En réaction à l’affaire de la Lebanese Canadian Bank, accusée de blanchiment par le Trésor américain, les autorités monétaires et l’industrie bancaire sont en train de revoir les systèmes en place pour mieux se protéger. Une série de mesures sont envisagées pour préserver l’épargne des Libanais et éviter que « la mauvaise monnaie ne chasse la bonne », selon le dicton français.
En mettant en cause le 10 février dernier la Lebanese Canadian Bank dans une affaire de « blanchiment d’argent lié au trafic de drogue », le département du Trésor américain a créé un précédent : c’est la première fois dans l’histoire moderne du secteur bancaire libanais qu’une banque libanaise est l’objet de telles accusations. Au cours des deux dernières décennies, 47 banques sont sorties du marché, sans que la réputation du secteur ait été affectée : la suppression de licence étant due soit à la décision des propriétaires de quitter le secteur bancaire, soit à la fermeture de filiales étrangères au Liban, soit à une mauvaise gestion, soit à des difficultés liées aux conditions économiques ou sécuritaires ayant prévalu au Liban entre 1975 et 1990.
Aujourd’hui, il faut continuer de préserver la réputation du secteur, pas seulement à travers des mots, mais aussi à travers l’action dans la direction suivante :
1 – Connaître son client
Nos banques doivent procéder à un examen minutieux et approfondi de leur clientèle (particuliers et institutions). Si elles ont le moindre doute sur l’un d’entre eux ou si des mouvements de comptes leur paraissent suspects, elles doivent agir en conséquence comme d’habitude et notifier la Commission d’enquête spéciale.
2 – Assurer l’indépendance des dispositifs de vérification
Il faut allouer toutes les ressources matérielles et humaines nécessaires au fonctionnement optimal des départements de vérification qui devront bénéficier d’une protection statutaire garantissant l’indépendance nécessaire à la surveillance efficace des risques. La protection des banques passe avant toute autre considération.
3 – Revoir les règles de lutte contre le blanchiment
Enfin, les autorités de régulation, à savoir la Banque du Liban, la Commission de contrôle des banques et la Commission d’enquête spéciale, doivent revoir les règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, tout en révisant les procédures et la vérification de leur application. Le courage et la responsabilité doivent primer en la matière sur toute considération politique ou sectaire.
a) Pénaliser l’évasion fiscale
Il faut ajouter à la liste des crimes visés par la loi 318/2001 sur le blanchiment d’argent celui d’évasion et de fraude fiscales. Le G20 a en effet mandaté l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour établir à partir de ce critère des listes de pays blanches, grises ou noires. Une délégation est attendue à Beyrouth sur ce dossier. Le Liban doit lutter contre l’évasion fiscale en provenance de l’étranger de la part d’acteurs souhaitant tirer profit du secret bancaire. Celui-ci ne saurait protéger les délinquants, couvrir les crimes financiers ou le blanchiment. Il a seulement vocation à protéger les détenteurs de capitaux “propres” contre des autorités arbitraires et contre la violation des libertés.
b) Contrôler les mouvements en espèces
Il faut une loi pour contrôler les mouvements des espèces en devises vers et à partir du Liban dont la liberté totale nous est aujourd’hui préjudiciable. Il s’agit de respecter la norme mondiale qui limite les montants autorisés et oblige à les déclarer. Nous devons nous hâter d’agir afin d’empêcher l’exploitation du libéralisme actuellement en vigueur par les acteurs du crime organisé. Les banques encouragent la tendance à l’usage de la livre libanaise via le chargement des distributeurs automatiques de billets en livres libanaises plutôt qu’en billets verts. En vertu de cette même politique, les banques peuvent aller plus loin en limitant strictement le volume de “cash” accepté à leurs guichets. D’autant que le coût et les risques associés au traitement des billets sont très élevés. Il faudrait également renforcer le contrôle de l’activité des bureaux de change de façon à éviter qu’ils ne soient utilisés par les circuits de blanchiment d’argent ainsi que réorganiser et mieux contrôler le métier de changeur au Liban afin de surveiller le processus entier de traitement de l’argent liquide au Liban, pour protéger la réputation du pays et du secteur.
c) Adhérer à la Convention sur le financement du terrorisme
Enfin, le Liban doit adhérer à la Convention internationale pour la suppression du financement du terrorisme votée par les Nations unies en 1999. La réticence du Liban à l’égard de cette convention n’est plus justifiée par l’obligation de respecter le secret bancaire, car la création de la Commission spéciale d’enquête (SIC) en vertu de la loi 318/2001 prévoit la coopération avec la communauté internationale. Il est tout à fait possible, à l’instar d’autres pays, d’adhérer à la convention tout en s’appuyant sur la législation libanaise en matière de définition du terrorisme.


