Le député Ghazi Youssef est revenu à la charge concernant un montant de 300 000 dollars dont il accuse le ministre des Télécommunications, Charbel Nahas, d’avoir disposé de manière « contraire à la loi et aux règles élémentaires de la comptabilité publique ». Ce dernier répond en substance que les sommes en question ne sont pas assimilables à de l’argent public, les opérations concernées relevant du droit privé.
 
De quoi s’agit-il ? Le ministre a demandé aux banques Fransabank et Audi Saradar de renoncer à des frais relatifs aux contrats fiduciaires en vertu desquelles elles détiennent pour le compte de l’Etat libanais les sociétés anonymes libanaises Mic1 et Mic2 créées en 2002 après la rupture des contrat de BOT pour la téléphonie mobile. Ces deux société sont aujourd’hui gérées par les opérateurs Alfa et MTC Touch. Les deux banques ont accepté la requête et reversé chacune les 150 000 dollars encaissés en 2009.
 
Les deux chèques ont été libellés au nom du « conseiller privé du ministre, Moussa Khoury, alors qu’ils auraient dû revenir aux opérateurs qui avaient comptabilisé ces sommes en tant que dépenses et les avaient donc soustraites des transferts semi mensuels effectués pour le compte du ministère ». Il s’agit donc d’argent public, a dénoncé vendredi Ghazi Youssef lors d’une conférence de presse consacrée à ce sujet.
 
A supposer que ces chèques ne correspondent pas au remboursement d’argent public, il s’agit alors de dons de la part de ces deux banques qui devraient être approuvés par le Conseil des ministres, a ajouté Ghazi Youssef.
 
Lorsque la polémique avait éclaté une première fois en août, Charbel Nahas avait expliqué que l’avocat Moussa Khoury avait encaissé cet argent en tant que membre du Conseil de surveillance des propriétaires (Owner Supervisory Board) dont le rôle est de contrôler l’application des contrats de gestion conclus entre l’Etat et les opérateurs de téléphonie mobile.  
 
Selon Youssef, les rémunérations des membres de cette instance sont financées par les opérateurs à hauteur de 60 000 dollars maximum par mois, après l’approbation du Conseil des ministres. « Si le ministre a décidé de relever les rémunérations de 720 000 dollars par an à 1 020 000 dollars, il aurait dû demander l’autorisation du Conseil des ministres », a déclaré Ghazi Youssef.
 
Le député a donc demandé à Charbel Nahas de s’expliquer et de fournir une copie du mandat octroyé par le conseil de surveillance à maitre Khoury, les pièces justificatives sur la manière dont l’argent a été dépensé, les raisons justifiant une hausse des rémunérations des membres du Conseil et une copie de leurs contrats de travail.
 
Interrogé par le Commerce du Levant, le ministre des Télécommunications se défend de tout agissement illégal, se disant tout à fait disposé à fournir au député les explications demandées.
 
« La confusion dans l’esprit de Monsieur Youssef vient du fait que l’Etat a jusqu’à présent toujours trouvé normal d’opérer des transferts permanents des réseaux de téléphonie mobile vers le Trésor, allant jusqu’à structurer les comptes de Mic1 et Mic2 de façon à ce que leur compte de perte et profit corresponde à leur trésorerie. Les deux sociétés encaissaient d’un côté tous les revenus des télécommunications et payaient de l’autre un montant en vrac aux opérateurs, le solde étant transféré au ministère des Télécommunications qui à son tour le transférait directement au Trésor, en dépit du principe d'annualité de son budget annexe à celui du budget de l'Etat. C’est comme si l’Etat actionnaire de la Middle East Airlines décidait de pomper toutes les semaines ou tous les quinze jours les recettes de la compagnie aérienne. »
 
Lors du renouvellement des contrats de gestion des réseaux en janvier 2010, Charbel Nahas explique avoir décidé de « sortir de la formule du transfert permanent » et d’appliquer aux deux sociétés les règles de comptabilité normales mettant en évidence les différentes charges, les amortissements des actifs, etc. PricewaterhouseCoopers a notamment été chargé de faire l’inventaire des actifs afin de les intégrer également aux bilans.  « Le ministère des Télécoms qui représente l’Etat est un actionnaire qui perçoit les dividendes à la fin d’un exercice comptable annuel et, avant que ces revenus ne soient transférés, il ne s’agit pas d’argent public. Pour reprendre l’analogie avec la MEA, si Airbus décidait de lui accorder une rétrocommission sur l’achat d’avions, cela se ferait sans l’aval du Conseil des ministres, même si l’Etat est propriétaire de la compagnie. »
 
Charbel Nahas précise que l’augmentation du budget du conseil de surveillance a servi à recruter des personnes pour « contribuer à remettre de l’ordre dans les comptes, suivre l’implantation de la 3G, etc. » Cette instance n’est « en aucune manière constituée de fonctionnaires, il s’agit d’un groupement de personnes rémunérées par Mic1 et Mic2 à la demande de l’Etat actionnaire, pour l’aider à en surveiller le fonctionnement, de la même manière que PricewaterhouseCoopers est rémunéré pour contrôler les comptes de ces deux sociétés. »