L’usine de tapis qui a été ravagée par un incendie à Safra était-elle assurée ? Va-t-elle pouvoir survivre à ce sinistre ?
Byblos Teppich Fabrik est assurée et suivait toutes les consignes de sécurité, avec même des extincteurs, nombreux et à tous les étages. Les accidents arrivent. L’intérêt d’une assurance est de les rendre le moins douloureux possible. L’usine de Safra est un acteur important dans l’économie du pays, par la centaine d’emplois qu’elle assure et par ses exportations. La cessation éventuelle de ses activités serait une catastrophe tant pour les actionnaires que pour les employés et le Liban. À ce stade toutefois le fait que l’usine soit assurée permet d’espérer un redémarrage dans les mois à venir.

L’incendie de Safra a relancé le débat sur la nécessité d’obliger les usines, et les surfaces professionnelles en général, à souscrire une assurance incendie : en quoi une telle mesure serait-elle utile ?
On estime à moins de 15 % les usines libanaises qui sont couvertes par un contrat d’assurance. C’est très peu. Rendre l’assurance obligatoire aurait de nombreux avantages. Le premier est de contribuer à améliorer le niveau global de sécurité. Car avant de donner son accord pour couvrir un risque, l’assureur et/ou le réassureur procèdent à une évaluation minutieuse du lieu, de l’activité, des modes de travail et dispense des conseils pour réduire les risques. Il agit donc comme un conseil en sécurité. Le second intérêt est sectoriel. Une assurance souscrite par tous élimine l’antisélection. Les risques les plus faibles, mutualisés avec les risques les plus élevés, rassurent les actuaires, ce qui permet de réduire le prix des polices.
L’augmentation du portefeuille consolidé crée automatiquement de la concurrence entre les différentes compagnies, qui sont poussées à étendre leur couverture de façon à indemniser non seulement les incendies ou les vols, mais aussi les réductions/pertes de profits, les frais de relocalisation, les salaires durant la période de reconstruction et bien d’autres dépenses qui surviennent à la suite d’un accident majeur.
Tout ceci contribuerait à réduire les pertes liées aux sinistres, à faciliter la reprise d’activité et donc à empêcher un appauvrissement trop important de l’économie.

Le Liban a déjà une expérience en matière d’assurance obligatoire, celle concernant les véhicules. Son bilan est très controversé. Que faudrait-il faire pour que l’assurance incendie obligatoire soit appliquée dans de bonnes conditions ?
Une loi rendant obligatoire l’assurance incendie pour les lieux de travail créerait un nouveau marché pour les compagnies qui pourrait se compter en centaines de millions de dollars. L’augmentation du volume des contrats leur permettrait de négocier de meilleures conditions avec les réassureurs étrangers et de réduire la part de leur portefeuille qu’elles placent hors du Liban. Cette baisse des coûts contribuerait à une hausse des profits, d’où la nécessité de renforcer le contrôle de la Commission de surveillance des assurances. C’est la première condition d’une bonne application d’une telle loi.
La seconde consiste à laisser faire le marché pour la fixation du tarif des polices et des plafonds d’indemnisation, ce qui n’a pas été le cas avec l’assurance auto obligatoire.
La troisième porte sur l’affectation des revenus générés par le secteur à l’intérêt général. L’idée est de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’avec l’assurance automobile obligatoire qui a généré environ 60 millions de dollars pour le secteur, sans aucune contribution à l’amélioration de l’état des routes ou des transports publics. L’augmentation des primes incendie, actuellement taxées à hauteur de 11 %, représenterait un apport annuel non négligeable au Trésor public.
De plus, un accord pourrait être trouvé entre l’Association des compagnies d’assurances au Liban (ACAL) et la Défense civile, pour allouer une partie des bénéfices à la formation des pompiers et l’achat de matériel. Car plus la lutte contre les incendies est efficace, plus les pertes des assureurs sont réduites.