La Lebanese Society of Technical Analysts (LSTA) promeut auprès des professionnels de la finance l’usage de l’analyse technique pour prévoir les mouvements de marchés.

Dans un contexte financier international qui oblige souvent les investisseurs à naviguer à vue, ces derniers sont de plus en plus nombreux à rechercher une expertise pointue pour prévoir les tendances et ainsi placer au mieux leurs capitaux. Au Liban, cette casquette ne correspond encore qu’à peu de spécialistes.
C’est en réponse à cette demande que Grégoire Azar, directeur du département “affaires internationales” de la banque BLOM, a décidé d’importer l’enseignement de l’analyse technique dans le pays et de créer la Lebanese Society of Technical Analysts (LSTA) en mars 2011. « L’analyse fondamentale, qui est enseignée dans les universités et est utilisée communément, donne des prévisions générales et ne suffit pas pour établir des prévisions précises », explique-t-il. L’analyse technique, qui consiste en l’étude des graphiques de cours de bourse et d’indicateurs sous-jacents, a pour objectif d’anticiper l’évolution des marchés à court et à long terme. « Elle complète l’analyse fondamentale en donnant des prévisions immédiates, et définit des points d’entrée et de sortie des marchés. » Tous les types de marchés sont concernés : les actions et les indices, les devises ou encore les matières premières.
Si le recours à l’analyse technique est désormais largement répandu dans les salles de marchés, il est toutefois loin de faire l’unanimité. Ses nombreux détracteurs, qui vont parfois jusqu’à la qualifier de “magie noire”, mettent encore en doute sa crédibilité. La principale critique qui repose sur l'hypothèse de « l'efficience du marché des capitaux » estime que les informations relatives aux prix passés sont d'ores et déjà contenues dans le prix actuel de l’actif, ce qui met en cause l’analyse de l’évolution des prix dans le temps pour prédire le futur. D’autres dénoncent simplement son fondement non scientifique : en effet, la plupart des notions sont développées à partir d’analyses de la psychologie des acteurs des marchés financiers.
Cette technique ne date pas d’hier. Dès le XVIIIe siècle, les Japonais emploient un système de marquage des prix, dit “candlesticks”, pour déterminer les cours du riz. Puis, au début du XXe siècle, l’Américain Charles Dow, créateur de l’indice Dow Jones, introduit une théorie de prévisions basée sur les variations des prix. Mais l’analyse technique ne prend de l’ampleur sur les marchés internationaux que dans les années 1980.
« Elle permet aux analystes de prévoir les tendances et les mouvements des marchés pour se positionner au mieux, définir un objectif de prix et mettre en place un scénario alternatif. En résumé, elle permet de prendre des décisions d’investissement adéquates », note Grégoire Azar, président de LSTA. En un peu moins de deux ans, cette association à but non lucratif a séduit 44 membres, pour la plupart des traders, dealers et investisseurs. L’objectif est d’atteindre la barre des cent membres d’ici à la fin 2013, et pour cela la LSTA mise sur les jeunes banquiers. « Ce sont les plus intéressés, ils se rendent de plus en plus compte de l’importance de bien maîtriser cet outil. »
En s’affiliant à la maison mère américaine, la “International Federation of Technical Analysts” (IFTA) qui regroupe des associations dans 31 pays et qui compte plus de
7 000 membres. Ces derniers bénéficient de l’expertise du réseau et sont en mesure de présenter l’examen de l’IFTA, le “Certificate of Financial Technician” (CFTe). Le fondateur s’enorgueillit de la réussite des quatre candidats soutenus cet été par l’association. L’un d’eux est Mario Kfoury. « J’ai commencé à m’intéresser aux marchés financiers il y a une dizaine d’années, en m’aidant des informations données par les chaînes de télévision spécialisées comme Bloomberg, explique-t-il, et ce n’est qu’en 2011 que j’ai découvert l’analyse technique. »
Il ambitionne désormais de passer le second niveau de l’examen. « Le trading n’est pas un jeu comme beaucoup le pensent, mais une discipline très rigoureuse », insiste-t-il. Il assiste toutes les cinq semaines aux réunions de l’association, où les membres apprennent à analyser les marchés, à faire des prévisions et identifier les tendances en gérant un portefeuille fictif.
Grégoire Azar souhaite étendre la discipline en sensibilisant davantage les étudiants dans les universités. L’USJ et l’USEK proposent déjà toutes deux des cours dédiés à l’analyse technique, et l’ESA offre depuis l’an dernier un cycle de cours de 42 heures aux professionnels qui souhaitent se spécialiser en analyse technique.

Trois méthodes

Il existe trois familles de méthodes en analyse technique. La première, la plus répandue, est la méthode dite “classique”, basée sur l’observation de formations à partir de graphiques. Ces figures géométriques ont toutes des noms spécifiques correspondant à des évolutions de prix, telles que “Double top” ou “Tête et Épaules”. La seconde est la méthode mathématique, aussi appelée scientifique, fondée sur le calcul de formules qui déterminent les indicateurs. Ces derniers sont nombreux : “relative strength index”, “stochastics”, “parabolics”, “moving average convergence divergence – MACD”, ou le populaire “Bollinger bands”. Enfin, la troisième est la méthode ésotérique. C’est la plus complexe, mais elle permet selon les spécialistes d’obtenir les résultats les plus sûrs. Son application la plus connue est le “Elliott Waves Principle”, qui reprend les conclusions de la série de Fibonacci, un mathématicien du XIIe siècle. « L’aspect court terme de cette méthode correspond bien à la culture des spéculateurs libanais qui privilégient les profits rapides », remarque Grégoire Azar.