Depuis la mi-mai, plusieurs commissions parlementaires se sont attelées à la lourde tâche de gommer les discriminations majeures à l’encontre des femmes, contenues dans les lois libanaises. Pour l’heure, les principales propositions d’amendements, approuvées en commissions, ont un caractère économique et visent à réviser les lois fiscales de 1959 et le code de la sécurité sociale. Ces propositions ont été transmises au Parlement, qui devrait les étudier lors de sa prochaine session. Les discussions parlementaires autour du droit des femmes à transmettre leur nationalité, celles relatives au projet de loi sur la violence conjugale ou au statut civil optionnel n’ont, elles, toujours pas abouti. « Certains députés sont très attentifs à ce que la rédaction des amendements n’entre pas en conflit avec les textes religieux communautaires, qui gouvernent en particulier les statuts personnels », a expliqué le député Ghassan Moukheiber, lors d’une conférence organisée par l’Université Saint-Joseph.

Parmi les avancées notables, une série de propositions d'amendements visant à supprimer les discriminations fiscales. Les parlementaires veulent ainsi modifier l’article 31 de la loi fiscale relative à l’impôt sur le revenu (décret-loi n° 144 du 12 juin 1959). A l’heure actuelle, cet article permet à l’époux de bénéficier d’une série d’abattements fiscaux dont la femme est exclue. Le mari jouit en effet seul d’un abattement de 500.000 livres libanaises (334 dollars), accordé pour chacun de ses enfants à charge, lorsque les deux époux travaillent. « Il existe aussi une forme de discrimination positive puisque cet abattement est accordé pour un fils jusqu’à ses 25 ans s’il poursuit ses études, mais indéfiniment pour une fille qui reste célibataire (voire qui devient veuve ou divorcée). Et ce, quel que soit son âge », précise l’avocat fiscaliste Karim Daher.
 
De la même façon, l’article 31, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, prévoit un abattement automatique pour l’époux si sa femme ne travaille pas de l'ordre de 2,5 millions de livres libanaises (1.667 dollars). La réciprocité n’est admise que de manière exceptionnelle : l’épouse ne peut en effet en bénéficier que si elle apporte la preuve du décès de son mari ou que « l’inactivité de son mari est liée à un cas de force majeure comme un handicap qui l’empêche de se déplacer normalement », rappelle Karim Daher. 
 
Toujours sur le plan fiscal, les parlementaires ont également proposé de réviser l’article 9 du décret-loi n° 146 du 12 juin 1959 portant sur les droits de mutation dus au moment d’une succession. Cet article prévoit actuellement pour l’héritier, qui aurait la charge de son épouse, un abattement personnel supplémentaire de 16 millions de livres libanaises (10.665 dollars) ainsi qu’un abattement de 8 millions de livres libanaises (5.334 dollars) à valoir pour chacun de ses enfants mineurs (maximum de trois enfants). « Aujourd’hui, un homme qui ne travaille pas, bénéficie de ces abattements supplémentaires. Mais une femme, qui travaille, ne peut pas y prétendre même si son mari est inactif et qu’elle en a la charge... Il y a là une injustice fiscale d’autant plus grande qu’en pratique, l’Administration n’a jamais demandé à quiconque de prouver que sa femme ne travaillait pas », ajoute Karim Daher.

S’ils sont votés au Parlement, ces amendements permettront donc une égalité fiscale entre l’homme et la femme.

Les députés ont également choisi de réformer l'article 16-2 du code de la sécurité sociale. Pour qu'une femme aujourd'hui puisse obtenir les indemnités de son congé maternité, elle doit être inscrite à la CNSS au moins 10 mois avant la date prévue de l'accouchement. C'est ce délai qui devrait être  supprimé si le parlement vote l'amendement.

Dans le régistre pénal, les parlementaires ont également décidé de soumettre à l’approbation d’un futur vote une révision des peines en cas d’adultère (article 487 à 489 du code pénal). Cette modification ne dépénalise pas l’adultère, mais étend aux deux sexes les sanctions, plus lourdes, dont aujourd’hui seules les femmes adultères sont passibles, de trois mois à deux ans de prison.

Reste enfin l'abrogation de l’article 562 du code pénal relatif aux « crimes d’honneur ». Cet article accorde, en l’état actuel de la législation, des « circonstances atténuantes » à  l’individu qui tuerait l’un des membres de sa famille pour avoir eu « un rapport sexuel illicite ou qu’il trouverait dans une situation apparemment compromettante ».
Mais, comme le note le quotidien As-Safir, cette modernisation n’est qu’apparente.  Car les députés abrogent d’un côté ce qu’ils renforcent de l’autre en catimini. « Les parlementaires ont proposé la suppression du crime d’honneur, sous la pression des associations féministes ou des ONG internationales, mais d’autres articles du code pénal, qu'ils refusent cette fois d'amender, permettent d’accorder ces mêmes circonstances atténuantes », rapporte le quotidien libanais. En ligne de mire : l’article 252 du code pénal, que les parlementaies refusent cette fois de supprimer, et qui attribue des « excuses atténuantes » à celui qui commettrait un crime, sous « le coup de la colère », du fait « d’une action injuste et suffisamment grave de la victime »...