Un article du Dossier

Gaz naturel : la ruée vers l'or bleu

 

Au moment de tracer les blocs qui feront l’objet d’appels d’offres internationaux pour l’exploration de ses gisements gaziers, le Liban doit faire un choix politique important : s’il juge que les fonds marins à cet emplacement sont potentiellement intéressants, définira-t-il des blocs dans le triangle de mer situé dans ce qu’il considère être sa zone économique exclusive mais que lui conteste Israël ?
S’il choisit de le faire, ce pourrait être mal accepté par Israël, sans que l’on sache réellement quel type de réaction l’État hébreu pourrait avoir. « S’il choisit de ne pas le faire, ce pourrait être interprété comme une reconnaissance implicite de la légitimité d’Israël à revendiquer ce triangle de 860 km2 et consacrer ainsi qu’il s’agit d’une zone “contestée”, ce qui serait à l’avantage de l’État hébreu dont l’objectif semble de vouloir créer une sorte de zone tampon côté libanais », explique l’avocat Malek Takieddine, qui suit de près le dossier.
Le litige frontalier entre le Liban et Israël remonte au 10 juillet 2011, date à laquelle le gouvernement israélien a officialisé le tracé de sa zone économique exclusive (ZEE) en adoptant, pour sa frontière nord, une ligne empiétant sur la ZEE notifiée par le Liban à l’ONU en juillet et octobre 2010. Le Liban a justifié son tracé par les techniques internationalement reconnues par le droit de la mer. Israël qui n’est pas signataire de la convention de Mantego Bay sur le droit de la mer fonde de son côté son tracé uniquement sur une imprécision de l’accord frontalier conclu entre le Liban et Chypre. La nature politique de cette affirmation apparaît clairement à la lumière des blocs dessinés par Israël dans sa zone exclusive : leur frontière nord suit quasi exactement le tracé frontalier établi par le Liban.
Le caractère potentiellement exclusif de ce nouveau litige frontalier entre le Liban et Israël a amené les États-Unis à tenter de faciliter une négociation indirecte. Le principe d’un compromis a même été examiné en Conseil des ministres libanais à l’automne 2012.
Il consistait à ce qu’Israël renonce aux deux tiers du triangle d’empiètement au profit du Liban, mais que le tiers restant continue d’être considéré comme une “zone contestée”. Bien qu’il ait eu les faveurs de certains responsables libanais, ce compromis a été refusé, explique Malek Takieddine. « Il faut un fondement légal pour modifier le tracé en vue d’un compromis – il s’agit en général de tenir compte de facteurs historiques ou géographiques comme la présence d’une île –, or en l’occurrence il n’y en a aucun, l’offre étant purement politique. »
Les efforts diplomatiques ne sont pas suspendus pour autant et tous les observateurs s’accordent à dire qu’aucune partie n’a intérêt à une escalade, étant donné l’importance des intérêts économiques en jeu.


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