Les tensions politiques qui prévalent au Liban depuis la chute du gouvernement le 12 janvier affectent de nombreux secteurs économiques, en particulier ceux qui sont liés au tourisme.
Le calme dans certaines rues de la capitale généralement grouillantes, comme la rue Gouraud à Gemmayzé, témoigne de l'ampleur de la baisse d'activité qui touche plusieurs secteurs, dans toutes les régions. Les Libanais ont en effet déserté les restaurants à midi et le soir, explique au Commerce du Levant le président du syndicat des propriétaires de restaurants Paul Ariss. Une baisse est même notée ces derniers jours au niveau des livraisons des repas à domicile, ajoute-t-il. Mardi, de nombreuses personnes ont préféré ne pas se rendre sur leur lieu de travail, certaines écoles ont même fermé.
Si la récession dans le secteur de la restauration a commencé depuis juin 2010, date des heurts de l’armée libanaise et de l’armée israélienne à Adaissé, « avec une baisse de 25 à 30% de l’activité, la situation s’est aggravée depuis la démission du gouvernement, avec une baisse mensuelle de plus de 50% du chiffre d’affaires de certains restaurants. La baisse annuelle est encore plus importante», explique Ariss. Ces variations sont données à titre indicatif, en l’absence de données chiffrées, souligne-t-il.
Les restaurants avaient connu une légère hausse en termes de fréquentation en fin de semaine dernière, mais les incidents accompagnant les consultations parlementaires pour la nomination d’un nouveau premier ministre lundi et mardi ont ralentir à nouveau l’activité.
Le secteur hôtelier connaît aussi une baisse drastique du taux d'occupation "qui est tombé à 10 et 20% ces deux derniers jours contre 50% en période normale", selon une déclaration mardi du président de la Fédération libanaise des syndicats touristiques Amine Khayat.
Même son de cloche dans les agences de voyage. Maud Nakhal, responsable de l'entreprise éponyme, note une chute des réservations pour les vacances d’été des Libanais. «Généralement, nos clients s’y prennent à temps pour les vacances en juillet, août et septembre à l'étranger, parce qu’ils peuvent bénéficier de meilleures offres», ajoute-t-elle. «Ceux qui ont déjà réservé n’ont pas systématiquement annulé, mais nous n’avons plus de nouvelles demandes de réservations depuis la chute du gouvernement». Les voyageurs de février semblent aussi avoir remis leurs déplacements.
Si les Libanais se détournent des dépenses secondaires, leurs vieux réflexes de constituer des stocks alimentaires réapparaissent petit à petit. « Nous avons noté une légère augmentation de la demande sur les produits de première nécessité, comme les boites de conserves, les céréales et les produits pour bébés (couches, lait…), estimée entre 10 et 20%. Une tendance contraire a été notée pour les autres produits », explique un responsable dans la chaîne de grandes surfaces Spinneys.
Le secteur touristique pourrait aussi souffrir de la situation politique. Maud Nakhal souligne à ce niveau des annulations de réservations par des touristes turcs de leur déplacement au Liban pendant leurs vacances en février. Ces nouveaux touristes qui ont choisi le Liban avec l’abolition des formalités de visa, et qui devaient affluer par groupes de 50 à 100 personnes, ont commencé à annuler leurs réservations, ajoute-t-elle.
Pour Maud Nakhal, s’il y a un retour à la normale dans les jours à venir, il est encore possible de sauver la saison de vacances. Si elle perdure, « nous serons dans une situation catastrophique, semblable à celle de 2008 », après le coup de force à beyrouth du Hezbollah.
Les pronostics sont tout aussi moroses du côté des restaurateurs. « La crise politique doit se résoudre au plus tôt. Sinon, les effets seront catastrophiques pour le secteur. Durant les trois dernières années, pas moins de 1500 restaurants ont ouvert leurs portes au Liban, avec des investissements importants et des dettes bancaires pour 80% d’entre eux. Les loyers sont très élevés dans des régions comme le centre-ville de Beyrouth, Achrafié ou Hamra. Laissés à eux-mêmes, les restaurants n’auront pas d’autre alternative que de demander aux banques un rééchelonnement de leurs dettes », prévoit Ariss.


