Cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps : le Liban n’est plus le centre du monde. Les printemps et les répressions arabes sont un moment historique pour cette région du monde. Ils le sont aussi pour la place qu’occupe le pays du cèdre dans son environnement ; la fonction qu’il remplit depuis des décennies : celle de caisse de résonance des conflits, théâtre des bras de fer engagés par procuration par des puissances voulant éviter des conflits directs. Plus troublant encore, la Syrie vacille et avec elle tout le glacis géopolitique qu’elle a constitué.
Dans cet environnement en ébullition, le Liban perd tous ses repères. « Personne ne se soucie plus de vous », ironise un intellectuel arabe à propos de l’embarras dans lequel se trouvent les dirigeants libanais peu habitués à ce que leurs querelles intérieures ne trouvent pas d’échos hors des frontières. « Les Arabes ont d’autres chats à fouetter. »
La classe politique est totalement désorientée. Ce qui ne fait qu’aggraver la crise politique, économique et sociale que traverse le Liban. À chaque épisode de cette crise prévaut l’impression qu’un nouveau seuil a été franchi. Pourtant, semaine après semaine, mois après mois, il semble qu’on n’ait toujours pas touché le fonds.
Inconsciemment ce constat implique l’idée qu’un jour ou l’autre il y aura la possibilité de remonter la pente. Un coup de pied pour remonter à la surface. Pourquoi ne pas profiter de cette autonomie relative des acteurs locaux par rapport à leurs mentors régionaux pour commencer enfin à rebâtir les institutions, au lieu de s’injurier à longueur de journée ?