Le ministre sortant des Télécoms Charbel Nahas a confirmé l’achèvement en 2011 de deux évolutions technologiques majeures : la 3G et le réseau de fibre optique. Après ce saut qualitatif au niveau des infrastructures, il estime que le chantier à venir est celui de la libéralisation du secteur à travers une révision des tarifs et de la structure de commercialisation des services.

Les Libanais auront accès à la téléphonie mobile de troisième génération (3G) dès cet été, des contrats d’équipement et de service ayant été attribués le 21 janvier pour un montant total de 80,3 millions de dollars, a annoncé le ministre sortant des Télécommunications Charbel Nahas, pour qui cette évolution technologie « va changer le visage du secteur ».
La 3G est une norme de technologie mobile de troisième génération qui permet aussi la transmission de données (Internet). La vitesse de connexion sera multipliée par 27 par rapport à la moyenne de 256 kb/s offerte actuellement à travers le service DSL. Elle sera en effet portée en moyenne à 7 000 kb/s (7 mégabits/s) et pourra atteindre un maximum théorique de 21 Mb/s, faisant du Liban l’un des pays les plus développés en la matière, selon le ministre. La capacité totale du nouveau réseau sera de 14 000 Mb/s, ce qui devrait permettre à 830 000 usagers de profiter de la 3G dans les meilleures conditions et à 1,5 million d’usagers d’en profiter dans des conditions moyennes.
En fait, le montant de 80,3 millions de dollars comprend une part de maintenance et de garantie sur trois à cinq ans, ce qui signifie que l’investissement au sens strict est de 67,4 millions de dollars pour 1 600 stations de transmission réparties sur tout le territoire. « Ce saut qualitatif majeur représente moins d’un mois de revenus des réseaux mobiles », précise Nahas. Les investissements sont réalisés par les deux opérateurs grâce à leurs recettes, il ne s’agit pas d’argent public nécessitant une approbation du Conseil des ministres ou du Parlement, a souligné le ministre sortant. « Les sociétés sont certes la propriété de l’État, mais il s’agit de sociétés commerciales relevant du droit privé. La situation est tout à fait comparable à celle de la Middle East Airlines, propriété publique, mais indépendante quant à ses investissements. »
C’est le suédois Ericsson qui a remporté l’adjudication lancée le 2 novembre pour doter le réseau MIC1 opéré par Alfa de cette nouvelle technologie. Son offre financière était de 36,2 millions de dollars. Elle a été réduite après négociations de 7,3 millions de dollars.
De son côté, le chinois Huawei a fait la meilleure offre financière (25,6 millions de dollars) pour le réseau MIC2 géré par MTC Touch, à l’exception de la fourniture du centre de commande, pour lequel Nokia Siemens a offert le meilleur prix (2,7 millions de dollars). Après négociations, le prix a été réduit de 7,6 % supplémentaires, à travers l’engagement de mettre les 65 stations offertes par la Chine à l’État libanais aux normes de la 3G, en plus des 850 stations objet du contrat.
« Les offres initiales pour les équipements totalisaient 151,2 millions de dollars. Elles ont été réduites à 64,6 millions de dollars. Quant aux offres pour la maintenance et le développement, elles sont tombées de 27,5 à 15,7 millions de dollars. Au total, l’économie est de 55 %. »
Au 9 décembre 2010, cinq sociétés avaient présenté leurs offres pour cette adjudication : Ericsson, Huawei, Nokia-Siemens, Alcatel-Lucent et ZTE. Ces deux dernières ont été disqualifiées le 15 janvier sur le plan technique pour l’adjudication pour MIC1, tandis qu’aucune n’a été disqualifiée techniquement pour MIC2.
Dans un entretien au Commerce du Levant, Charbel Nahas précise cependant qu’une partie de l’investissement lié au projet de 3G est prise en charge par le projet parallèle et complémentaire d’installation de fibre optique. « Plutôt que d’opter pour de la transmission radio sur longue distance, nous avons choisi de relier de façon souterraine la vingtaine de stations composant le deuxième niveau du réseau 3G. » L’installation de ces câbles est prioritaire dans le calendrier du projet de fibre optique dont le démarrage est imminent. « Nous attendons incessamment une dernière approbation de la Cour des comptes. »

Renouvellement des contrats des opérateurs

La mise en œuvre de la 3G sera assurée par les deux opérateurs actuels Orascom (Alfa) et Zain (MTC Touch) dont les contrats arrivés à échéance le 31 janvier ont été renouvelés pour un an, afin d’assurer la continuité du service. L’alternative en l’absence de gouvernement aurait été que le ministère récupère la gestion des réseaux dont il est propriétaire.
Les contrats ont été renouvelés aux mêmes conditions financières. Mais les opérateurs se sont en parallèle engagés sur quatre points essentiels.
Le premier est de renoncer à une indemnisation de 2,5 millions de dollars en cas de dénonciation du contrat par l’État.
Le second porte sur la “portabilité” des numéros. En clair, cela signifie qu’il sera désormais possible aux usagers du mobile de changer d’opérateur en gardant leur numéro. Un élément destiné à introduire un minimum de concurrence entre les deux opérateurs, chargés aussi de mettre en œuvre la 3G, en attendant de revoir la structure des tarifs qui nécessite des décisions en Conseil des ministres, précise Charbel Nahas.
Le ministre a insisté sur le caractère urgent d’une telle révision, étant donné le poids exorbitant des taxes dans la facture du téléphone.
« Sur un peu plus de deux milliards de dollars dépensés par les Libanais en un an en télécommunications, 17 % vont à la téléphonie fixe, 66 % au mobile, 8 % à l’Internet et à la transmission de données et 9 % à la TVA. Au total, 58 % de la facture correspond à des taxes et des rentes. »
Dans les limites des possibilités actuelles, les deux opérateurs se sont engagés aussi auprès du ministère à fournir de nouveaux services aboutissant à une baisse effective de tarif pour les usagers.
Trois forfaits d’un mois assortis de 10 jours de délai de rechargement seront proposés successivement.
Fin février, le premier forfait offrira 30 minutes de communication pour 15 000 livres (10 dollars). Deux mois plus tard, le second offrira 60 minutes de télécommunications pour 25 000 livres (16,7 dollars). Enfin, vers juillet, un troisième offrira 120 minutes pour 48 000 livres (32 dollars).
« Nous aurons réduit ainsi de 25 à 30 % le prix des télécommunications mobiles pour les couches les plus défavorisées », a expliqué Charbel Nahas. Selon le ministre, la minute de communication coûte environ trois fois plus cher aux usagers du mobile s’ils ont recours à des cartes prépayées (39-40 cents la minute) plutôt qu’à un abonnement (14 cents la minute). Cette différence est d’autant plus inéquitable que 80 % des usagers utilisent des cartes prépayées.
Le chantier à venir est celui de sa libéralisation, estime le ministre sortant dans un entretien au Commerce du Levant. « Le secteur doit être structuré en deux niveaux : un monopole de l’État au niveau de la propriété des infrastructures de base (la couche passive) et la concurrence commerciale au niveau de la prestation de services par le secteur privé (la couche active). »
Un premier pas dans cette direction est fait en vertu d’un quatrième engagement des deux opérateurs des réseaux mobiles : vendre à des prix de gros de la capacité de transmission de données à des opérateurs “virtuels”, à charge pour ces derniers ensuite de faire des offres au grand public.
 

Ericsson remporte l’appel d’offres pour la deuxième phase du projet de fibre optique

La société suédoise Ericsson a remporté l’appel d’offres du ministère des Télécoms pour la fourniture et l’installation des équipements permettant l’exploitation du réseau de fibre optique libanais, les multiplexeurs DWDM*, avec une offre à 6,3 millions de dollars.
Cette offre est la plus basse parmi les quatre compagnies restées en lice. L’équipementier français Alcatel-Lucent a proposé 10,6 millions de dollars, la société chinoise Huawei, 14,2 millions de dollars, et la finlandaise-allemande Nokia-Siemens 10,1 millions de dollars.
Le responsable du dossier chez Ericsson, Mohammad Dirgham, explique au Commerce du Levant que l’offre de sa société est attractive, car « nous avons pris la décision stratégique de faire du Liban une plate-forme pilote dans le déploiement de la nouvelle génération de multiplexeurs DWDM au Moyen-Orient ». Par ailleurs, la société craignait les offres agressives des concurrents, notamment chinois et indiens.
Selon un communiqué du ministère, sept sociétés ont répondu à l’appel d’offres lancé fin 2010. Deux ont été éliminées d’office, car leurs dossiers étaient incomplets ; il s’agit de l’américaine Tellabs et de l’indienne UTL. Sur les cinq candidats restants, celui présenté par la société chinoise ZTE a été écarté par le comité chargé d’ouvrir les plis car il ne remplissait pas le cahier des charges.
Cette adjudication correspond à la deuxième phase du déploiement du réseau Internet à haut débit au Liban, qui devrait permettre aux usagers de bénéficier d’une vitesse de connexion de 15 mégabits contre un maximum aujourd’hui d’environ 1 Mb/s (souvent théorique). La première phase avait permis l’adjudication de la construction du réseau de fibre optique en septembre 2010 à un consortium réunissant l’équipementier de télécoms franco-américain Alcatel-Lucent et la société libanaise de génie civile CET, pour 40 millions de dollars.

(*) Le multiplexeur DWDM est un équipement qui permet de faire passer plusieurs signaux de longueur d’onde différente sur une seule fibre optique, en les mélangeant à l’entrée à l’aide d’un multiplexeur (MUX) et en les séparant à la sortie au moyen d’un démultiplexeur.