éviter qu’une autre chaîne ne saisisse l’idée, cas auquel nous avons déjà été exposés. Ce que je peux dire, c’est que la NBN prépare 15 nouvelles émissions avec de nouveaux présentateurs».
Au niveau de la société en tant que telle, la fusion avec une autre chaîne est-elle probable ? «Non, car nous n’avons pas besoin de faire une fusion. Actuellement, la NBN a des rentrées de 100 000 dollars en publicités par mois. Les chaînes de télés ne gagnent qu’après trois ans et tel est mon but. Je vais compenser mes pertes locales par mes rentrées satellite, car il y a un plus grand marché. Nous avons maintenant une nouvelle régie de publicités “Media Pro” présidée par Guy Djermakian. Au cours de l’an 2000, nous allons récupérer de l’argent du satellite et nous espérons avoir des rentrées de l’ordre de 4 à 5 millions de dollars».
Cependant, même si la diffusion par satellite ouvre de nouveaux marchés à la NBN, la concurrence y est encore plus féroce. Deux chaînes “All News” émettent déjà en arabe sur satellite, Al-Jazira et ANN. Elles ont des moyens financiers considérables et une couverture “live” qui nécessitent des investissements conséquents. Cela sans compter les traditionnelles MBC, LBC Sat, Future… Mais, c’est peut-être sur le créneau “culture et documentaires” que la NBN pourrait s’imposer auprès d’une élite quand même.