Eclipsée par les révolutions arabes, la situation en Côte d’Ivoire se détériore pourtant de jour en jour. La communauté libanaise, qui compte 60 à 100.000 expatriés, est désormais bien plus inquiète qu'au début des affrontements.
Cela fait bientôt trois mois que le président sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara se battent pour la présidence du pays.
« L’économie du pays fonctionne de plus en plus au ralenti », précise le photographe Nabil Zorkot, qui vit depuis plus de 40 ans en Côte d’Ivoire. En cause : le blocus économique imposé récemment par les occidentaux pour forcer Laurent Gbagbo à quitter la présidence.
D'ores et déjà, plusieurs produits de première nécessité commencent à manquer. "Des fruits et des légumes. Les prix des denrées sont en forte augmentation ", précise une libanaise, qui vit dans le quartier de Marcory à Abidjan.
Les bouteilles de gaz de ville sont désormais introuvables. Et des rumeurs circulent quant à la possible fermeture des compagnies d’assurance, qui remboursent les soins médicaux.
« Nous avions déjà la crainte de manquer de médicaments. La majorité d'entre eux sont, en effet, importés et arrivaient par voie maritime. Mais depuis l'embargo nous vivons sur nos réserves. Jusqu’à quand tiendrons-nous ? Personne n’a de réponse », précise-t-elle.
Les autorités sanitaires ivoiriennes ont dénombré au moins 252 cas de choléras dans la capitale, dont 11 décès. Cette épidémie est liée à l’absence de ramassage des poubelles, qui s’amoncellent dans les rues depuis plusieurs semaines, favorisant la contamination des eaux et des aliments par le virus.
Selon le docteur Rachid Fakhry cependant, le nombre de cas n'est pas dramatique.
C’est bien plus la fermeture des banques, décidée la semaine passée, qui a les conséquences les plus dramatiques sur le quotidien des Ivoiriens et des Libanais. Avec, à la clef, une crise de liquidités.
« On ne trouve déjà plus de billets de 1000 ou de 2000 francs CFA », reprend la libanaise.
Plusieurs filiales de banques occidentales ont, en effet, décidé de fermer leurs portes la semaine passée. Il s'agit de la SGBCI (Société Générale) et de la Bicici (filiale de BNP-Paribas). La banque américaine Citibank et la Britannique Standard Chartered ont également suspendu leurs activités. Ne reste en activité que des banques nationales de moindre envergure. "Cette décision nous a tous pris par surprise", précise Nabil Zorkot.
La Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui normalement garantit les banques étrangères, ayant elle-même arrêté ses activités après la réquisition de ses agences en Côte d’Ivoire par le camp Gbagbo.
Des combats entre partisans de Laurent Gbagbo et d'Alassane Ouattara se déroulent par ailleurs dans la province occidentale des Dix-huit montagnes, scindant le pays en deux. Ces combats constituent une menace pour toute la région, a indiqué le porte-parole de la mission onusienne de maintien de la paix. « L'Onu estime que ces combats présentent un risque de redémarrage d'un conflit armé (...) qui aurait de graves conséquences pour le peuple ivoirien et toute la sous-région», a-t-il déclaré.
Abdijan est également touché : des affrontements « à l’arme lourde » ont lieu dans le quartier d’Abobo Gare, tenu par les partisans d’Alassane Ouatara, depuis une semaine, provoquant la fuite d'habitants. Dix à quinze gendarmes, soutenant Gbagbo, y ont trouvé la mort ce mardi.
« Partir ? Pour où ? Jusqu’à quand ? Le Liban, qui n’a pas de gouvernement ? Où l’on peut craindre une irruption de violence n’importe quand ? Très peu pour moi », conclut, amer ou résigné, le docteur Rachid Fakhry.


