Le drame de Fassouh a été un choc pour tous les Libanais. La compassion était d’autant plus grande que chacun s’est senti concerné, potentiellement susceptible d’être confronté à la même catastrophe. Les propriétaires de l’immeuble qui s’est effondré sur ses habitants sont devant la justice. Mais est-ce que cela suffit pour que justice soit faite au sens de la société et pas seulement des individus ? La mobilisation humanitaire a bien eu lieu. Mais la véritable remise en question pas vraiment. Or, au-delà de l’irresponsabilité criminelle de tel ou tel individu, c’est bien la politique globale de l’État en matière d’urbanisme et de logement qui est en cause. Et en premier lieu la loi sur les loyers antérieurs à 1992. Cent fois remise sur le tapis, l’abrogation de cette aberration légale n’a jamais été à son terme. Elle est l’un des nombreux symptômes de la faillite de l’État. Incapable d’assurer une véritable politique de logement, il fait porter sur les propriétaires le poids de la subvention des locataires. L’hypothèse sous-jacente est que les premiers ont les moyens de cette charge et que les seconds sont réellement dans le besoin, ce qui est loin d’être une règle. Le résultat est connu de tous : les immeubles sont transformés en camps retranchés entre propriétaires et locataires ; les uns cherchant à minimiser leur perte, ce qui explique la vétusté des bâtiments, les autres à profiter au maximum de leur privilège. Le résultat c’est aussi un marché de l’immobilier totalement déséquilibré, une part importante du stock ancien étant de facto exclue des transactions, ce qui alimente l’inflation dans le secteur. Sous l’effet de l’émotion, certains se sont pris à espérer que le lourd bilan humain à Fassouh agirait comme un électrochoc pour susciter enfin une réaction des pouvoirs publics. Un espoir déjà presque évanoui.